L'encyclopédie des Sciences
  Laurent Schartz
 
Laurent Schwartz

"Un mathématicien aux prises avec le siècle"

L'enfance

Laurent Schwartz est né en le 5 mars 1915 à Paris. Son père est chirurgien. Son enfance est en particulier marquée par des séjours à Autouillet, commune située à une quarantaine de kilomètres de Paris , qui lui permettent de développer un goût particulier pour la nature qui ne devra jamais le quitter. Sa maman, passionnée par les sciences naturelles lui transmet son goût pour l'entomologie. Il cultivera cette passion toute sa vie.

L'école

A l'école Laurent Schwartz excelle en Latin, en Grec et en Mathématiques. Son professeur de 5° disait à ses parents : " Méfiez vous on dira que votre fils est doué pour les langues alors qu'il ne s'intéresse qu'à l'aspect scientifique et mathématique des langues : il faut qu'il devienne mathématicien. " Ce n'est cependant qu'arrivé en terminale que naît son intérêt pour les mathématiques. Le déclencheur est son excellent professeur qui lui enseigne les beautés de la géométrie : la droite de Simpson, les cercles d'Euler, les coniques. Schwartz raconte : " En quinze jours, j'ai basculé dans ma nouvelle vocation. J'ai fait énormément de problèmes et lu quantité de livres de mathématiques ". Son oncle, J Hadamard aura aussi un rôle dans la naissance de cette vocation.

Les études supérieures

Lors de la préparation au concours d'entrée à l'école normale supérieure, il tombe amoureux de Marie-Hélène Lévy, la fille du fameux mathématicien Paul Lévy qui était alors professeur à l'école polytechnique. Ils se lièrent en avril 1935 alors qu'ils étaient tous deux élèves de l'ENS et décidèrent de se marier en décembre 1935. Mais en octobre de cette année, Marie-Hélène contracta une infection pulmonaire et dû partir se soigner au sanatorium de Passy en Haute-Savoie. 18 mois de séparation s'ensuivirent durant lesquels ils restèrent en contact grâce à leur correspondance. Ils se marièrent finalement en mai 1938. Ils eurent 2 enfants Marc André, un poète et écrivain qui mourut brutalement en 1971 et Claudine qui se maria avec Raoul Norbert. Tous les deux sont professeurs de Mathématiques à Grenoble.

Les années passées à l'ENS ne furent pas seulement décisives pour la carrière scientifique de Laurent Schwartz mais aussi pour son engagement politique. Il était anti-colonialiste et internationaliste. Il étudia en profondeur la géo-économie. La littérature politique laissa en lui la conviction que la police de " non-intervention " ( 1936-38) pratiquée en France par le gouvernement de Léon Blum face à la montée en puissance du nazisme, aux purges staliniennes, à la guerre civile en Espagne était totalement inefficace sinon extrêmement dangereuse. IL ne voyait par ailleurs dans le colonialisme rien d'autre que l'exploitation et l'oppression des peuples. Il cherche des solutions à ces problèmes dans les théories Trotskistes. Il crut en ces idées jusqu'à ce qu'il réalise que Trotsky avait divorcé de la réalité. Il devint alors indépendant de tout parti ( sauf pour quelques années dans les années soixante).

Un houleux début de carrière

Après avoir quitté l'ENS avec de très bons résultats, il part accomplir son service militaire ( deux ans 1937-39) comme officier. Ce service est prolongé d'un service actif d'un an pendant la guerre (1939-40). Il devint ensuite officier de réserve.
Démobilisé en août 1940, Schwartz se rend à Toulouse où ses parents habitent. Son père, qui est alors colonel de réserve du service médicale des armées, travaille comme chirurgien à l'hôpital. Schwartz devient à cette époque membre de la caisse nationale des sciences ( l'ancien CNRS ) . Une bourse fondée par Michelin lui permet de vivre de 1943 jusqu'à la fin de la guerre. La chance intervient alors pour le sauver du désert scientifique dans lequel il vit à Toulouse : Henri Cartan vient à Toulouse pour faire passer des oraux d'entrée à l'ENS. Marie Hélène qui avait traduit quelques années plutôt des travaux de Cartan, prend l'initiative de le rencontrer. Ce dernier les invite fortement à déménager pour la faculté de Clermont Ferrand, qui est alors jumelée avec celle de Strasbourg. Le changement fut très bénéfique. Ce fut à Clermont qu'il rencontra André Weil et le collectif Bourbaki. Ces derniers le stimulèrent suffisamment pour qu'il finisse sa thèse de doctorat en deux ans.

