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  Myélome multiple : anomalies chromosomiques, conséquences biologiques et traitement
 
Myélome multiple : anomalies chromosomiques, conséquences biologiques et traitement

Par Sébastien Brosson
Publié le mercredi 7 mars 2007. Dernière modification le mardi 17 avril 2007. 
Le myélome multiple est une tumeur maligne plasmocytaire qui se caractérise par l’accumulation de plasmocytes à longue durée de vie dans la moelle osseuse, la présence de taux important d’immunoglobuline monoclonale (IgA ou IgG) dans le sérum et les urines des patients et engendre des lésions osseuses caractéristiques ainsi que des altérations des fonctions hématopoïétiques et rénales. Malgré des progrès thérapeutiques encourageant, le myélome multiple reste encore une maladie incurable. Ce type de tumeur atteint des patients de 65 ans en moyenne et est responsable de 2% de la mortalité par cancer mais de 20 % par hémopathie maligne.

 

Une origine plasmocytaire

Les plasmocytes sont des cellules B qui sont arrivées au bout de leur différenciation, ils sont reconnus comme étant les effecteurs terminaux de la lignée B. Leur rôle est de sécréter d’importantes quantités d’anticorps. Lors d’une réponse immunitaire engagée contre un pathogène, les antigènes combinés avec d’autres signaux provoquent la prolifération et la différenciation des cellules B naïves principalement en plasmocytes à faible durée de vie sécrétant de faible quantité d’IgM. Dans les centres germinatifs, d’autres cellules immunitaires (les cellules T helper) incitent ces cellules B naïves à poursuivre leur prolifération, la recombinaison isotypique et la maturation de l’affinité des anticorps. Ce phénomène va ainsi générer des plasmocytes capable de sécréter de grande quantité d’anticorps de haute affinité. Une fois l’infection maîtrisée par le système immunitaire, la plupart de ces plasmocytes sont voués à mourir par apoptose (mort programmée). Certains d’entre eux vont cependant continuer à recevoir des signaux de survie provenant principalement des cellules stromales ce qui leur permettra de se loger dans la moelle osseuse où ils pourront survivre pendant plusieurs mois.

Or en plus de leur rôle prépondérant dans l’immunité, les plasmocytes sont aussi impliqués dans certaines maladies. En effet, lors de la phase de maturation des anticorps (recombinaison isotypique), des erreurs peuvent arriver et être à l’origine de translocations chromosomiques illégitimes. Ces translocations, dites primaires, se caractérisent par la juxtaposition de gènes codant pour les immunoglobulines, en particulier le locus des chaînes lourdes, et de gènes d’origine diverses (ex : cycline D). Ce type de translocation est présent chez 75% des patients atteints de MM (Myélome multiple). Bien que les partenaires des translocations ne soient pas tous les mêmes (5 partenaires principaux), leurs conséquences restent les mêmes. Ces partenaires génétiques se trouvant sous l’influence de promoteur fort vont se comporter comme des oncogènes. La nature de ces translocations a une grande importance dans l’évolution de la maladie à tel point que celle-ci servent souvent pour réaliser les premiers pronostics et juger de l’agressivité de la tumeur. Durant cette phase, les cellules myélomateuses restent dépendantes des facteurs de croissance et de survie qu’elles trouvent dans la moelle osseuse. Ainsi en plus des problèmes chromosomiques à l’origine du myélome, le microenvironnement ne reste pas en marge.

En effet plusieurs aspects soulignent l’importance du microenvironnement de la moelle osseuse (figure 1) pour la croissance et la survie des clones tumoraux. Les cytokines, qui sont des molécules sécrétées par les cellules immunitaires, ont un rôle indispensable pour la mise en place d’une réponse immunitaire efficace puisqu’elles sont responsables des communications cellulaires. Ici, ces médiateurs solubles, notamment l’IL-6 sécrétée par les cellules stromales environnantes, représente un facteur de survie et de prolifération majeur pour ces cellules cancéreuses. Mais il a clairement été démontré qu’à travers des interactions physiques ou par l’intermédiaire de cytokines qu’elles sécrètent, les cellules myélomateuses contribuent à la mise en place de ce microenvironnement qui leur est favorable en augmentant la transcription et la sécrétion d’IL-6 par les cellules stromales. D’autres études ont aussi montré que les adhésions entre les cellules de MM et les cellules ou d’autres structures de la moelle osseuse peuvent aussi mener à l’activation d’autres signaux de survie.

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Microenvironnement myélomique et complexité des voies de signalisation cellulaires
D’après Bruno et al., 2005

Conséquences biologiques

Il a été précédemment vu que le myélome induisait des lésions ostéolytiques qui sont à l’origine d’importantes douleurs. En temps normal, la formation osseuse réalisée par les ostéoblastes (activité ostéoblastique), et l’activité ostéoclastique responsable de la résorption osseuse (réalisée par les ostéoclastes) sont constamment en équilibre (excepté pendant des phases de croissance où l’activité ostéoblastique prédomine). Or dans le myélome, plusieurs études ont montré qu’il s’instaurait un déséquilibre entre deux molécules majeures de la résorption osseuse, l’ostéoprotégérine (OPG) et son ligand (OPGL). L’OPGL est connu pour activer la différenciation et l’activation des ostéoclastes tandis que l’OPG se comporte quant à lui comme inhibiteur de l’activité ostéoclastique. Dans le MM, l’expression de l’OPGL par les cellules stromales est augmentée de manière importante tandis que la production de l’OPG se voit parallèlement être diminuée. Ce déséquilibre entre les deux molécules semblerait être dépendant des interactions entre les cellules de MM et les cellules stromales. En plus des lésions osseuses qui sont la première conséquence de ce déséquilibre, il s’instaure aussi un cercle vicieux contribuant à la survie tumorale. Ce phénomène s’expliquant par le fait que la résorption osseuse est responsable de la libération de facteurs trophiques, stocker dans les structures osseuses, responsable eux aussi de la survie et de la prolifération tumorale.

