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  La physique des technologies - II. Le stockage optique
 
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La physique des technologies - II. Le stockage optique

Par Pierre Hirel
Publié le mercredi 16 janvier 2008. Dernière modification le mercredi 6 février 2008. 

La physique a auprès du grand public, et même des étudiants parfois, une réputation de science austère et bien éloignée de la réalité. Elle fait pourtant partie de notre quotidien, qu’il s’agisse de phénomènes naturels ou bien de dispositifs que nous pouvons utiliser dans notre vie de tous les jours : téléphones portables, radio, télévision, Internet, fours à micro-ondes... Avant la mise au point de ces dispositifs, il y a eu la découverte de propriétés physiques des matériaux, des ondes, des interactions entre différents objets ; ce n’est qu’ensuite qu’ont pu se développer leur exploitation technique. Nous nous proposons dans cette série d’articles, de décrire quels principes physiques fondamentaux se cachent derrière les technologies actuelles.

I. Les dispositifs d’affichage
II. Le stockage optique
III. Le stockage magnétique et électronique


 

Introduction

Texte, musique, vidéos, contenus multimedias, cinéma numérique, données confidentielles... Les besoins de stockage ne cessent de croître, et réclament toujours une meilleure qualité, une meilleure accessibilité, et une plus grande pérennité des données. Du particulier aux organisations mondiales, en passant par les associations, les entreprises de toute taille, ou encore les agences gouvernementales, sauvegarder l’information de manière sécurisée et durable est devenu d’une nécessité criante. Sans que l’on n’y prête même plus attention, mémoires flash, disques durs, CD, DVD, et bientôt Blu-Ray et HD-DVD, s’invitent dans notre quotidien, s’intégrant dans les mémoires des GPS, téléphones portables, clés USB, balladeurs mp3, appareils photo numériques, ordinateurs...

Dans cet article nous tâcherons de décrire les principes physiques permettant la lecture et l’enregistrement de l’information sur différents medias de stockage optique.

0 - Le langage binaire, une façon pratique de stocker l’information

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Fig.0.1 - Système décimal et système binaire : deux manières de compter.
Dans le système binaire, il n’y a que deux chiffres disponibles : 0 et 1. Les nombres deviennent très vite composés de plusiurs chiffres !
Crédits : P.Hirel/Spectrosciences 2008.

Avant tout, il est important de comprendre pourquoi l’information est stockée souvent sous forme de zéros et de uns. D’habitude, nous utilisons le système décimal, qui contient dix chiffres de 0 à 9. Mais après ? Si l’on veut continuer à compter après 9, il faut ajouter une seconde "colonne" devant la première, et reprendre la première à zéro : on obtient alors 10, 11, 12...

L’informatique ne peut pas utiliser ce langage, parce qu’elle est basée sur l’électronique, et en électronique, tout est affaire de courant ; soit le courant passe, soit il ne passe pas, ce qui correspond à deux états possibles, codés par 0 et 1 ; c’est le système binaire. Le principe est le même : pour compter après 1, on ajoute des colonnes devant la première : 0, 1, 10, 11, 100, 101, 110... (Fig.0.1).

Dans ce système, un chiffre (un 0 ou un 1) est appelé un bit. Huit bits suffisent à coder la plupart des caractères courants (alphabet, nombres, éléments de ponctuation) ; un tel groupement de huit bits est donc un standard, appelé octet. Ainsi, la quantité d’informations enregistrée se compte en octets et ses multiples : kilo-octet (Ko), mega-octet (Mo), giga-octet (Go), tera-octet (To)... [1].

Le langage binaire s’avère ainsi être un moyen pratique de stocker l’information sur différents médias. Pour donner des repères, un fichier texte fait quelques dizaines à quelques centaines de kilo-octets, une disquette "haute densité" fait 1,44 Mo, un CD-ROM a une capacité de 700 Mo, un DVD-Video peut contenir jusqu’à 9 Go, et les capacités des disques durs atteignent aujourd’hui le Tera-octet, soit mille Go.

