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  Introduction à la nanotechnologie moléculaire
 

Introduction à la nanotechnologie moléculaire.

Version 1.8 - Dernière mise à jour : 21 mars 2006.
Texte mis à jour de la présentation donnée initialement en Avril 1998 à l'Academie Européenne Interdisciplinaire des Sciences (AEIS, ex-AISP)

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Par Frederic Levy.
Frederic Levy
 


Sommaire

Introduction

Qu'est-ce que la nanotechnologie?

Etat de la recherche actuelle, voies explorées

Applications

Conclusion

Annexes (publications, sites Web)


Introduction

Je vais effectivement vous parler de la nanotechnologie. En préparant cette présentation, j’ai découvert que le mot existait dans le dictionnaire, avec un sens un peu différent du mien (il y est question de l’application de la microélectronique à la fabrication de structures à l’échelle du nanomètre). En fait, ce dont je vais vous parler ce soir est plus précisément défini par le terme de nanotechnologie moléculaire.

Si cette technologie est effectivement mise au point, elle engendrera des bouleversements d’une ampleur difficilement prévisible aujourd’hui, aussi bien dans les domaines techniques, qu’économiques et sociaux.

Ils dépasseront en tout cas ceux engendrés par les révolutions industrielles mécaniques et informatiques des deux siècles précédents combinées, et dans une période beaucoup plus courte !

Il est encore impossible de répondre avec certitude à la question de la date à laquelle cette révolution "nanotechnologique" interviendrait.

Toutefois, les estimations de la plupart des scientifiques travaillant dans le domaine, vont de 10 à 20 ans pour la mise au point de la première percée technique majeure (du «breakthrough»). Il se peut, bien sûr, que des difficultés surgissent pendant les recherches, et qu’il faille plus longtemps pour y arriver, mais, à terme plus ou moins proche, cette révolution semble inéluctable.

On peut tracer un parallèle avec une autre réalisation technologique difficile et importante : la réalisation de la bombe atomique. Nous nous situerions alors, sans doute, vers la fin des années 1930. C’est-à-dire que la partie théorique est suffisamment développée pour être pratiquement certain de la faisabilité, par contre, il reste de nombreux problèmes techniques complexes à résoudre. Et le chemin permettant d’y arriver n’est pas connu précisément. Plusieurs voies de recherches sont en cours d’étude aujourd’hui. De même, la durée et la quantité d’efforts à fournir pour y arriver est encore uniquement supputée.

Après cette introduction, vous devez penser que j’exagère fortement l’importance de ces recherches encore très peu connues, voire que je fabule entièrement, mais j’espère avoir réussi à éveiller votre curiosité !

Je vais maintenant vous expliquer ce que l’on entend par nanotechnologie moléculaire, faire un bref état des recherches actuelles et vous décrire quelques conséquences techniques qui peuvent être envisagées.

Je répondrais autant que je le pourrais à vos questions après ma présentation, toutefois, si vous souhaitez une précision ou un éclaircissement, n’hésitez pas à m’interrompre en cours de route !


Qu'est-ce que la nanotechnologie ?

Depuis que l’humanité existe, nous fabriquons et nous utilisons des outils manufacturés.

D’un certain point de vue, on peut dire que les techniques de fabrication ont peu changé depuis les temps préhistoriques! En effet, la fabrication d’un objet nécessite le plus souvent l’extraction de matières premières en assez grande quantité, tout un processus de travail sur ces matériaux (de chauffage, d’application de pression, de processus chimiques), d’assemblage (par soudure, par attaches, par collage) avant d’obtenir l’objet désiré, qui peut être par exemple une voiture, un ordinateur, une feuille de papier ou même un steak tartare.

Pendant tout ce processus de fabrication, une grande quantité d’énergie est utilisée, et une grande quantité de déchets est généralement produite (malgré les progrès dans le recyclage).

Indépendamment, la tendance est au contrôle de plus en plus fin de la matière fabriquée (on grave aujourd’hui des sillons de largeur inférieure au micromètre sur les puces informatiques (100 fois plus fin qu’une feuille de papier). Les capteurs mécaniques de chocs pour les coussins à air dans les voitures sont ainsi gravés directement sur les puces informatiques (cf illustration ci-contre). Il s’agit là de la nanotechnologie, telle qu’elle était définie dans mon dictionnaire.