La guerre

Pendant que ses recherches progressaient, la guerre battait son plein. Sa santé fragile l'empêche de joindre la résistance. L'inefficacité du mouvement trotskiste le rempli de frustration. Deux étudiants finissent leur thèse en même temps que Schwartz à Clermont : Felbau, un étudiant d'Ehresmann et Gorny, un réfugié politique qui travaillait avec Mandelbrojt. Feldau fut déporté à Auschwitz en novembre 1943 et Gorny à Drancy. On ne les revit jamais. Schwartz risqua aussi la déportation à cause de ses origines juives et comme Trotskiste. Le couple dut adopter une fausse identité (à consonance protestante: Laurent-Marie Sélimartin à la place de Laurent-Moïse Schwartz et Marie-Hélène Lengé ) et durent se cacher suffisamment pour échapper à la détection par les nazis. Il est absolument incroyable qu 'après avoir vécu de tels problèmes de survie, Schwartz pu faire naître l'idée des distributions ( en 1944-45, juste avant la fin de la guerre).

Les distibutions

Cette théorie allait éclairer les mystères de la fonction de Heaviside ainsi que ceux de la fonction Delta de Dirac. Elle allait ouvrir les portes de la théorie des transformées de Fourier et devenir d'une importance capitale pour l'étude des équations aux dérivées partielles. Les idées de Schwartz ont la simplicité et l'évidence des travaux de grande classe. Le manuscrit sur l' " invention des distributions " est un exemple d'extraordinaire habileté à présenter les mathématiques. C'est un modèle de compréhension et de synthèse des travaux antérieurs de tout ses prédécesseurs dans ce champs des mathématiques. Schwartz raconte qu'il a découvert les principaux théorèmes sur les distributions en une seule nuit, qui fut, avec une autre ou il captura 450 papillons intéressants une des deux plus belles de sa vie .
" L'invention des distributions eut lieu à Paris, au début de novembre 1944. La découverte, subite, se produisit en une seule nuit. C'est là un phénomène assez fréquent, que j'ai vécu plusieurs fois dans ma vie. L'image de la découverte est bien différente de celle que le grand public se représente : selon lui, on progresse du début à la fin par des raisonnements rigoureux, parfaitement linéaires, dans un ordre bien déterminé et unique qui correspond à la logique parfaite. Les zigzags lui sont inconnus. C'est dommage. Cela rend les mathématiques (et toutes les sciences) trop rigides, moins humaines, plus inaccessibles, puisqu'elles ne donnent pas le droit à l'hésitation et à l'erreur. " Harald Bohr a présenté Laurent Schwartz pour la médaille Fields au congrès international de Harvard le 30 août 1950 pour ce travail sur les distributions.

L'école polytechnique

Après une année à Grenoble (1944) Schwartz rejoint l'université de Nancy (1945) sur l'initiative de Delsarte et de Dieudonné. IL restera pendant 7 très prolifiques années sur ce poste. Prolifique à la fois au niveau de la recherche mais aussi au niveau des cours. Les cours de Laurent Schwartz attirent ainsi de brillants étudiants comme B.Malgrange, J.P. Lions, F.Bruhat et A.Grothendieck. Sur l'initiative de Denjoy, il passe de Nancy à la Sorbonne en 1952 puis devient en 1958 professeur à l'école polytechnique. Il modernise les programmes de l'école il conçoit un florissant centre de recherche mathématique.

L'engagement politique

Laurent Schwartz a eu une forte activité politique tout au long de sa vie, au point même que pendant la guerre d'Algérie il doit sacrifier la recherche. Il lutte en particulier contre la torture systématique pendant cette période. Il est le fondateur du comité " Maurice Audin ". Maurice Audin, communiste et alors en troisième année de son doctorat de Mathématiques est arrêté par la police et meurt dans des circonstances étranges lors d'un interrogatoire. Le comité demande la clarification de la mort du jeune mathématicien. Laurent Schwarz écrivit un article célèbre dans l'express sur " la révolte des universités contre la pratique de la torture par le gouvernement". Sa photo apparaît sur la couverture et l'article gagna l'attention du grand public. Cependant Schwartz dit : " j'ai fait beaucoup de politique par devoir, car la politique ne m'intéresse pas : mes trois passions sont la recherche, l'enseignement et l'entomologie ; sur une île déserte, je m'y adonnerais encore. "

Ref:

  • Les mathématiciens - coll Pour la science.
  • Autobiographie de Laurent Schwartz: " Un mathématicien aux prises avec le siècle" chez Odile Jacob

 

 
 
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