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  La physique des technologies - I. Les dispositifs d’affichage
 
La physique des technologies - I. Les dispositifs d’affichage

Par Pierre Hirel
Publié le mercredi 19 septembre 2007. Dernière modification le lundi 28 janvier 2008. 

La physique a auprès du grand public, et même des étudiants parfois, une réputation de science austère et bien éloignée de la réalité. Elle fait pourtant partie de notre quotidien, qu’il s’agisse de phénomènes naturels ou bien de dispositifs que nous pouvons utiliser dans notre vie de tous les jours : téléphones portables, radio, télévision, Internet, fours à micro-ondes... Avant la mise au point de ces dispositifs, il y a eu la découverte de propriétés physiques des matériaux, des ondes, des interactions entre différents objets ; ce n’est qu’ensuite qu’ont pu se développer leur exploitation technique. Nous nous proposons dans cette série d’articles, de décrire quels principes physiques fondamentaux se cachent derrière les technologies actuelles.

I. Les dispositifs d’affichage
II. Le stockage optique
III. Le stockage magnétique et électronique

 

Introduction

Les dispositifs d’affichage sont intégrés à de nombreux appareils : les écrans cathodiques sont utilisés dans les téléviseurs ou les oscilloscopes, les écrans LCD sont intégrés aux montres, radio-réveil, à certains moniteurs d’ordinateur, fours à micro-ondes, aux téléphones portables... La liste est loin d’être exhaustive : les technologies d’affichage, aussi variées soient-elles, ont envahi notre quotidien, pour une raison bien simple : le besoin de diffuser une information, de façon toujours plus large, plus claire, plus intuitive, et même plus interactive.

Nous expliquerons ici les principes physiques sous-jacents aux technologies d’affichage les plus utilisées aujourd’hui, ainsi que des technologies qui pourraient bien voir leur utilisation s’étendre dans un futur proche.

1 - Les écrans cathodiques

Les écrans cathodiques, encore appelés écrans CRT (Cathode Ray Tube) existent depuis la fin du XIXe siècle, quand Karl F. Braun parvient à fabriquer le premier oscilloscope CRT. Le principe en est simple : une source d’électrons (une cathode) émet un faisceau d’électrons qui sont dirigés vers un écran (qui sert donc d’anode) recouvert d’un matériau phosphorescent pour y former une image. Mine de rien, beaucoup de processus physiques se cachent déjà derrière tout ça.

La première étape est l’émission d’électrons par la cathode. Pour ce faire on la chauffe et on applique une haute tension entre cette cathode (souvent fabriquée en tungstène) et l’anode (càd l’écran donc). Sous l’effet du potentiel, des électrons acquièrent une grande énergie, suffisante pour quitter le matériau et produire un "rayonnement de cathode" (cathode ray), qui n’est autre en fait qu’un faisceau d’électrons. Les électrons interagissent beaucoup avec la matière, ils ne doivent donc rencontrer dans leur course aucun atome ; c’est pourquoi un tube cathodique est toujours sous vide.

Ensuite il faut accélérer ces électrons, ce qui est possible en leur appliquant un champ électrique continu (Fig.1.2, à gauche), qui les soumet à la force de Lorenz [1]. Puisqu’ils ont une charge négative, la force et donc l’accélération qu’ils subissent sont dirigées dans le sens inverse à celui du champ électrique. Les électrons acquièrent ainsi une grande vitesse, donc une grande énergie, qui sera nécessaire pour exciter le matériau phosphorescent.

Ensuite, le faisceau doit être dirigé de manière à balayer toute la surface de l’écran, mais sans pour autant ralentir les électrons. Ceci est possible avec un champ magnétique ; en effet, dans un tel champ les électrons subissent une force qui est perpendiculaire à leur vitesse, et perpendiculaire au champ ( Fig.1.2). Un champ magnétique constant dévierait toujours le faisceau dans la même direction, et on ne verrait qu’un point très lumineux sur l’écran. Il faut donc utiliser des champs magnétiques variables ; l’un permet le balayage horizontal, et un autre le balayage vertical, de sorte que toute la surface de l’écran est parcourue par le faisceau d’électrons.

