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  Les protéines recombinantes issues du lait de chèvres clonées
 
Les protéines recombinantes issues du lait de chèvres clonées

Une revue de presse. Par Guillaume Calu
Publié le mercredi 2 août 2006. Dernière modification le mercredi 2 août 2006. 
Durant ce premier semestre 2006, nous vous avons relayé l’actualité concernant la commercialisation de l’Atryn ®, produit issu du lait de chèvres génétiquement modifiées. Ce médicament, d’abord non-validé par l’EMEA courant février, fut ensuite autorisé au vu des nouvelles données cliniques présentées par GTC Biotherapeutics. Dans cette republication de notre article original, nous vous proposons de revenir sur les éléments-clés de ce dossier.

 

Des chèvres OGM pour produire un médicament

Les chèvres sont des animaux souvent utilisés en génie génétique : la technique consiste à créer des animaux génétiquement modifiés (GM) produisant et excrétant dans le lait un composé d’intérêt, comme une protéine ou un sucre. Les premiers clonages de chèvres réussis remontent à 1999, lorsque des scientifiques américains de Genzyme Transgenics Corporation (GTC) Biotherapeutics (Massachusetts) avaient adapté le protocole d’insertion d’un noyau de cellule embryonnaire dans un œuf énucléé. Le gène d’intérêt, rhAT III, codait pour l’anti-thrombine III humaine, sécrétée dans le lait des chèvres clonées. La technique avait également déjà défrayé la chronique quelques années plus tard, lorsqu’une entreprise québécoise était parvenue à fabriquer la spidroïne (protéine de la toile d’araignées) via des chèvres GM. 

Concrètement, le génie génétique utilise la technique suivante pour que la protéine recombinante soit exprimée dans le lait de chèvre : un promoteur actif dans les glandes mammaires est tout d’abord cloné. Après étude de la sécrétion des protéines dans le lait, il est maintenant connu que des séquences signal protéiques spécifiques permettent l’excrétion de ces protéines. Ces séquences doivent être traduites avec la protéine recombinante, sous forme d’une protéine de fusion. Pour qu’au final, la protéine soit bien présente dans le lait de chèvre, la séquence d’ADN insérée dans le noyau d’une cellule œuf doit donc posséder un promoteur actif dans les glandes mammaires, une séquence signal d’excrétion, le gène de la protéine recombinante et enfin une séquence polyA (qui permet d’assurer la bonne transcription et maturation des ARNm dans la cellule) (voir figure 1 ci-dessous).

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Figure 1 : Insert pour expression de protéines dans le lait

Les cellules-œuf ainsi transfectées sont mises en culture, et les embryons présentant) l’insert sont sélectionnés (partie non détaillée). Les noyaux des cellules embryonnaires sont ainsi injectés dans des cellules œufs énucléées. Les embryons viables en résultant sont ensuite injectés à des mères porteuses. La technique de clonage est très délicate, et beaucoup d’échecs sont enregistrés avant de parvenir à des embryons clonés viables. L’entreprise américaine dut ainsi utiliser 285 cellules œufs pour obtenir au final trois clones viables.

D’autres animaux GM produisant des protéines recombinantes dans leur lait ont été conçus par génie génétique : les troupeaux de vaches GM existent depuis quelques années maintenant ; et une entreprise néerlandaise est d’ailleurs actuellement en attente de validation par la FDA (US Food & Drug Administration) pour son agent antibactérien, la lactoferrine, produit dans le lait de vaches GM.

Chroniques d’une validation

La société GTC Biotherapeutics a travaillé pendant 15 ans sur son projet de chèvre GM et s’apprêtait à commercialiser en Europe la protéine recombinante sous le nom d’Atryn® [1] . Mais le 23 Février, l’EMEA (London based European Medicines Agency) refusa la validation de l’application biotechnologique, arguant que le produit n’a pas été assez testé. Cependant, le porte-parole de l’EMEA précisa que cette décision n’avait rien à voir avec un jugement plus général sur les animaux GM.

Le projet a pourtant tout pour séduire : le produit est tout d’abord destiné aux personnes déficientes pour un gène fonctionnel anti-thrombine. La solution se présente plus judicieuse qu’utiliser des anti-coagulants, dangereux lors des opérations chirurgicales par exemple. Le choix de la chèvre et de son lait est également plus intéressant que d’utiliser des cellules en bioréacteurs comme pour les productions de protéines recombinantes à partir de cellules ovariennes de hamster chinois (cellules CHO). En effet, l’anti-thrombine est une protéine difficilement produite par les cellules CHO, et élever un troupeau de chèvres est moins compliqué que de concevoir un bioréacteur. Une fois le gène de l’anti-thrombine injecté et un embryon cloné, les chèvres GM obtenues sont élevées et traites. Il suffit ensuite de séparer les protéines du lait. Mais purifier spécifiquement la protéine d’intérêt pose bien des contraintes, et suppose que de nombreux tests cliniques soient effectués pour valider le protocole.

C’est sur ce point que l’EMEA critiqua l’entreprise américaine : l’organisme anglais recommanda que GTC Biotherapeutics teste son produit sur 12 patients devant subir une intervention chirurgicale ; ce que la compagnie réalisa, mais n’obtint que 5 cas positifs. Trop peu pour l’EMEA. L’entreprise argumenta qu’elle avait aussi réalisé des tests concluants lors de 9 accouchements, mais la EMEA refuse d’intégrer ces résultats dans le contrôle chirurgical. Enfin, l’EMEA pointa du doigt l’absence d’une étape de filtration supplémentaire lors du protocole de purification, et fit remarquer que peu d’études avaient été menées sur la recherche d’anticorps développés par les patients en réponse à la protéine recombinante.

L’affaire n’était pas encore close, et GTC Biotherapeutics envisagea de faire appel de cette décision. A l’issue de la réexamination du dossier, le Committee for Medicinal Products for Human Use (CHMP) adoptait une opinion positive concernant la mise sur le marché de l’Atryn®, comme annoncé dans un communiqué de presse paru le 2 juin 2006 sur le site Internet de l’EMEA (European Medicines Agency).

Lors de la réexamination du dossier, le CHMP prit en compte les nouveaux éléments apportés par GTC Bioterapeutics, la société à l’origine du médicament. Le comité accepta cette fois-ci les données concernant tous les patients suivis lors des tests cliniques. Si de légères différences existent entre l’obtention du produit pour ces études et pour sa commercialisation, elles ne présentent finallement pas d’argument valable pour rejeter ces tests. Enfin, la mise sur le marché de ce médicament devra faire l’objet d’une surveillance étroite afin de détecter tout risque de production d’anticorps anti-ATryn chez les patients. Reste également à déterminer la posologie nécessaire chez les femmes enceintes, pour lesquelles aucune recommandation ne peut être encore donnée pour le moment.

Conclusion

Cette revue de presse marque donc une étape dans la mise sur le marché de ce produit issu du génie génétique, soulevant de grands espoirs en thérapie génique, alors même que l’utilisation d’animaux GM dans les domaines médicaux comme agro-alimentaires fait l’objet de nombreux débats en Europe.

 
 
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