Les techniques les plus récentes permettent de graver des lignes de 80 nanomètres! (1000 fois plus fin qu’une feuille de papier!)

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Micro-accéléromètre (Grossissement d’environ 800)
Les deux «peignes» peuvent se déplacer l’un par rapport à l’autre sous l’effet d’une violente accélération.
(Source : Encyclopedia Universalis)

Richard Feynman, le prix Nobel américain de physique, s’est demandé jusqu’où pouvait aller cette miniaturisation et ce contrôle de la matière. Lors d’une conférence qu’il a donné en 1959, il a établit les bases de ce qui allait devenir 20 ans plus tard la nanotechnologie moléculaire (voir le texte de la conférence en annexe).

Il a alors suggéré que les lois physiques autorisaient la manipulation et le positionnement, direct et contrôlé, des atomes et des molécules, individuellement, un par un. Qu’il était tout à fait possible d’utiliser les atomes comme briques de construction, à la manière de briques de Lego (en tenant compte des forces s’exerçant entre eux, évidemment).

Il s’agissait là d’une idée extrêmement originale. Après tout, l’existence des atomes n’avait été totalement reconnue par la communauté scientifique que peu de temps auparavant !

Toute la matière, les maisons, le papier, les liquides, l’air, et nous-mêmes sommes constitués d’atomes.

En fait, tout ce que nous pouvons voir, toucher, ou sentir est constitué d’un nombre assez faible d’atomes différents (quelques dizaines). L’air est principalement composé d’atomes d’oxygène, d’azote et de carbone. L’eau est composée d’atomes d’hydrogène et d’oxygène. Les êtres vivants sont principalement composés d’atomes de carbone, d’hydrogène et d’oxygène.

Ce qui fait qu’un arbre est différent d’un homme, ou un ordinateur d’un peu de sable est, bien sûr, l’organisation de ces quelques sortes d’atomes. La différence d’agencement entre les atomes est, par exemple, l’unique différence entre un diamant et un morceau de charbon, tous deux constitués uniquement d’atomes de carbone.

                               
H
He
Li
Be
                   
B
C
N
O
F
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Na
Mg
                   
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Si
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Ra
Ac
                             
       
Ce
Pr
Nd
Pm
Sm
Eu
Gd
Tb
Dy
Ho
Er
Tm
Yb
Lu  
       
Th
Pa
U
                       

Table périodique des atomes (Table de Mendeleïev).
Les atomes dont le symbole est en gras sont ceux dont l’importance prévue pour les conceptions en nanotechnologie est la plus importante : Hydrogène (H), Carbone (C), Azote (N), Oxygène (O), Fluor (F), Silicium (Si), Phosphore (P), Soufre (S) et chlore (Cl). Les autres éléments peuvent être utilisés, de façon moins fréquente.
(Source : Nanosystems)

Jusqu’à présent, toutes les méthodes de fabrication manipulent les atomes en très grande masse. Même la fabrication ultra fine des puces informatiques traite les atomes de façon statistique.

Car les atomes sont extraordinairement petits par rapport à notre échelle. Par exemple, dans l’épaisseur de cette feuille de papier –je l’ai mesuré, elle fait environ un dixième de millimètre d’épaisseur–, il est possible d’empiler environ 400.000 atomes de métal.

Il y a donc beaucoup de place à cette échelle !

En fait, pour en fournir une image plus concrète, Feynman avait donné l’exemple suivant : en utilisant un cercle d’une superficie de 1000 atomes par point d’impression, il serait possible d’imprimer toutes les pages de l’Encyclopedia Brittanica sur la tête d’une épingle.

Feynman continue en montrant qu’en fait, il y a tellement de place à si petite échelle, que, si l’on savait manipuler les atomes individuellement, il serait possible d’enregistrer tout ce que l’humanité a écrit jusqu’à présent dans un cube d’un dixième de millimètre de côté : c’est-à-dire dans une poussière !

Le but de la nanotechnologie moléculaire, et des recherches en cours actuellement, est d’arriver à ce contrôle précis et individuel des atomes.


Etat de la recherche actuelle, Voies explorées

Avant de vous donner quelques exemples des applications envisagées, si nous pouvions réellement manipuler les atomes comme nous l’entendons, voyons un aperçu de la faisabilité, des réalisations déjà effectuées et des perspectives de la recherche actuelle.