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Fig.1.1 - Action des champs électrique et magnétiques sur les électrons dans un tube cathodique.
Après avoir été accélérés par un champ électrique, les électrons sont déviés par des champs magnétiques variables pour balayer toute la surface de l’écran.
Crédits : P. HIREL/Spectrosciences 2007.

En arrivant sur l’écran, l’électron va exciter un matériau dit phosphorescent. Celui-ci va ensuite se désexciter en émettant de la lumière. Ce processus est appelé de manière générale photoluminescence. Il consiste en l’excitation-désexcitation d’un atome (ou d’un composé moléculaire), qui lui permet d’émettre de la lumière : un électron va monter en énergie sous l’action d’un rayonnement ou d’un champ électrique, puis retomber en émettant des photons. Le matériau va ainsi continuer à briller tant qu’il y aura des atomes excités, et ce même si la source d’excitation de départ est supprimée ; cette photoluminescence va durer plus ou moins longtemps selon les processus de désexcitation (voir Ref.1). Nous discuterons ici de deux cas particuliers de photoluminescence : la fluorescence et la phosphorescence.

Dans le cas de la fluorescence (Fig.1.2 à gauche), les états fondamental () et excité () sont tous deux des états dits "singulets", car tous les électrons sont appariés : chaque électron de spin +1/2 forme une paire avec un électron de spin -1/2, ce qui fait que le système a globalement un spin nul [2]. L’état d’énergie vers lequel le système est excité est lui aussi un état singulet, et l’électron peut donc se désexciter directement dans l’état initial. La durée de ce type de processus est typiquement de 10 nanosecondes, ce qui est très rapide. La fluorescence peut être observée lorsque dans l’obscurité, on éclaire un T-shirt avec de la lumière violette ou ultraviolette par exemple : on aura l’impression qu’il "brille" par lui-même. Mais dès qu’on supprime la source de lumière, le T-shirt arrête de briller.

Fluorescence :

Dans le cas de la phosphorescence par contre (Fig.1.2 à droite), le composé est excité vers un état singulet métastable , qui ne peut pas se désexciter directement vers l’état initial. L’électron doit passer par un état de transition , métastable lui aussi, mais qui est un état triplet. Pour ce faire il doit effectuer un changement de spin (processus connu sous le nom de Inter-System Crossing [ISC]). Une paire d’électrons est donc brisée, et deux électrons se trouvent non appariés, ce qui peut donner trois états de spin possibles [3] : on parle donc d’état triplet. Cet ISC est énergétiquement favorable (car il diminue l’énergie du système), mais très lent car les niveaux d’énergie impliqués ont alors de grandes durées de vie. Pour redescendre de cet état triplet vers l’état initial qui est un état singulet, l’électron doit de nouveau opérer un changement de spin, ce qui est encore un processus très lent. Au final, la phosphorescence est donc un phénomène relativement long à opérer, allant de quelques dix-millièmes secondes à plusieurs heures selon les matériaux.

Phosphorescence :

Le nom "phosphorescence" vient du fait que le phosphore une fois excité, continue à émettre de la lumière par lui-même pendant un certain temps. Ce nom signifie donc à l’origine "briller comme le phosphore", mais en étudiant le phénomène plus précisément sur divers matériaux, on s’est aperçu que ce n’est pas celui qui fait briller le phosphore (pour lequel il s’agit uniquement de phénomènes d’oxydation). Le nom historique a néanmoins été conservé pour désigner ce processus.

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Fig.1.2 - Excitation puis désexcitation de matériaux photoluminescents.
A gauche : un matériau fluorescent émet un photon en se désexcitant.
A droite : un matériau phosphorescent met un temps plus long à relaxer, passant par un état de transition, puis émet un photon en retournant à son état fondamental.
Crédits : P. HIREL/Spectrosciences 2007.