 

1 - Le stockage optique : CD et DVD

Arrivé sur le marché dans les années 1980, le Compact-Disc (CD) sert d’abord de support à la musique (CD-Audio). Son utilisation évoluera par la suite vers l’enregistrement de données (CD-ROM), les clips musicaux ou les films (CD-Video). Le DVD quant à lui, n’arrivera sur le marché que vers la fin des années 90, offrant une capacité de stockage environ six fois plus grande, ce qui lui permet d’être le support de nombreuses utilisations, d’où son nom : Digital Versatile Disk.

Ces deux médias de stockage que sont le CD et le DVD utilisent tous deux le même principe de lecture : la réflexion d’un laser sur une surface. Mais au fait, quelle physique se cache derrière les lasers ?

"Laser" est l’acronyme pour Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation ; en français : amplification de lumière par émission stimulée de radiations. Dès 1917, Einstein prédit que lumière et matière peuvent interagir de trois façons différents :

- l’absorption : la lumière est absorbée par le matériau ; cela ne peut se produire que pour des énergies correspondant à des transitions électroniques du matériau. Si la lumière n’a pas la bonne énergie, alors elle n’interagit pas avec le matériau et passe simplement à travers (le matériau est transparent à cette longueur d’onde).

- l’émission spontanée : l’énergie excédentaire a une certaine espérance de vie dans le matériau, au-delà de laquelle elle est naturellement relâchée sous forme de radiations c’est à dire de lumière ; la lumière part alors dans n’importe quelle direction et il s’agit là d’un phénomène aléatoire.

- l’émission stimulée : en soumettant un matériau excité à une radiation précise, cela le désexcitera en lui faisant émettre une radiation de la même longueur d’onde.

C’est ce dernier processus, l’émission stimulée, qui donne lieu à l’effet laser (Fig.1.1).

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Fig.1.1 - L’émission stimulée.
A gauche, le système est excité (l’électron est dans un état de haute énergie S1). L’arrivée d’un photon de la bonne longueur d’onde dans un tel système va provoquer la désexcitation du système par l’émission d’un second photon de même énergie.
Crédits : P. Hirel/Spectrosciences 2008.

On parle d’"amplification de lumière" car pour un photon fourni, il en ressort deux du système. Pour que l’effet ait lieu, il faut donc un matériau dans lequel ce processus soit possible, appelé matériau à gain. Mais après que le matériau a été désexcité, il faut le réexciter pour obtenir une nouvelle émission stimulée. Ceci peut être fait en appliquant une tension électrique au matériau. De plus, les photons émis peuvent être réutilisés pour exciter les autres atomes. Le matériau à gain est donc placé dans une cavité résonnante, fermée d’un côté par un miroir semi-réfléchissant. En arrivant sur ce miroir, une partie des photons va être réfléchie vers le milieu à gain pour entretenir les émission stimulées ; c’est ce qui permet l’effet laser. L’autre partie des photons va sortir de la cavité pour former le faisceau laser (Fig.1.2).

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Fig.1.2 - Principe de fonctionnement d’un laser.
Le matériau à gain est excité par une source extérieure (un champ électrique par exemple). La cavité permet d’entretenir le phénomène d’émission stimulée, et donc d’obtenir un véritable effet laser.
Crédits : P. Hirel/Spectrosciences 2008.

Le milieu à gain peut varier d’un laser à l’autre ; les lasers utilisant des gaz sont relativement encombrants. Les solides ont une densité d’atomes bien plus élevée, et nécessitent donc un volume moindre pour obtenir l’effet laser. Ainsi dans les lecteurs optiques, ce sont des matériaux solides, souvent des semiconducteurs à gap direct [2], qui sont utilisés, car ils sont de très petite taille et donc facilement intégrable dans une tête de lecture.

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Fig.1.3 - Les interférences lumineuses.
En haut : deux ondes en phase s’ajoutent, ce sont les interférences constructives. En bas : deux ondes en opposition de phase s’annulent, ce sont les interférences destructrices.
Crédits : P.Hirel/Spectrosciences 2008.