Tout d’abord, on peut se demander s’il est possible de manipuler précisément les atomes, pour les placer où bon nous semble ?

N’y a-t-il pas de problème de principe insurmontable (comme le principe d’incertitude quantique, ou bien l’agitation continuelle des atomes à la température ambiante, etc.) ?

Ou bien encore un problème technique (il est par exemple impossible de lubrifier un essieu à cette échelle, car les atomes du lubrifiant seraient à peu près de la taille de l’essieu! Un roulement à billes est difficilement envisageable car la surface de la bille ne serait pas plane, mais constituée des bosses des atomes, etc.) ?

Un autre problème pratique résulte de la taille, elle-même, des atomes. Si nous arrivions à manipuler les atomes un par un, la fabrication d’un objet à notre échelle ne prendrait-elle pas trop longtemps? (Assembler une feuille de papier, en ajoutant un million d’atomes par seconde, prendrait plus de 13 milliards d’années ! [une feuille de métal, du format d’une feuille de papier A4 contient environ quatre cent mille milliards de milliards d’atomes (4 x 10 23: 4 suivi de 23 zéros!)]).

Enfin, même si ces problèmes étaient surmontés, il reste à établir un programme de recherche permettant d’arriver à cette technologie.

Sur le problème de la faisabilité, les scientifiques ayant étudié la question, dont Richard Feynman, ont affirmé qu’il n’y avait pas d’impossibilité de principe. Jusqu’à aujourd’hui, personne n’a émis de critique sérieuse contre cette idée, et plusieurs chercheurs ont fait des calculs de faisabilité, des simulations sur ordinateur... qui restent bien sûr encore théoriques.

Eric Drexler, le premier chercheur après Feynman à avoir redécouvert et diffusé le concept de la nanotechnologie, au début des années 80, a écrit un ouvrage analysant en détail les interactions atomiques, dans le but de fabriquer des nano-machines (Nanosystems, Molecular Machinery, Manufacturing and Computation).

Il a également créé l’institut américain Foresight qui a pour objectif de sensibiliser les chercheurs et le public à l’arrivée prochaine de cette technologie, et d’essayer de se préparer à ses conséquences, et à ses dangers.

Dans Nanosystems, Drexler analyse, entre autres, les problèmes liés à l’agitation thermique des atomes. La chaleur n’est en fait rien d’autre que la vibration plus ou moins forte des atomes. Plus la chaleur est élevée, plus les atomes vibrent violemment. Nous pouvons donc craindre qu’un appareil fait de quelques atomes liés entre eux, comme l’essieu évoqué plus haut, ne se casse, ou fonctionne mal, à la température ambiante.

Drexler, suivi par d’autres chercheurs, a donc calculé les forces s’exerçant dans de tels systèmes. En fait, des logiciels de création de molécules ont été améliorés dans ce but, et permettent de simuler les interactions entre les atomes, la stabilité de la structure, etc.

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Dessin d'un essieu réalisé avec des atomes de carbone, d'hydrogène et d'azote (source: Nanosystems).

Par ailleurs, beaucoup de progrès pratiques ont été réalisés ces dernières années. Plusieurs types d’appareils manipulant directement les atomes, de façon encore assez rudimentaire, sont apparus. Vous avez peut-être vus cette photo ou l’on voit les lettres IBM écrites avec des atomes, ou bien celle, plus récente, représentant un boulier?

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35 atomes de Xénon sur Nickel
Réalisé avec un microscope à effet tunnel, à -270°C.
(Source : site web IBM)

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Atomes de Fer sur Cuivre
(Source : site web IBM)

Ces appareils, permettant de voir et de manipuler les atomes individuellement, sont appelés microscope à effet tunnel, et microscope à force atomique (STM, AFM). Ils permettent non seulement de visualiser les atomes d’une surface, mais aussi de les déplacer, en les poussant, en les arrachant à la surface, etc.

Le principe général de ces appareils, est finalement assez semblable à celui des anciens tourne-disques, ou une pointe est posée sur le sillon du disque!