Dans le cas des écrans cathodiques, différents matériaux fluorescents et phosphorescents recouvrent l’écran, ces derniers permettant une certaine rémanence (voir Ref.2). La source d’excitation est ici le faisceau d’électrons incidents, et la phosphorescence du revêtement de l’écran va lui permettre de continuer à émettre de la lumière, et donc va garder un sous-pixel allumé, jusqu’au passage suivant du faisceau d’électrons. Les sous-pixels sont regroupés par trois, chacun brillant d’une couleur fondamentale, rouge, vert ou bleu, permettant ainsi d’afficher toute la gamme des couleurs présentes dans le fameux standard RVB.

La technologie CRT reste aujourd’hui l’une des meilleures concernant le rendu des couleurs et la luminosité, c’est pourquoi elle reste la favorite dans le monde professionnel du traitement d’images et de vidéos. L’inconvénient pour le particulier est principalement l’encombrement du tube, et la consommation électrique assez élevée par rapport aux technologies plasma, LCD ou OLED.

2 - Les écrans à cristaux liquides (LCD)

Les écrans à cristaux liquides ou LCD (pour "Liquid Crystal Display") se sont largement démocratisés depuis les années 1990, pour remplacer peu à peu les télévisions, moniteurs d’ordinateur, s’intégrer dans les réveils, autoradios, montres, calculatrices, téléphones portables, balladeurs mp3, vidéoprojecteurs (Tri-LCD)... Cette technologie tire partie d’une propriété particulière de la lumière : la polarisation. Mais avant cela, qu’appelle-t-on "cristal liquide" ?

Chacun a une bonne image de ce qu’est un liquide. La densité d’un liquide est souvent sensiblement la même que celle d’un solide, seulement les liaisons entre molécules ne sont pas rigides, ce qui permet à celles-ci de circuler de manière fluide. Les molécules se réarrangeant sans cesse, il n’existe pas d’ordre à grande distance dans un liquide. Un cristal au contraire, est l’arrangement très régulier d’atomes ou de molécules, selon un motif précis et figé.

Un cristal liquide est un matériau réunissant des propriétés des cristaux (l’arrangement régulier) et des liquides (la fluidité). Il s’agit souvent de molécules très longiformes et polaires , c’est-à-dire possédant un côté électriquement négatif, et l’autre positif. Les cristaux liquides peuvent exister sous différente phases, qui dépendent de leur nature et de la température (voir Ref.3) :

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Fig.2.1 - Les cristaux liquides peuvent se présenter sous différentes phases.
Dans la phase nématique (à gauche), les molécules s’alignent suivant une même direction, mais sans ordre à grande distance. Dans la phase smectique (à droite), elles s’alignent toutes suivant la même direction, mais tendent aussi à s’arranger dans des plans.
Crédits : P. HIREL/Spectrosciences 2007.

- la phase nématique : les molécules tendent à toutes l’aligner selon une direction, mais sans ordre particulier dans les autres directions ;

- la phase smectique : les molécules s’alignent selon une direction comme dans la phase nématique, mais suivent également un certain ordre dans le plan orthogonal à cette direction ;

- la phase cholestérique (ou nématique chirale) : les molécules s’alignent en faisant un certain angle entre elles ;

- la phase colonnaire : les molécules sont de forme circulaire et s’arrangent en colonnes.

Nous nous intéresseront plus particulièrement à la phase nématique, qui est la plus utilisée de nos jours pour les dispositifs d’affichage. Les technologies qui en sont dérivées, telles le TN (pour "Twisted Nematic"), l’IPS ou l’ASV (voir Ref.5), suivent toutes le même principe général décrit ci-dessous.

Pour comprendre comment l’affichage est contrôlé, il faut revenir sur une propriété de la lumière : la polarisation. La lumière peut être décrite comme une onde électromagnétique, c’est-à-dire un champ électrique se propageant de pair avec un champ magnétique. Ces champs oscillent dans des plans perpendiculaires l’un à l’autre, si bien que la desciption d’un seul suffit à connaître le comportement de l’autre. Si l’on s’intéresse au champ électrique par exemple, il peut osciller de différentes façons, appelées polarisations. Lorsque l’oscillation se fait toujours dans le même plan, on parle de polarisation linéaire ; lorsque le plan de l’oscillation tourne, et que le champ électrique garde toujours la même amplitude, on parle de polarisation circulaire (elliptique si l’amplitude varie) (Fig.2.2).

