Imaginez des matériaux de construction pour des machines, ou autres objets, capables de s'auto-réparer en cas de dommages. Imaginez plus précisément, par exemple, des matériaux capables de réparer leurs altérations sous formes de petites fissures suite à un choc. Science-fiction ? Pas vraiment d'après les travaux des chimistes de l'Université de l'Illinois à Urbana-Champaign.
Jeffrey Moore et ses collaborateurs s'étaient déjà fait un nom en 2001 en créant des plastiques auto-réparateurs. L'idée était d'inclure des micro-capsules dans le plastique qui, sous l'action d'un choc ou d'une contrainte altérant ce dernier, libéraient un liquide se répandant dans les micro-fissurations par capillarité. En se solidifiant par polymérisation au contact d'un catalyseur, celui-ci réparait donc les dégâts subis dans une large mesure.
Crédit : Jeffrey Moore.
Les recherches pour améliorer cette technique ont conduit à une nouvelle façon de produire des réactions chimiques, comme il est indiqué dans l'article publié dans Nature.
Normalement, un bon moyen d'activer des réactions chimiques consiste à augmenter la température ou à utiliser un faisceau lumineux. Ici, c'est par des contraintes mécaniques que les réactions sont provoquées. L'idée est de prendre de longues chaînes de polymères mais possédant en leur milieu un groupe chimique en forme d'anneau avec seulement 4 atomes de carbone. On appelle ça un mécanophore, et c'est une configuration assez instable où l'anneau ne demande qu'à s'ouvrir.
L'étape suivante a consisté à plonger ces polymères dans un solvant organique et à soumettre le tout à des ultrasons. Il se produit alors une série de zones de compressions et d'expansions dans la solution en raison de la formation de bulles de cavitation. Ce processus soumet donc bien les polymères à des contraintes mécaniques. Comme prévu, l'anneau carboné s'ouvre, et il se produit des réactions chimiques, notamment entre les différents polymères.
Ce qui est intéressant c'est que, outre d'activer des réactions d'une façon différente, un contrôle sur le type de réaction désiré devient possible comme les résultats des expériences l'ont montré. Bien plus, certaines réactions impossibles auparavant le deviennent !
Quel rapport avec les matériaux auto-réparateurs ?
Jusqu'à présent, il fallait non seulement des micro-capsules mais aussi deux liquides dont le contact déclencherait une réaction de polymérisation comblant les micro-fissures. Ici, il y a potentiellement le moyen de sauter des étapes dans l'obtention d'un matériau capable de s'auto-réparer.
Les applications possibles pour une production industrielle et aisée de tels matériaux sont nombreuses. Des composants d'avions, de satellites et même des implants biologiques capables de se maintenir plus longtemps et plus sûrement en bon état, repoussant les contraintes de la fatigue mécanique sont d'un intérêt évident. Les chercheurs envisagent même, par ce procédé, des matériaux changeant de couleurs pour prévenir qu'un seuil de fragilité a été dépassé !
Commenter cette news ou lire les commentaires