Dans ces microscopes, la pointe est normalement terminée par un unique atome, en relation avec la surface à observer. L’appareil déplace la pointe, en la maintenant à une altitude constante au dessus de l’échantillon observé. En déplaçant la pointe le long de lignes horizontales successives, il est possible de déduire la topographie de la surface.

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De nombreux problèmes pratiques se posent, bien sûr. L’appareil doit être isolé de toute vibration, la pointe de mesure est elle-même constituée d’atomes et interagit parfois différemment selon les types d’atomes observés, elle peut interagir avec plusieurs atomes à la fois, etc., ce qui rend les résultats parfois difficiles à interpréter. De plus, les manipulations se font souvent à très basse température pour éviter les vibrations thermiques déjà évoquées, et dans une atmosphère raréfiée afin d’éviter que les atomes de l’air ambiant ne viennent percuter en permanence l’échantillon observé, etc.!

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Fonctionnement comparé d’un microscope à effet tunnel et à force atomique
(source: Unbounding the Future)

Pour l’instant tout cela tient encore beaucoup du bricolage et du tâtonnement, mais les modèles théoriques s’affinent, et les outils sont mieux maîtrisés chaque jour (par exemple, les lettres IBM avait été réalisées à -270°C, le boulier atomique a été réalisé à température ambiante).

Malgré tous ces problèmes, les champs d’applications de ces appareils sont en grand développement. Plusieurs sociétés commerciales ont été fondées pour vendre ces équipements (voir les références en annexe).

Enfin, pour finir avec le problème de faisabilité de la nanotechnologie, on peut aussi remarquer que nous sommes la preuve que la nanotechnologie est possible!

En effet, les êtres vivants sont constitués de véritables machines moléculaires (ADN, ARN, ribosomes, etc.), qui fonctionnent à l’échelle atomique, et agencent de façon extrêmement précise les atomes et les molécules qui constituent les êtres vivants... avec finalement beaucoup de succès!

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Brin d’ADN (environ 2,3 nm de large)
(source : Nanotechnology - BC Crandall)

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Assemblage d’une protéine par un ribosome (source : Nanotechnology - BC Crandall)

Par ailleurs, l’évolution naturelle a également résolu le problème de création d’êtres de notre taille, atome par atome, dans un délai assez raisonnable! Et ceci, par un moyen qu’il serait facile de reproduire dans nos nanomachines : la croissance géométrique.

Lorsque la première cellule du futur embryon est créée, elle se dédouble, puis les deux cellules se dédoublent à leur tour, et ainsi de suite.

Pour reprendre l’exemple de la fabrication d’une feuille de papier qui prenait 13 milliards d’années à se fabriquer atome par atome, si nous la fabriquions de cette façon : une nanomachine se dédoublant, puis les deux obtenues se dédoublant à leur tour, encore et encore, il suffirait de moins de deux minutes pour créer la feuille entière!

 

Un des points fondamentaux de la maîtrise de la nanotechnologie est donc la création d’une machine de taille moléculaire, capable de se dupliquer elle-même.

Afin de pouvoir fabriquer autre chose que des copies d’elle-même, il est, bien sûr, indispensable qu’elle puisse également fabriquer d’autres structures!

Les programmes de recherches ont donc pour but de fabriquer une première version de cette nanomachine appelée : un assembleur. Cet assembleur serait une machine contenant quelques millions d’atomes, intégrant au moins un bras manipulateur permettant de placer les atomes un par un à l’endroit voulu.

Une fois cette première version fabriquée, même de façon assez rudimentaire, même en peu d’exemplaires, il sera possible d’en fabriquer d’autres plus évoluées, et de réaliser les premières nanomachines...

Plusieurs voies d’accès différentes à ce premier assembleur sont actuellement poursuivies, dont :

  • la construction directe à l’aide des microscopes évoqués auparavant,
  • l’auto-assemblage par ingénierie génétique.

Autant vous le dire tout suite : aucune de ces voies n’est proche d’arriver au résultat espéré dans les jours qui viennent !

Tout d’abord, aucun assembleur n’a encore été conçu dans tous ses détails. Plusieurs éléments de nanomachines ont été proposés, certains pour la partie "active" de l’outil manipulant les atomes servant à la fabrication, certains pour le déplacement du bras manipulateur, etc. De nombreux problèmes d’ingénierie restent encore à résoudre!