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Fig.2.2 - Différentes polarisations de la lumière.
Dans le cas de la polarisation rectiligne (à gauche), le champ électrique oscille toujours dans le même plan. Pour les polarisations circulaire ou elliptique (à droite), le plan dans lequel le champ électrique oscille tourne.
Crédits : P. HIREL/Spectrosciences 2007.

La lumière ordinaire est composée d’une multitude d’ondes lumineuses, et elle n’a pas de polarisation bien définie. Il est cependant possible de sélectionner une polarisation donnée, par exemple grâce à un polariseur : il s’agit d’un ensemble de lignes séparées d’une distance comparable à la longueur d’onde de la lumière visible, soit quelques nanomètres. En cela, il permet de filtrer la lumière selon sa polarisation : au sortir d’un polariseur, la lumière aura une polarisation rectiligne, dans le sens du réseau ; toute polarisation perpendiculaire au réseau sera éliminée (voir Fig.2.3, effet du premier polariseur). Un tel dispositif ne laisse ainsi passer qu’une partie de la lumière, d’ailleurs des polariseurs sont parfois utilisés dans les lunettes de Soleil. En effet la lumière émise par l’astre du jour est en partie polarisée par l’atmosphère terrestre, et par certains milieux où il se réfléchit (surface de l’eau) ; un polariseur permet donc d’atténuer la lumière reçue par l’oeil.

En conjugant deux polariseurs, l’un fixe et l’autre pouvant tourner autour de l’axe de propagation de la lumière, il est possible de jouer sur l’intensité de la lumière qui sortira du système. Le second polariseur (souvent appelé analyseur), s’il a la même orientation que le premier, n’a aucun effet sur la lumière ; en effet, celle-ci étant déjà polarisée suivant le bon axe, traverse entièrement le second polariseur. En revanche, si le second polariseur fait un angle de 90° avec le premier, aucune lumière ne passe. Les angles intermédiaires laissent passer une partie de la lumière. Un tel dispositif permet ainsi de régler l’intensité de la lumière en sortie (Fig.2.3) (voir Ref.7).

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Fig.2.3 - Utilisation d’un système de polariseurs pour faire varier l’intensité lumineuse.
Au sortir d’un polariseur, la lumière est polarisée selon l’axe défini par celui-ci. L’utilisation d’un second polariseur permet de jouer sur l’intensité finale. S’il est dans le même sens que le premier polariseur, alors il laisse passer toute la lumière qui en était sorti ; tout se passe comme s’il n’y avait pas de second polariseur. En revanche, s’il est placé à 90° du premier polariseur, alors aucune lumière ne passe à travers le système. Le second polariseur est souvent appelé "analyseur".
Crédits : P. HIREL/Spectrosciences 2007.

Cette propriété de la lumière va être particulièrement intéressante pour l’affichage LCD. En effet, les cristaux liquides, avec leur faculté à s’aligner, peuvent former un réseau très ordonné et très efficace, agissant comme un polariseur. Mais comment faire tourner ce réseau ? Nous avons vu que les cristaux liquides ne sont pas rigides, mais liquides, ils peuvent donc tourner sans se briser. De plus ils sont constitués de molécules polaires, donc sensibles aux champs électriques : l’application d’un tel champ permettra d’orienter les molécules, imitant ainsi la rotation d’un polariseur. Dans la plupart des écrans LCD actuels, les cristaux liquides sont orientés par l’action d’un champ contrôlé par un transistor ; c’est pourquoi on parle également d’écran TFT pour "Thin Film Transistor".

Dans un dispositif LCD, ce principe est appliqué à chaque sous-pixel (Fig.2.4), qui possède son propre transistor pour orienter les cristaux liquides, quasiment de 0 à 90° par rapport au premier polariseur. En sortie, l’application d’un filtre rouge, vert ou bleu permet de restituer toutes les couleurs affichables par un pixel.