Un laser produit une lumière cohérente, c’est-à-dire que la lumière émise est faite d’ondes qui ont toutes la même longueur d’onde et le même sens de propagation. Pour mesurer le décalage qu’il y a entre deux ondes, on parle de phase : si les deux ondes ont leur maximum en même temps, on dit qu’elles sont en phase ; si une onde a un maximum pendant que l’autre a un minimum, leurs phases sont décalées d’une demi-longueur d’onde, on dit qu’elles sont en opposition de phase ; si leurs maxima sont décalés n’importe comment, alors on dit simplement qu’elles sont déphasées.

Une propriété particulière de la lumière, lorsqu’elle est cohérente, est le phénomène d’interférencesinterférences constructives. Au contraire, deux ondes en opposition de phase vont s’annuler : on parle d’interférences destructrices. Entre les deux, les interférences vont provoquer une lumière plus ou moins intense. (Fig.1.3). Lorsque deux ondes ont des phases qui sont liées entre elles, alors elles s’ajoutent. Ainsi, deux ondes en phase vont s’ajouter pour donner une lumière encore plus intense : on parle d’

Maintenant que l’on sait émettre une lumière cohérente grâce au laser, il faut parvenir à lire les 0 et les 1 gravés sur un CD ou un DVD. La surface enregistrable de ces médias est écrite en spirale, du centre du disque vers l’extérieur. Cette piste est percée de trous, et recouverte d’un matériau réfléchissant (en général de l’aluminium), afin de réfléchir le laser vers un détecteur (Fig.1.4). Lorsque le faisceau laser est réléchi sur une zone plate (sur une bosse ou dans un creux), alors le laser est simplement réfléchi sur la couche d’aluminium, et va percuter le détecteur. Mais, dans un creux, le faisceau laser est réfléchi à deux hauteurs différentes : sur la bosse et dans le creux, parce qu’il a un certain diamètre (voir Fig.1.6). Or, les creux ont justement une profondeur égale au quart de la longueur d’onde ; en faisant un aller-retour dans le trou, l’onde parcourt donc une demi-longueur d’onde de plus (un quart à l’aller + un quart au retour), et se retrouve donc en opposition de phase par rapport à l’onde qui s’est réfléchie sur la bosse. Résultat : lorsque le faisceau laser rencontre un trou, il y a interférences destructrices, et il n’y a plus de lumière à parvenir au détecteur.

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Fig.1.4 - Lecture d’un média optique.
En haut : le laser se réfléchit sur la surface métallique, pour venir ensuite percuter le détecteur.
En bas : le faisceau laser, assez large, est réfléchi à la fois dans le creux et sur la bosse. Le creux lui conférant un déphasage d’une demi-longueur d’onde, les deux faisceaux subissent des interférences destructrices.
Crédits : P.Hirel/Spectrosciences 2008.

Dans la pratique, les interférences ne sont pas complètement constructives ou destructrices mais le phénomène est suffisamment important pour engendrer des différences notables entre les bosses et les trous : le détecteur perçoit plus de 70% de la lumière émise par le laser lorsqu’il survole une bosse, et moins de 30% lors du passage dans un trou. Lorsque le signal est constant (le détecteur reçoit de la lumière, ou il n’en reçoit presque pas) cela correspond à des 0, et lorsqu’il change (passage d’une bosse à un creux) cela correspond à un 1 (Fig.1.5).

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Fig.1.5 - Représentation schématique des bits à la surface d’un média optique.
Les 0 correspondent aux creux et aux bosses, tandis que les 1 correspondent au passage de l’un à l’autre.
Crédits : P.Hirel/Spectrosciences 2008.

Comme nous le disions plus haut, CD et DVD utilisent ce même principe pour stocker l’information. Ce qui diffère est la taille des trous, et donc la longueur d’onde des lasers utilisés pour les lire (voir Fig.1.6). Les lecteurs de CD utilisent un laser de longueur d’onde 780 nm, une lumière située dans l’infrarouge ; le plus petit trou doit donc faire au moins cette taille ; en réalité la norme impose un diamètre minimum de 800 nm. La profondeur des trous doit faire un quart de la longueur d’onde : 780nm/4 = 195nm. Pourtant, la norme spécifie une profondeur de trous de 125 nm... D’où vient la différence ? En réalité les trous ont une profondeur égale au quart de la longueur d’onde de la lumière dans le polycarbonate ! En effet, l’indice de ce milieu vaut environ 1,55 [3] et est différent de celui de l’air (environ 1), il faut donc en tenir compte pour calculer la profondeur des trous : 780nm/(4x1,55) = 125 nm. Tout s’explique !