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Bras manipulateur d’un futur " assembleur " (source : Nanosystems)
Cet élément serait constitué d’environ 4 millions d’atomes.

Le moyen de commande du premier assembleur n’est de même que très schématiquement proposé. (Les générations futures d’assembleurs pourront avoir leur propre " nano-ordinateur " embarqué permettant leur commande, mais les assembleurs des premières générations devront, d’une façon ou d’une autre, être télécommandés.)

Les mécanismes de fourniture des atomes et molécules servant de matériaux de construction à l’assembleur, nécessitent également encore des études...

 

D’autre part, les microscopes d’aujourd’hui peuvent manipuler quelques atomes, mais il est difficilement envisageable de les utiliser pour fabriquer directement une machine contenant plusieurs millions d’atomes...

L’auto-assemblage par ingénierie génétique permet d’utiliser les outils modernes de manipulation de morceaux d’ADN. Plusieurs laboratoires ont ainsi réussi à fabriquer des structures en créant et en liant plusieurs brins d’ADN entre eux, et il est peut-être possible de créer un premier assembleur constitué de morceaux d’ADN. Toutefois la façon de le réaliser m’apparaît, à la lecture des travaux en cours, encore plus floue...

 

Un axe de recherche lié au domaine est celui des fullerènes. Vous connaissez peut-être ces molécules de carbone nouvellement découvertes (et qui ont valu le prix Nobel à Richard Smalley, un des principaux promoteur de la nanotechnologie moléculaire)? Les applications de ces molécules sont nombreuses, y compris dans l’amélioration des outils de manipulation des atomes. Les chercheurs essaient pour l’instant de mettre au point des méthodes de production industrielles de ces structures.

 

Enfin, un axe de recherche parallèle, est celui de la conception sur ordinateur de structures moléculaires, de nano-machines et de nano-ordinateurs.

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Divers essieux (Source : Site Web Foresight)

Ces travaux ont plusieurs buts : tenter de s’assurer du fonctionnement de ces nano-machines, et s’attaquer, dès aujourd’hui, aux problèmes d’ingénierie à résoudre une fois les premiers assembleurs disponibles.

Ces quelques exemples disparates des recherches en cours sont un faible échantillon de l’activité intense et brouillonne qui existe actuellement dans le domaine. De nombreux documents sont disponibles sur Internet (une liste d’adresses est jointe en annexe).

Il s’est par exemple formé une équipe de recherche internationale, sur Internet, concernant tous les aspects du développement d’un nano-ordinateur (conception matérielle et logicielle, techniques de communication, fiabilité, applications, etc.).


Applications

Nous pouvons maintenant passer à la partie la plus amusante de ma présentation : supposons les premiers assembleurs créés, et imaginons quelques applications possibles (tous ces exemples sont tirés de livres ou d’articles cités en référence).

Fabrication

La nanotechnologie permet une amélioration de la qualité de fabrication sans précédent. Les atomes étant placés de façon précise, les problèmes liés aux impuretés et aux défauts dans les matériaux disparaissent presque entièrement. Il est ainsi possible de fabriquer des matériaux plus solides, utilisant beaucoup moins de matière.

Le coût de fabrication des objets serait extraordinairement réduit, car la fabrication consommerait beaucoup moins d’énergie et de matière première qu’à présent. De plus, la production étant entièrement automatique, les coûts de mains-d’œuvre sont pratiquement nuls.

En fait, on s’accorde à dire que les coûts de fabrication seraient pratiquement réduits aux coûts de conception (ce qui est le cas aujourd’hui dans l’industrie des logiciels pour ordinateur). En effet, la matière première peut être entièrement recyclée, et l’énergie peut provenir de capteurs solaires. (Ce qui limite aujourd’hui la possibilité d’utiliser les capteurs solaires à plus grande échelle est leur coût de fabrication et leur rendement, deux problèmes que la nanotechnologie devrait être en mesure de résoudre sans difficulté).

L’exemple classiquement donné est celui d’un appareil qui pourrait ressembler à un four à micro-onde. Un tableau de commande permettrait de choisir l’objet souhaité : une paire de chaussure, un ordinateur, une pizza, etc. Des assembleurs commencent par se multiplier dans l’appareil, prenant la forme de l’objet désiré. Puis, une fois la structure créée, ils assemblent l’objet choisi, atome par atome. La paire de chaussure est prête en deux minutes !