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Fig.2.4 - Traitement de la lumière dans un sous-pixel d’un écran LCD.
La lumière ordinaire d’un néon est d’abord filtrée par un polariseur fixe. Ensuite, la trame formée par un ensemble de cristaux liquides orientés grâce au champ électrique d’un transistor permet de sélectionner quelle quantité de lumière va passer. Un filtre de couleur (rouge, vert ou bleu) permet de sélectionner la longueur d’onde qui éclairera le pixel final.
Crédits : P. HIREL/Spectrosciences 2007.
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Fig.2.5 - Vue de près de la surface d’un écran LCD.
Les pixels sont de taille suffisamment petite pour que l’on ne distingue pas les sous-pixels à l’oeil nu ; ainsi lorsque les trois sous-pixels bleu, vert et rouge sont allumés, l’oeil a une impression de blanc. Cette vue très rapprochée montre les sous-pixels tels qu’ils sont en réalité à la surface de l’écran.
Crédits : P. Hirel/Spectrosciences.

Les avantages énormes de cette technologie sont un coût très bas (et qui continue à diminuer), une consommation électrique bien moindre que les écrans CRT (de l’ordre de 50%), des temps de réponse qui deviennent très courts, des petites dimensions et une grande légèreté des écrans, ce qui permet leur intégration dans de nombreux dispositifs. Les inconvénients restent cependant nombreux : les polariseurs ne sont pas parfaits, et absorbent donc un peu de la lumière à son passage ; c’est pourquoi les écrans LCD ont du mal à atteindre des luminosités aussi importantes que les écrans CRT. De plus la polarisation des cristaux liquides devant se faire selon une direction précise, les écrans LCD ne permettent pas un angle de vision aussi grand que les écrans cathodiques ou plasma. Le rendu des couleurs et les contrastes sont également moins bons, et la technologie impose une limite à la taille des écrans, qui ne peut rivaliser avec celle d’écrans plasma. Toutes ces raisons expliquent que les écrans LCD ne se soient pas imposés pour des utilisations professionnelles (retouche/création d’images et vidéos), ni même pour le Home Cinema chez les particuliers.

3 - Les écrans plasma

Les écrans plasma (ou PDP pour "Plasma Display Panel"), très dispendieux à leurs débuts, commencent à se démocratiser dans les foyers, en particulier pour un usage "Home cinema". Permettant des tailles d’écran beaucoup plus grandes que les télévisions LCD, et un meilleur rendu des couleurs.

Qu’appelle-t-on "plasma" ? Il s’agit d’un état de la matière, au même titre que les états solide, liquide et gazeux. Dans ces derniers, chaque atome (ou molécule) est électriquement neutre. Dans l’état plasma, les atomes se sont séparés de certains électrons, et les charges électriques évoluent quasiment librement. Il s’agit d’un état très excité de la matière, sorte de gaz d’ions et d’électrons. Lorsque les charges se recombinent, elles émettent de la lumière (Fig.3.1).

Où voit-on des plasmas ? La flamme d’un briquet ou d’une allumette, un éclair, sont autant de manifestations lumineuses provenant de la recombinaison de charges dans un plasma.

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Fig.3.1 - Dans un plasma (à gauche), les charges électriques (ions et électrons) se recombinent en émettant de la lumière (à droite).
(Echelles non respectées).
Crédits : P. HIREL/Spectrosciences 2007.

Dans un écran plasma, c’est ce même principe qui est utilisé -de manière contrôlée et bien moins intense bien sûr (Fig.3.2). Un gaz (souvent du xénon et du néon) est enfermé dans une toute petite cellule, entre deux électrodes. Lorsqu’on applique une décharge électrique entre ces deux électrodes, le gaz s’ionise, devenant plasma, puis il se désexcite en émettant de la lumière ultraviolette. Ce rayonnement va exciter un matériau phosphorescent qui recouvre les parois de la cellule, et en ce désexcitant, ce matériau va émettre un nouveau rayonnement, dans le visible cette fois. Le matériau phosphorescent est choisi pour émettre l’une des trois couleurs primaires, rouge, vert ou bleu, l’addition de trois sous-pixels permettant comme à l’habitude de reproduire la palette de couleurs.