La technologie DVD a porté la longueur d’onde du laser à 635 nm (rouge), mais a également grandement amélioré la qualité des lentilles ; le spot laser étant bien plus petit, la longueur minimale des trous est descendue à 400 nm, et la distance entre pistes voisines a également pu être considérablement réduite. Enfin, derniers arrivés sur le marché, HD-DVD et Blu-Ray utilisent tous deux un laser de 405 nm (bleu). La capacité de ces disques peut dépasser les 30 Go, répondant ainsi aux besoins de stockage de films de haute qualité.

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Fig.1.6 - Comparaison des structures d’un CD, DVD, et d’un disque Blu-Ray.
L’amélioration des lentilles, et le passage à des longueurs d’ondes toujours plus courtes, ont permis d’augmenter considérablement la densité de données sur les médias optiques.

2 - L’écriture des médias optiques : CD et DVD R et RW

Nous ne parlerons pas ici des CD ni DVD-ROM, dont les trous et bosses sont fabriqués sous presse de manière à être lus comme décrit ci-dessus, mais des médias inscriptibles et réinscriptibles par l’utilisateur, à savoir les CD-R, DVD+R ou DVD-R, et les équivalents réinscriptibles (RW). Première différence, et de taille : ces médias ne possèdent pas de trou ni de bosse. Comment alors se passent l’écriture et la lecture de ces médias ?

Dans le cas des médias réinscriptibles, dits R pour "Recordable", une couche d’aluminium permet toujours la réflexion du laser pour lire le disque. La différence est qu’elle est recouverte d’un matériau organique photosensible (Fig.2.1). En temps normal, lorsque rien n’est encore écrit sur le disque, ce matériau est transparent. Lors de l’écriture, un laser (plus puissant que le laser de lecture) va "brûler" ce matériau, le rendant opaque, aux endroits correspondant aux données à inscrire. Par la suite, la lecture se fera de manière similaire à celle décrite ci-avant : le laser de lecture se réfléchira sur la surface d’aluminium et ira frapper le détecteur, ou bien sera absorbé par le matériau organique aux endroits où il est opaque, ne réfléchissant aucune lumière vers le détecteur. Comme pour la lecture des CD-ROM décrite dans la première partie, ce sont les changements de signal (interface entre des zones transparentes et opaques) qui définissent les 1, tandis que les zones "constantes" (opaques ou transparents) codent des 0 (similaire à la Fig.1.5).

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Fig.2.1 - Conception d’un média inscriptible (R).
Lors de l’écriture (en haut), un laser va "brûler" le matériau photosensible à certains endroits, le rendant opaque. Lors de la lecture (en bas), le laser pourra ainsi être réfléchi par la couche d’aluminium (à gauche), ou bien être absorbé par le matériau devenu opaque (à droite).
Crédits : P. Hirel/Spectrosciences 2008.

Cependant, un tel disque inscriptible ne pourra pas être effacé : une fois "brûlé", il n’y a aucun moyen de faire revenir le matériau organique dans son état d’origine. Cela explique qu’on parle parfois de disques WO/RM pour "Write Once, Read Many" : on peut écrire une fois dessus, et lire autant de fois que l’on veut ensuite.

Les médias réinscriptibles (portant l’acronyme RW pour "ReWritable") utilisent une autre technologie : un matériau à transition de phase photo-induite. Avant de parler plus en avant des propriétés physiques d’un tel matériau, regardons la structure d’un média RW (Fig.2.2) : une couche d’aluminium est toujours présente pour assurer la réflexion du laser à la lecture, et le matériau à transition de phase la recouvre.