 

Construction

De la même façon, les techniques de constructions pourraient être bouleversées. Il est possible d’imaginer des immeubles se créant pour ainsi dire eux-mêmes, des routes ou des tunnels se creusant de la même façon.

 

Nourriture

De même qu’il serait possible de fabriquer une montre ou une paire de chaussure, il est possible de recréer de la nourriture directement à partir de l’air et de quelques déchets. C’est ce que fait la chaîne alimentaire, et il est certainement possible d’arriver directement à un steak frites avec salade, sans passer par la croissance de laitue, de pommes de terre, l’élevage d’animaux, puis leur traitement avant que le plat final n’arrive dans notre assiette !

 

Médecine, durée de la vie

D’autres applications touchent à la santé.

Il est envisagé de construire de minuscules nano-robots, capables de se déplacer à l’intérieur du corps humain, voire dans les cellules du corps humain, à la recherche d’agents infectieux, de cellules cancéreuses, par exemple pour les marquer pour destruction par le système immunitaire, ou même pour les détruire directement.

Il a même été envisagé que ces robots aillent réparer directement l’ADN endommagé des cellules.

Des applications plus étonnantes encore sont imaginées :

  • réparation active de lésions : au lieu d’aider le corps à se raccommoder tout seul, comme le fait la médecine chirurgicale actuelle, il serait possible, par exemple, d’aider plus activement à la reconstruction, voir de recréer directement les tissus ou les organes atteints.
  • augmentation des capacités du cerveau (par exemple par interfaçage direct avec des nano-ordinateurs ou des banques de données),
  • amélioration des tissus (augmentation de la solidité des os, etc.).

Évidemment, une des retombées espérées est une augmentation très importante de la durée de vie, dans un état de jeunesse préservé.

 

Informatique

Il sera possible de fabriquer des ordinateurs minuscules, par exemple pour contrôler les nano-robots se baladant dans le corps humain. Les projets actuels laissent entrevoir des ordinateurs plus puissants que les super-ordinateurs actuels, mais tenant dans un cube de dix microns de côté.

Pour les même raisons que précédemment, le coût de fabrication de ces ordinateurs serait extraordinairement réduit.

Il est difficile d’imaginer aujourd’hui les conséquences que pourraient avoir l’inclusion d’ordinateurs et de nano-machines dans les objets de la vie ordinaire. Imaginez une table qui pourrait sur commande, s’agrandir, se transformer en lit, en chaise, etc.

On pourrait avoir une paire de lunette permettant la visualisation de textes, dessins, vidéos, avec sonorisation. Elle pourrait contenir plus de livres et d’heures de films que la Bibliothèque de France, serait en contact radio ou optique avec l’extérieur. Ces lunettes intégreraient une caméra vidéo et des micros, permettant d’enregistrer tout ce que vous voyez. Elle serait commandable par la voix, ou par détection des mouvements oculaires, voire manuels (par détection des mains, et visualisation de différents artefacts visuels de commande). Ces lunettes pourraient contenir votre agenda, reconnaître les personnes dont le nom vous échappe... Pour vous donner un faible aperçu des possibilités qu’auraient cet outil!

 

Écologie

La nanotechnologie permettra non seulement le recyclage complet des déchets lors de la fabrication, mais le nettoyage des déchets accumulés jusqu’à aujourd’hui. Il serait ainsi possible de « nettoyer la planète », de diminuer, si besoin est, la quantité de CO2 dans l’atmosphère, etc.

 

Espace

La NASA est très active dans le domaine de la nanotechnologie, car elle voit là le moyen le plus sûr et le plus économique d’explorer et de coloniser l’espace.

La nanotechnologie permettra non seulement la fabrication de fusées, de stations orbitales, etc., plus solides, plus fiable et à un coût réduit, mais également de « terraformer » d’autres planètes! Il existe des scénarios permettant, à terme, d’aller vivre sur Mars, par exemple.

Une autre application envisagée est « l’ascenseur pour l’espace ». Il s’agit de fabriquer un câble partant de l’équateur, et tournant avec la terre en orbite géostationnaire. Une fois ce câble en place, l’énergie à dépenser pour quitter l’attraction terrestre devient minime par rapport aux moyens utilisés aujourd’hui.