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Fig.3.2 - Un sous-pixel d’un écran plasma.
La différence de potentiel entre les deux électrodes ionise le gaz, qui émet des ultraviolets en se désexcitant. Ces rayons UV vont à leur tour exciter un matériau phosphorescent, qui va émettre dans une des trois couleurs primaires (ici, le bleu).
Crédits : P. HIREL/Spectrosciences 2007.

Chaque pixel a ainsi sa propre source de lumière. La technologie plasma permet ainsi une intensité lumineuse bien plus grande, et un meilleur angle de vision que les écrans LCD par exemple. Leur prix reste cependant assez élevé, et ils peuvent souffrir du phénomène de "brûlage" qui fait que certains pixels restent allumés, laissant un motif en surimpression.

4 - Les affichages à diodes électroluminescentes (LED) et organiques (OLED)

Les OLED (pour "Organic Light-Emitting Diod") font parler d’elles depuis plusieurs années maintenant. Ses mérites semblent nombreux : très faible consommation, très bon rendu des couleurs, possibilité de fabriquer des écrans transparents et pliables... Comment tout cela est-il possible ?

Peut-être faut-il revenir sur le fonctionnement d’une diode électroluminescente (LED) standard, non-organique (Ref.9). Elles sont utilisées par exemple dans la signalisation (feux tricolores). Ces composants, très courants en électronique, utilisent des semiconducteurs [4] (souvent du silicium ou du germanium), accolés l’un à l’autre (Fig.4.1). L’un est dopé avec un élément plus électronégatif, il possède donc un surplus d’électrons (on parle de dopage N) ; l’autre avec un élément moins électronégatif, il présente donc un déficit d’électrons (c’est le dopage P) : on parle de jonction PN. Dans le matériau dopé N, on peut décrire le comportement des électrons supplémentaires. En revanche dans le matériau dopé P, certains niveaux d’énergie sont vides, ce qui a une influence sur tous les électrons du matériau, et serait trop compliqué à décrire. On préfère donc décrire le comportement des niveaux vides, qui agissent comme des charges positives : on parle de pseudo-particules appelées "trous". Les électrons et les trous peuvent se déplacer plus ou moins facilement dans le matériau, et comme il s’agit de particules chargées, elles sont porteuses d’un courant lorsqu’elles se déplacent. Il est à noter que les électrons et les trous n’ont pas forcément la même mobilité : dans les semiconducteurs classiques, les trous sont généralement moins mobiles.

Lorsqu’on applique une tension à une telle structure, un courant va s’établir, injectant des électrons dans la couche dopée N (et/ou injectant des trous dans la couche P). Les électrons et les trous vont se rencontrer à l’interface P/N (généralement dans la couche N, les trous étant moins mobiles), et se recombiner en émettant de la lumière. La longueur d’onde de cette lumière va dépendre des matériaux utilisés et du dopage. Les constructeurs parviennent aujourd’hui à reproduire un large panel de couleur, et même à fabriquer des diodes polychromatiques.

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Fig.4.1 - Principe de l’émission lumineuse dans des LEDs.
En se recombinant, l’électron et le trou émettent un photon, dont l’énergie dépend de l’énergie de liaison des deux particules. Lorsque les matériaux utilisés sont organiques, on parle d’OLED.
Crédits : P. HIREL/Spectrosciences 2007.

La technologie OLED utilise le même principe, seulement les semiconducteurs classiques sont remplacés par des molécules organiques déposées sur un substrat. Celui-ci est le plus souvent un polymère qui évite leur dégradation, peut être flexible, et surtout transparent à la lumière visible. Deux couches de tels polymères organiques sont superposées entre deux électrodes (Fig.4.1). Selon le même principe, lorsqu’une tension est appliquée, la cathode donne des électrons à une couche, tandis que l’anode injecte des trous à l’autre couche. Les trous et les électrons s’attirent, et vont se rencontrer dans la couche proche de la cathode, car dans ces matériaux organiques les trous sont plus mobiles que les électrons (contrairement aux semiconducteurs inorganiques). La recombinaison électron-trou va se faire par émission de photons ; cette couche est donc appelée couche émissive. Le choix des matériaux organiques détermine la longueur d’onde, et donc la couleur, du rayonnement émis.