A l’inverse des translocations primaires qui arrivent dans les premières étapes (ou même à l’origine) de la pathogenèse et qui interviennent lors de la phase de maturation des cellules B (erreurs de recombinaison lors des réarrangements chromosomiques), les translocations secondaires prennent part bien plus tard dans le processus de la maladie et seraient la conséquence d’une grande instabilité chromosomique. Ce type de translocation est souvent associé à des myélomes plus agressifs. Ainsi, par exemple, les mutations activant la voie Ras peuvent contribuer à la prolifération des cellules de myélome et ceci indépendamment des facteurs de croissance.

A la recherche de traitements thérapeutiques

A travers les signaux de survie qu’il fournit, le microenvironnement tumoral permet dans un premier temps d’offrir des conditions favorables à la mise en place de la tumeur jusqu’à son autonomie vis-à-vis des facteurs trophiques. Or il peut aussi dans certains cas permettre aux cellules tumorales d’échapper et de résister aux traitements, c’est l’une des raisons qui poussent les chercheurs à trouver des traitements qui inhibent ces relations néfastes qui s’organisent entre la tumeur et son environnement proche.

Les premières thérapies contre le MM consistaient en de fortes doses de chimiothérapie suivies de transplantation de cellules souches. Ce premier type de traitement a été conseillé suite à deux études qui ont démontrés qu’une simple transplantation de cellules souches autologues donnait des résultats supérieurs, en terme de durée de survie, qu’une chimiothérapie conventionnelle. D’autres études tentent aussi à montrer que le nombre de transplantations pourrait être un facteur important pour la pertinence du traitement.

En plus des bienfaits cliniques qu’apportent les transplantations de cellules souches, les stratégies thérapeutiques peuvent être potentialisées par la combinaison de ces traitements avec des drogues qui seraient actives sur le microenvironnement de la moelle osseuse. Ainsi, la thalidomide, connue pour ses propriétés sédatives pourrait apporter des résultats intéressant pour 30 à 40% des patients avec un MM avancé, réfractaire ou en rechute. Ce médicament, utilisé dans les années 50-60 pour calmer les nausées des femmes enceintes, se révéla un dangereux tératogène et neurotoxique. En France, la thalidomide est préconisé en milieu hospitalier contre l’érythème noueux lépreux, les aphtoses sévères, l’infiltration lymphocytaire cutanée de Jessner-Kanoff, le lupus érythémateux cutané, les réactions chroniques du greffon contre l’hôte et les myélomes réfractaires.

Même si le mécanisme d’action de la thalidomide n’est pas encore réellement élucidé, plusieurs études convergent à montrer qu’il agirait dans les désordres hématologiques en entrant en interaction avec les cellules stromales de la moelle osseuse afin de limiter leur sécrétion de TNF et d’IL-6 et réguler négativement les molécules d’adhésions. De plus la thalidomide modulerait le système immunitaire en encourageant la croissance des lymphocytes T en augmentant la production d’autres cytokines (IL-2, INFg). Ainsi, les effets secondaires d’un tel traitement constituent l’un de ces principaux inconvénients. Les patients qui suivent ce type de thérapie se plaignent en effet d’importantes constipations et de problèmes veineux (thromboses, ...). Des analogues du thalidomide sont ainsi synthétisés afin d’obtenir des composants dont les effets biologiques sont similaires mais qui provoquent des effets secondaires limités.

Les inhibiteurs du protéasome sont une autre classe de thérapeutiques qui peuvent agir directement sur les cellules de MM et sur le microenvironnement tumoral. Le protéasome est une protéase (enzyme qui digère les protéines) qui dégradent 80% des protéines intracellulaires, notamment les protéines régulatrices de cycle cellulaire, des protéines issus des gènes suppresseurs de tumeurs, des activateurs et des inhibiteurs de la transcription. Le bortezomib provoque donc l’accumulation des protéines régulatrices ce qui mène à l’arrêt du cycle cellulaire et à l’apoptose. On note de plus que les cellules de MM sont particulièrement sensibles à ce type d’inhibiteur du fait que ce soit des cellules particulièrement actives (sécrétion d’Ac) et qui génèrent donc d’importantes quantités de protéines. Ainsi, en les rendant incapable de gérer ces protéines (dégrader les protéines mal conformées) elles deviennent particulièrement sensible à l’apoptose.

Les traitements qui ont pour objectif de lutter contre les cellules de MM doivent être aussi complémentés avec des traitements qui eux, ont pour but d’améliorer la qualité de vie des patients. Ainsi, plus de 8O% des patients nouvellement diagnostiqués présentent d’importantes fractures pathologiques à cause d’une intense activité ostéolytique. L’injection de bisphosphonates est pour l’instant le seul moyen clinique disponible capable de réduire ce phénomène que ce soit dans les premiers stades de la maladie ou dans des stades beaucoup plus avancées. Même si la recherche a réalisé de grands progrès dans la mise au point de traitement contre le myélome, ce type de cancer est encore incurable. Plusieurs travaux tentent d’explorer plus en détail les différentes voies de signalisations constitutivement actives ou activées par le micro environnement afin de mettre au point des traitements (inhibiteurs de ces voies) plus efficace puisque ciblant mieux les cellules tumorales.

 
 
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