La nanotechnologie devrait permettre la fabrication d’un câble suffisamment solide, et pour un coût acceptable pour une telle application.

 

Armement

Un des dangers les plus importants de la nanotechnologie est évidemment la possibilité de l’utiliser à des fins guerrières, criminelles ou terroristes.

Indépendamment de l’amélioration de la fabrication d’armes conventionnelles, il sera par exemple possible de fabriquer par millions de minuscules robots volants, difficilement détectables, permettant d’envahir la vie privée de tous, et hors du contrôle des nations.

Il sera également possible de fabriquer des nano-virus, ciblés pour tuer, beaucoup plus efficacement que les virus naturels. Leur cible pourrait être une personne précise, un groupe de population (définit par sa position géographique, quelques caractéristiques génétiques, etc.).

Des fanatiques pourraient fabriquer une nanomachine se reproduisant indéfiniment, sans contrainte, et transformant absolument tout en plus de copies d’elle-même, visant ainsi à la destruction complète de toute vie sur la planète...

En fait, ces dangers sont si grands, que plusieurs personnes (dont moi!), seraient favorables à un arrêt, ou en tout cas un ralentissement des recherches dans le domaine, si cela était possible! Dans le contexte de compétition internationale, cela paraissant totalement illusoire, il reste le choix de se préparer à l’arrivée de cette technologie et des problèmes qu’elle engendrera.

Enfin, je finirais les applications envisageables avec un échantillon de quelques idées plus futuristes encore :

Peinture : écran, affichage variable, etc.

Imaginons un vaporisateur de peinture. Mais au lieu de peinture, il vaporise des nanomachines, qui vont se coller à la surface sur laquelle on l’applique. Cette surface peut être de la taille d’un timbre-poste, d’un immeuble, être disposée sur des vêtements, sur la peau, ou sur un mur.

Ensuite, les nanomachines, communiquant entre elles, et avec l’extérieur peuvent, par exemple, afficher n’importe qu’elle image, fixe ou animée. Vous souhaitez changer de papier peint? Il suffit d’une commande et les motifs affichés sur le mur changent immédiatement.

Vous voulez voir un film? Le mur vous le présente, à la taille que vous souhaitez.

Une technologie en cours d’étude (" Phased Array Optics ", une méthode utilisant la synchronisation de phase de la lumière émise par une source), permet de créer des images en trois dimensions. Il est ainsi possible d’imaginer une salle couverte de cette peinture, et permettant de représenter un spectacle animé en trois dimensions!

Devant un mur couvert de cette technologie, il serait impossible de distinguer une scène réelle d’une fausse! Un paysage est présenté, prenez des jumelles, vous verrez le paysage avec plus de détails!

 

Livres à contenu changeant

Vous tenez un livre dans les mains, ressemblant à un livre ordinaire.

Appuyez sur une référence en bas de page, et le texte de référence apparaît, prenant la place du texte d’origine. Vous souhaitez rechercher un passage dans le texte? Une image? Demandez à haute voix au livre de vous la retrouver!

Vous voulez abandonner momentanément sa lecture pour en lire un autre, demandez au livre le titre choisi, son texte, et ses images, prennent la place du précédent dans les pages.

Vous souhaitez regarder les informations? N’importe qu’elle page peut vous présenter une image animée, et les émissions de télévision en cours de diffusion, ou enregistrées dans le livre!

 

Murs ré-arrangeables, à transparence variable

Vous êtes chez vous, et vous organisez une soirée. Vous souhaitez agrandir le salon pour quelques heures? Poussez les murs, et réorganisez la pièce comme vous le souhaitez!

Vous voulez agrandir une fenêtre? La supprimer? La rendre plus teintée? Donnez la commande, le mur se modifie!

 

‘Utility Fog’

Une utilisation de la nanotechnologie encore plus étrange a été imaginée et étudiée par Storrs Hall. Il l’a appelé “Utility Fog” : « Le brouillard-outil ».

Imaginez un robot microscopique, environ de la taille d’une bactérie, avec une douzaine de bras télescopiques. Maintenant, vous remplissez l’air d’une pièce de tels robots, ils s’attachent automatiquement les uns aux autres par leurs bras télescopiques, et se maintiennent éloignés les uns des autres. Une fois la pièce remplie, ils occupent environ 5% de l’air de la pièce.

