Cette poudre, inventée à l'Institut Lavoisier (de l'UVSQ, à Versailles), retient quatre cents fois son volume de gaz carbonique et ce à température ambiante, soit une efficacité deux fois supérieure à celle des matériaux connus. De quoi réaliser des pièges à CO2 pour les installations industrielles, par exemple lors de la synthèse d'hydrogène, pour décontaminer des gaz ou des liquides ou pour de multiples autres applications... à inventer.
Sans augmenter de volume, un mètre cube de cette poudre, retient... 400 mètres cubes de gaz carbonique, ou dioxyde carbone (CO2). Le MIL-101, c'est son nom, est un matériau poreux, dont les molécules s'agencent pour former des cages de 35 angströms de diamètre, dans lesquelles viennent s'emprisonner les molécules de gaz. La performance constitue le record du genre.
Ce résultat n'a rien de fortuit. Depuis longtemps, les solides poreux, dont il existe une variété naturelle, la zéolithe, focalisent l'intérêt des laboratoires. Dans un volume faible, ils offrent dans leurs cavités microscopiques une surface phénoménale sur laquelle peuvent se fixer, par adsorption, toutes sortes de molécules, y compris des gaz. Ils facilitent ainsi les réactions chimiques et s'utilisent comme catalyseurs dans de nombreux domaines, par exemple en pétrochimie. On aimerait également les utiliser pour capter des gaz, notamment l'hydrogène, en alternative au stockage sous forme liquide ou sous pression, ou pour le dioxyde de carbone. Dans cette voie, l'Institut Lavoisier (Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, UVSQ) a pris une longueur d'avance, sous l'impulsion de son fondateur, le chimiste Gérard Férey (membre de l'Académie des sciences), spécialisé dans ces solides poreux.
Ce laboratoire a synthétisé une série de matériaux basés sur des réseaux organométalliques, les MOF (Metal-Organic Frameworks). Baptisés MIL (Materiau de l'Institut Lavoisier), et repérés par un numéro, ils utilisent différents métaux, associés par des molécules organiques (comme l'acide téréphtalique, ou téréphtalate). Le MIL-53, par exemple s'est révélé un excellent candidat pour le stockage de l'hydrogène, surtout grâce à sa forte capacité obtenue à température ambiante. Sa structure ménage des cavités en forme de tunnels dans lesquels peuvent s'engager les molécules d'hydrogène. L'entreprise allemande BASF le commercialise aujourd'hui sous le nom de Basolite, avec trois métaux (aluminium, cuivre ou zinc).
A gauche, le MIL-53, un téréphtalate métallique (comportant de l'aluminium, du chrome, du fer ou du vanadium), capture de l'hydrogène dans le réseau de sa structure formant des tunnels. Au milieu, le MIL-100, dont les octaèdres, constitués de chromates (CrO6), s'organisent en tétraèdres et forment des cavités de 20 à 30 angströms. A droite, sa variante MIL-101, dont les cages atteignent 32 angströms, observée au microscope électronique. On remarque l'alignement des cavités.
© Gérard Férey/Institut Lavoisier UMR 8637 (CNRS, UVSQ)
Le gaz carbonique en cage
La vedette du jour s'appelle MIL-101, constituée de téréphtalate de chrome. Les molécules s'agencent en octaèdres qui eux-mêmes s'organisent en une superstructure tétraédrique. Le tout forme des cages de 35 angströms de diamètre reliées par des pores de 20 angströms. Les molécules de dioxyde de carbone – plus volumineuses que celles d'hydrogène – peuvent pénétrer à l'intérieur, cheminer dans ce labyrinthe et rester stables à l'intérieur des cages.
Ce beau résultat, fruit de longues années de recherche, vient d'être présenté à l'Académie des sciences. Il laisse envisager des applications importantes, par exemple, pour piéger d'importantes quantités de CO2, évitant de le relarguer dans l'atmosphère. Ce pourrait être le cas dans des installations produisant de l'hydrogène à partir de la biomasse. Il en est d'autres dans plusieurs domaines. Du gaz carbonique très pur pourrait ainsi être obtenu. L'industrie chimique pourrait profiter de ce principe apportant de fortes capacités d'adsorption, un avantage propre à limiter le nombre d'étape dans des processus de synthèse. Des matériaux poreux du même genre pourraient servir à la décontamination, pour capter le gaz carbonique, le méthane, le sulfure d'hydrogène ou d'autres impuretés.
Mais ces applications possibles restent pour l'instant du domaine de la spéculation et, comme toujours, il faudra un nombre respectable d'années pour passer du laboratoire (le stade actuel) à l'utilisation à l'échelle industrielle...
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