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Fig.2.2 - Structure d’un média réinscriptible (RW).
Le secret : un matériau à transition de phase (TP).
Crédits : P. Hirel/Spectrosciences 2008.
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Fig.2.3 - Deux phases du carbone à l’état solide : (a) diamant ; (b) graphite.
Deux phases, deux matériaux complètement différents.
Crédits : Wikipedia/Licence GNU.

On appelle phase d’un matériau, la manière dont sont organisés ses atomes. Les trois phases les plus connues sont les phases gazeuse, liquide et solide. Mais à l’état solide, un matériau peut se présenter sous différentes formes, ou différentes phases, qui auront des propriétés tout à fait différentes. L’exemple le plus frappant est sans doute le carbone qui peut exister sou la forme de graphite ou de diamant (Fig.2.3), qui sont deux formes -deux phases- du carbone à l’état solide [4]. Alors que le diamant est très dur, transparent à la lumière visible et ne conduit pas le courant, le graphite (utilisé dans les crayons de papier) est fragile, opaque, et conduit le courant. Les mêmes atomes, organisés différemment, peuvent donner des propriétés radicalement différentes.

Dans les médias réinscriptibles, ce n’est pas du carbone qui est utilisé, mais un alliage particulier [5], et en particulier deux phases de cet alliage : les phases cristalline et amorphe. Lorsqu’il est sous sa forme amorphe, les atomes sont disposés n’importe comment, sans ordre particulier, et ce matériau est opaque. Lorsqu’il est sous sa forme cristalline, les atomes sont ordonnés selon un arrangement particulier, et le matériau est transparent.

L’enjeu est donc de passer d’une phase à l’autre, et ce de manière réversible, pour pouvoir effacer et ré-écrire le disque à volonté. La transformation de phases du matériau est le mieux représentée sur un diagramme TTT, pour "Time-Temperature Transformation", ou Transformation en fonction du Temps et de la Température (Fig.2.4). Une telle courbe indique dans quelle phase va se trouver le matériau, en fonction de la température qu’on lui applique, et aussi du temps pendant lequel est maintenue cette température. Tf indique la température de fusion du matériau : au-dessus de cette température il est liquide, en-dessous il est solide.

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Fig.2.4 - Diagramme TTT d’un matériau à transition de phase utilisable dans un média réinscriptible.
Selon la température et le temps d’exposition, le matériau finira dans sa phase cristalline ou amorphe. Les valeurs ne sont données qu’à titre indicatif et ne correspondent à aucun matériau particulier.
Crédits : P. Hirel/Spectrosciences 2008.

Le diagramme indique des temps relativement courts, allant de la nanoseconde à la centaine de nanosecondes. Pas question donc d’utiliser un four pour chauffer le matériau, cela l’exposerait beaucoup trop longtemps. Un laser par contre, peut être activé sur des temps aussi courts : on parle alors d’impulsion laser, et on peut la choisir plus ou moins longue. Puisqu’on utilise la lumière du laser pour modifier les propriétés du matériau, on parle de transition de phase photoinduite. Pour régler la température que l’on veut imposer au matériau, il suffit alors de régler l’intensité du laser. Le réglage de tous ces paramètres permet la réalisation des opérations élémentaires sur le média réinscriptible, à savoir écrire et effacer les données (voir Fig.2.5).

Si on applique une impulsion laser très intense sur un temps très court, le matériau peut devenir liquide (au-dessus de 600 à 700°C) puis, en se refroidissant rapidement, être figé dans un état où ses atomes sont désordonnés, c’est-à-dire dans la phase amorphe. Si l’impulsion laser est moyennement intense mais dure plus longtemps, l’agitation thermique va permettre aux atomes de se réarranger vers la structure la plus stable, c’est-à-dire la structure cristalline. Par la suite, le refroidissement, trop rapide, ne leur permet plus de se désorganiser, et ils restent dans la phase cristalline.

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Fig.2.5 - Obtention des phases amorphe et cristalline dans un média réinscriptible.
A gauche : une impulsion laser très intense et brève rend le matériau liquide, désorganisant tous ses atomes ; en se refroidissant ils sont ensuite "gelés" dans cette position, donnant la phase amorphe. A droite : une impulsion laser plus longue et moins intense permet aux atomes de se réorganiser dans la structure cristalline ; par la suite le refroidissement ne leur permet pas de se désorganiser.
Crédits : P. Hirel/Spectrosciences 2008.