Ces robots sont programmés pour être non obstructifs. Vous pouvez marcher normalement dans la pièce, respirer, etc., sans vous rendre compte de leur présence. Leur réseau se reconstituant automatiquement après votre passage.

Vous êtes assis, vous souhaitez un verre d’une boisson dans le réfrigérateur. Donnez la commande : la porte du réfrigérateur s’ouvre toute seule, la boisson est placée dans un verre qui semble flotter dans les airs, puis il vient se placer dans votre main!

Le « brouillard » a exercé les forces correspondantes sur la porte du réfrigérateur, le verre, etc. De la même façon, vous pourriez voler jusqu’au deuxième étage!

Maintenant, le brouillard peut se rendre visible si besoin est. Vous avez besoin momentanément d’une chaise supplémentaire? Elle se matérialise sous vos yeux!

Vous souhaitez discuter immédiatement avec un ami situé à 100 km de chez vous? Après avoir reçu son accord, vous pouvez vous matérialiser chez lui! Son brouillard recrée votre image (en trois dimensions!) dans la pièce, de même que votre brouillard recrée votre ami chez vous. Vous pouvez alors discuter tous les deux comme si vous étiez dans la même pièce!

Les applications du brouillard-outil sont innombrables, en tout cas trop nombreuses pour être évoquées pendant cette courte présentation!

 

Intelligence artificielle

La possibilité de puissance de calcul sans précédent, voire de reproduction de réseaux de neurones de tailles comparables à ceux du cerveau humain, laisse entrevoir la possibilité de créer des « intelligences artificielles ».

On ne peut dire si les machines ainsi créées seront simplement des ordinateurs prenant mieux en compte leur environnement, des outils d’aides à l’analyse humaine, ou si elles dépasseront en rapidité, en puissance, nos possibilités, mais rien ne permet d’exclure cette dernière hypothèse.

En fait, le scénario actuellement le plus probable, est celui d’une évolution conjointe, plus ou moins inévitable, de l’homme et des machines, intégrant ces possibilités. Cette évolution, qui a commencé avec les outils, puis la mécanisation, et enfin avec l’informatique, se poursuivrait avec les appareils que j’ai évoqué, pour finir par être intégrés à l’intérieur du corps humain, augmentant nos capacités physiques et intellectuelles.

 

Tout ceci peut paraître proche du rêve ou de la science-fiction.

Toutefois, c’est également ce que l’on a dit pendant longtemps du vol humain, ou du voyage sur la lune...

J’aime beaucoup cette réflexion d’Arthur C Clarke, qui s’applique parfaitement ici : « Toute technologie suffisamment avancée est indistinguable de la magie ».


Conclusion (mise à jour en mars 2006)

J’espère que ma présentation, assez sommaire, vous a tout de même donné un aperçu sur ce domaine de recherche très actif aujourd’hui. Les financements pour les recherches dans le domaine de la nanotechnologie augmentent régulièrement, et les programmes de recherche décrivent de façon de plus en plus directe les techniques et les buts de la nanotechnologie.

L’arrivée de ces techniques, d’ici dix, vingt ou trente ans bouleversera les moyens de production, ainsi que, je pense, tous les domaines de l’existence humaine.

Comment se fera cette transition? Arriverons-nous à en maîtriser les dangers? C’est bien sûr impossible à dire, mais je pense qu’il est urgent de s’y préparer.

Depuis Avril 1998, la nanotechnologie est identifiée comme secteur technologique de première importance dans le monde. Ainsi, le Japon et les États-Unis ont-ils lancé des programmes de financement de recherche citant explicitement la nanotechnologie moléculaire.

Des programmes européens ont également été lancés. La nanotechnologie a été citée dans le communiqué de presse du Premier Ministre de Juin 1999 et dans différentes publications officielles françaises et européennes (chercher "Nanotechnologies" sur le site de l'Assemblée nationale, ou sur le site de l'Union Européenne).

Pour l'instant, la pluspart de ces initiatives concernent des applications à court terme de la nanotechnologie (principalement de nouveaux matériaux), mais sont restent encore peu sensibilisés aux enjeux de la nanotechnologie moléculaire.

 
 
 
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