Les écrans OLED sont utilisés dans certains dispositifs de petite taille (balladeurs mp3 notamment), grâce à leur consommation extrêmement basse, cependant ils n’arrivent pas à s’imposer sur le marché. La principale raison est la fragilité des matériaux ; l’eau détruisant les composés organiques, ils doivent être confinés dans des cellules étanches et protégés contre l’humidité. De plus, leur durée de vie est limitée, et inégale selon la longueur d’onde qu’ils émettent.

5 - Le FED, futur de l’affichage ?

Aujourd’hui plusieurs concurrents s’affrontent pour imposer leur technologie d’affichage. Nous parlerons ici de trois variantes tournant autour d’un même principe : le FED (Field Emission Display). Le mode de fonctionnement est simple, puisqu’il reprend celui des écrans cathodiques. Seulement ici tout se passe à bien plus petite échelle : chaque pixel de l’écran va se comporter comme un petit tube cathodique, émettant lui-même des électrons qui vont aller exciter le matériau phosphorescent ; pas besoin de champs magnétiques pour accélérer les électrons donc. Le grand challenge est ici la source : il faut un matériau capable d’émettre les électrons.

Plusieurs sources sont envisagées. Dans le cas du SED (Surface-conduction Electron-emitter Display), la source va être une pointe en métal ou semiconducteur selon la configuration du dispositif. Un potentiel de 16 à 18 V appliquée à la pointe sera suffisante pour en arrancher des électrons, qui seront ensuite accélérés par un champ électrique de l’ordre de 10 000 V, l’écran servant toujours d’anode.

Le SED peut également utiliser des nanotubes de carbone comme sources d’électrons. Les nanotubes de carbone peuvent être représentés comme des feuillets de graphite enroulés sur eux-mêmes ; ils présentent des propriétés électroniques remarquables [5]. Ici, l’application d’un champ électrique au nanotube va lui faire émettre des électons.

Une fois ces électrons émis et accélérés, ils vont exciter un matériau phosphorescent pour lui faire émettre de la lumière bleue, rouge ou verte, comme c’était déjà le cas pour les écrans cathodiques "classiques".

Techniquement, la production industrielle des écrans de technologie FED est rendu difficile par la taille des sources d’électrons, d’une part difficiles à fabriquer, et d’autre part extrêmement sensibles aux impacts d’ions. Pour éviter toute ionisation dans les cellules, il faut donc atteindre un vide très poussé, bien plus que dans les écrans cathodiques "classiques". De plus le bombardement du matériau phosphorescent avec des électrons à hautes énergies pourrait provoquer l’émission de gaz. Les grands avantages mis en avant par les contructeurs sont le rendu des couleurs et l’absence de "bavure" sur les images défilant rapidement à l’écran, qui rendent les écrans FED bien supérieurs aux plasmas et aux LCD. Cependant, leur succès dépendra de leurs performances, mais aussi de leur disponibilité et de leur prix sur le marché, car les écrans LCD et plasma déferlent déjà et voient leurs prix chuter vertigineusement ; si les FED ne s’alignent pas rapidement ils risquent de perdre la course...

Conclusion

Nous avons dans cet article passé en revue les principaux principes physiques de fonctionnement des dispositifs d’affichage qui nous entourent. Car la physique gère indéniablement le fonctionnement des écrans à technologies plasma, cristaux liquides, OLED, ou autres, que vous consultez tous les jours du regard. Des propriétés électroniques et optiques des matériaux sont en jeu, qui permettent l’émission, le contrôle et l’interaction avec la lumière. Et cette physique, nous l’exploitons, sans même plus y penser, dans notre quotidien. Comprendre leur fonctionnement vous fera peut-être regarder avec un oeil neuf et en connaisseur votre téléviseur, l’écran de votre téléphone portable, ou votre montre. La recherche en physique continue de progresser, et il ne fait aucun doute que des matériaux nouveaux, découverts et étudiés aujourd’hui dans le monde de la physique, finissent par être intégrés dans des technologies futures, peut-être dans votre salon, à votre poignet ou sur vos lunettes...

 
 
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