La nébuleuse planétaire SuWt2 devrait comporter en son centre une naine blanche, résidu de l’étoile effondrée qui lui a donné naissance. Mais rien n’apparaît, ce qui agace fortement les astronomes… et les contraint à échafauder de nouvelles théories.
Situé à 6.500 années-lumière dans la constellation du Centaure, SuWt2 est composée d’un brillant anneau de gaz, vu presque par la tranche. Deux lobes s’étendent perpendiculairement à cet anneau, donnant à l’ensemble une vague forme de sablier. Très communément, ce type d’éjectas provient de la formation d’une naine blanche, une étoile en fin de carrière dont la masse est trop faible pour exploser en supernova.
Lorsqu’une de ces étoiles arrive en fin de vie, elle a consommé la plus grande partie de son hydrogène qui s’est transformé en hélium. La pression de radiation provenant des réactions thermonucléaires s’affaiblit considérablement et ne suffit plus à équilibrer les forces de gravitation de l’astre, qui s’effondre sur lui-même. Ce faisant, pression et température augmentent, la fusion de l’hélium s’amorce, lequel se transforme alors en éléments de plus en plus lourds, commençant par le carbone.
La pression de radiation ayant augmenté, l’étoile se remet à enfler et elle devient une géante rouge. Mais l’hélium lui-même est rapidement épuisé et le processus repart en arrière, avec diminution de la pression de radiation et contraction de l’étoile. Sa trop faible masse ne lui permet cependant pas d’amorcer la fusion du carbone, et si elle a éjecté suffisamment de masse pour passer sous la limite de Chandrasekhar, le cœur s’effondre violemment pour devenir une naine blanche. Les couches externes formées de gaz et de débris chutent rapidement vers l’astre, dont la surface devenue solide ne peut les absorber et elles rebondissent vers l’extérieur, formant une nébuleuse planétaire, comme SuWt2.
A la recherche de l’étoile perdue
Mais voilà, les astronomes avaient beau scruter le cœur de cette nébuleuse, pas de trace de naine blanche ! En 1990, le mystère s’est encore épaissi lorsque les astronomes ont examiné l’endroit au moyen du satellite IUE (International Ultraviolet Explorer), pensant y découvrir les traces d’une faible, mais chaude étoile. Au lieu de cela, ils y ont trouvé une paire d’étoiles jumelles, tournoyant l’une autour de l’autre en cinq jours seulement, mais dont aucune n’est une naine blanche. Il s‘agit au contraire d’étoiles de classe spectrale A, plus chaudes que notre Soleil, et qui n’ont apparemment rien à faire là.
Une étude récente, conduite par Katrina Exter et Howard Bond du Space Telescope Science Institute à Baltimore, assistés par des équipes d’astronomes américains et britanniques, a démontré par la méthode photométrique et spectroscopique que la masse de chacune de ces deux étoiles est trop grande au regard de leur position dans le diagramme de Hertzsprung-Russell (qui résume le destin des étoiles). Ces caractéristiques seraient explicables si l’on admet qu’elles ont déjà commencé à évoluer vers le stade de géante rouge. Mais elles semblent aussi tourner sur elles-mêmes plus lentement que prévu, car elles devraient toujours présenter les mêmes faces l’une vers l’autre, ce qui n’est pas le cas. Ces chercheurs viennent de présenter le cas SuWt2 lors de la 212ème réunion de l’American Astronomical Society à Saint-Louis (Minnesota) et cette nébuleuse planétaire hors norme fera bientôt l'objet d'une publication.
Un scénario de science-fiction
L'étrangeté de cette nébuleuse a conduit les astronomes à élaborer un scénario assez original. Les deux étoiles de classe A auraient autrefois fait partie d’un système triple, comprenant aussi une troisième étoile beaucoup plus massive. Celle-ci aurait évolué vers le stade de géante rouge, engloutissant littéralement les deux autres qui se seraient alors trouvées piégées dans ce que les astronomes appellent une enveloppe commune.
Les deux étoiles ont ensuite été ralenties par simple effet de traînée aérodynamique et se sont mises à descendre vers l’intérieur, entraînant les couches externes de la géante rouge dans leur course. Ces couches externes se sont alors mises à tourner de plus en plus vite, au point qu’elles ont fini par être éjectées dans le plan de l’orbite, formant la nébuleuse que nous observons aujourd’hui. Cet échange d’énergie entre les deux étoiles A et la géante rouge peut aussi expliquer leur rotation exceptionnellement lente.
Peu de temps après ces événements, les restes de la géante rouge se seraient condensés pour former une naine blanche faible (dim white dwarf), indétectable par les moyens d’observation actuels.
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