Pour rappel (voir Fig.2.2), le matériau à transition de phase est pris en sandwich entre deux couches de diélectrique, qui ont pour but d’éviter un réchauffement trop important du matériau à TP, et éviter sa diffusion dans les autres couches, ce qui réduirait la durée de vie du média. Ces couches diélectriques sont transparentes et n’interfèrent donc pas dans la lecture du média.

Ainsi sur la surface du CD ou du DVD réinscriptible, il y aura des parties cristallines donc transparentes, qui laisseront le laser de lecture se réfléchir sur la couche d’aluminium et aller percuter le détecteur ; et d’autres parties amorphes, absorbant la lumière, ne laissant rien parvenir jusqu’au détecteur. Ainsi sont construits les 0 et les 1 sur les médias RW.

Pour parenthèse : les CD se déclinent sous la forme de CD-R pour les inscriptibles, et CD-RW pour les réinscriptibles, tandis que les DVD existent sous les formes DVD-R ou DVD+R pour les inscriptibles, et DVD-RW et DVD+RW pour les réinscriptibles... Tous utilisent les principes physiques que nous venons de décrire, la dénomination + ou - n’est qu’une question de normes dans le chiffrement des données et le traitement du signal, qui ne nous intéresse nullement ici. Dans la pratique, les deux types de média sont équivalents : pour l’utilisateur cela ne change rien d’écrire sur un DVD+R ou -R.

Le futur du stockage : l’holographie ?

Depuis plusieurs années, un nouveau type de média optique fait couler beaucoup d’encre : le stockage holographique ou HVD (Holographic Versatile Disk). La technique consiste à enregistrer l’information dans un photopolymère (un polymère sensible à la lumière), en utilisant deux lasers : l’un dit de référence qui ne sera pas modifié, et l’autre dit de données, qui passera à travers une page de données -autrement dit ce faisceau laser passera à travers une grille contenant des points clairs et sombres, codant des 0 et des 1. Ensuite, les deux faisceaux lasers sont recombinés pour provoquer des interférences constructives et destructrices, qui vont "brûler" le photopolymère, y laissant des points sombres répartis en 3D dans la couche.

Pour lire les données enregistrées sur le disque, deux lasers sont utilisés, de longueurs d’ondes différentes (rouge et vert, ou rouge et bleu). Tandis que le laser rouge lira la piste de contrôle (pour savoir où est située l’information sur le disque), se réfléchissant sur une couche métallique comme dans les CD et DVD, l’autre laser (le même laser que le laser de contrôle utilisé pour écrire les données) se trouvera diffractée par le photopolymère, d’une manière unique liée aux données enregistrées : la page de données pourra être reconstituée. La connaissance des bits de contrôle et des données permettra ainsi de reconnaître une information unique.

Cette technique présente des avantages certains par rapport aux médias optiques "traditionnels" : la couche de données n’est plus en 2D mais en 3D, et la technique permet d’enregistrer non plus un bit par impulsion laser, mais toute une page de bits. Les constructeurs parlent de monter jusqu’à 60 000 bits en une seule impulsion, assurant des débits jusqu’à 1 Go/s. Le HVD, s’il se concrétise, arriverait sur le marché avec une capacité d’au moins 300 Go, et pouvant dépasser les 3 To les années suivantes.

Conclusion

Lasers à semiconducteurs, interférences lumineuses, transition de phase photo-induite... Ce qui était au coeur et à la pointe de la recherche dans les laboratoires de physique hier, se retrouve dans les technologies que nous utilisons aujourd’hui. De même, la recherche actuelle en physique mènera sans nul doute aux technologies que nous utiliserons demain. Pour l’utilisateur, la curiosité de savoir "comment ça marche" passe inévitablement par la compréhension physique des phénomènes.

Reste que nous n’en avons pas terminé avec les dispositifs de stockage. Quid des disques durs, des mémoires flash ? La physique impliquée dans ces technologies sera abordée dans le prochain article.

 
 
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