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  La génomique en sciences végétales : enjeux et perspectives
 
La génomique en sciences végétales : enjeux et perspectives

Par Guillaume Calu
Publié le mercredi 29 novembre 2006. Dernière modification le mercredi 29 novembre 2006. 
Le récent séquençage du génome du Peuplier (Populus trichocarpa) comme arbre modèle vient s’ajouter à ceux de l’arabette (Arabidopsis thaliana) et du riz (Oryza sativa), livrant de nombreuses informations sur l’organisation et l’évolution de ces génomes. Cependant, le travail ne s’arrête pas là. D’autres perspectives se présentent désormais aux biologistes, afin d’enrichir nos bases de données génomiques et d’améliorer nos connaissances des modèles végétaux.

 

Une autre plante modèle, Medicago truncatula, pourrait bien ainsi devenir la quatrième espèce végétale à dévoiler son génome. Cette légumineuse, diploïde et autogame, possède un génome de 450 Mb, soit 3 à 4 fois celui d’ A. thaliana et à peu près équivalent à celui d’ O. sativa. Membre du groupe botanique des Galégoïdes (contenant les luzernes et les trèfles), elle se rapproche donc étroitement des légumineuses cultivées et a déjà été retenue aux Etats-Unis comme plante modèle [1] . Un programme de recherche ambitieux s’est mis en place des deux côtés de l’Atlantique, associant laboratoires français et américains. Les enjeux de cette étude sont essentiels pour l’agriculture de demain : en effet, les légumineuses sont capables de fixer l’azote à l’aide de bactéries symbiotiques, Rhizobium. Par conséquent, elles peuvent se passer d’engrais azotés au cours de leur croissance. Riches en protéines, elles représentent également une alimentation de choix aussi bien pour les animaux que pour l’homme. Enfin, le développement des cultures de légumineuses favorise une culture moins polluante, car moins gourmande en engrais azotés. Il ne faut pas perdre de vue que pour une tonne d’engrais produits et répandus, deux équivalents-pétrole sont consommés ...

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Grappe de raisin
Photo A. Tardif (2005). Côte d’Or (Bourgogne)

La vigne (Vitis vinifera) sera-t-elle la future cinquième plante au génome entièrement séquencé ? Espèce végétale d’intérêt agronomique fort (8% des terres agricoles cultivées en France), fleuron de notre patrimoine (domaines viticoles de réputation mondiale, appellations d’origine contrôlée ...), la biologie de la vigne n’en fait pas pour autant un bon organisme modèle (plante pérenne, cycle de reproduction long, génome très hétérozygote). Le séquençage de son génome pourrait cependant permettre de mieux maîtriser sa culture, en ouvrant de nouveaux axes de recherche sur sa tolérance aux stress abiotiques, la maturation et la qualité de ses grappes, ou encore ses mécanismes de résistances aux pathogènes ... Actuellement, près de 40% des produits phytosanitaires sont déversés sur les vignobles. Certains agents, comme les sels d’arsenic, sont désormais interdits - à juste titre - par l’Union Européenne. Mais dans le cadre de la lutte anti-fongique, cette décision pose de véritables problèmes sur le terrain, en privant l’exploitant d’un moyen efficace de traitement des vignes, menaçant ainsi 80% du vignoble bordelais (la solution est alors de recéper, détruisant les vieilles vignes de qualité pour les remplacer par de jeunes vignes donnant un vin au goût « vert » moins intéressant). Enfin, l’accumulation d’agents phytosanitaires entraîne une inhibition des levures utilisées pour la fermentation et leur présence dans le vin menace la santé du consommateur. Dans ces conditions, l’utilisation de variétés plus résistantes aux pathogènes, parallèlement à des outils agronomiques de lutte résonnée (contrôle des traitements en fonction de modèles prédictifs basés sur l’étude des facteurs abiotiques et biotiques conçus pour chaque vignoble), pourrait permettre de réduire sensiblement l’utilisation de produits phytosanitaires et de lutter plus efficacement contre les agents pathogènes. Mais pourquoi, pour se faire, ne pas employer plutôt des méthodes génétiques classiques ? Tout d’abord, en raison de la biologie de la vigne, contraignante, de la durée excessive des techniques (en raison des backcross [2] ralentissant la sélection), de la perte de qualités organoleptiques, et enfin de la législation AOC, très réticente sur l’utilisation d’hybrides ! Quelles stratégies d’amélioration génétique pourraient être mises en œuvre ? L’approche génétique peut se révéler fine : il est possible d’ajouter un caractère particulier, tout en garantissant une perturbation la plus faible possible du reste du phénotype de la plante. Actuellement, la culture de cépages génétiquement modifiés n’est pas autorisée en France. Mais l’amélioration végétale de la vigne a toutefois fait l’objet d’investigations. Citons pour exemple les portes-greffes GM et les cépages GM.  Les portes-greffe GM, développés par l’INRA de Colmar, visent à protéger la vigne du virus du Court-Noué. Transmis par un nématode piqueur du sol (Xiphinema index), ce virus peut être stoppé par transfert d’un gène viral dans le génome végétal (Lomonossof, 1995). A partir de ces connaissances théoriques, les chercheurs de l’Inra Colmar ont inséré chez 4 variétés de porte-greffes un gène de protéine de la coque virale (transgénèse par Agrobacterium tumefaciens sur cultures cellulaires, puis régénération de la plante entière). Les porte-greffe GM obtenus sont testés en plein champ (avec des greffons non transformés du cépage Chardonnay), afin de sélectionner les mutants présentant assez de résistance au court-noué, de vérifier que les transformants possèdent toujours les autres propriétés culturales de la variété d’origine, et d’estimer les facteurs de biosécurité [3] . Une des approches menées dans le cadre de l’amélioration des cépages visait à augmenter la résistance à Botrytis sp. sur des vignes sensibles [4] . Lors de travaux de transgenèse végétale (Coutos-Thévenot et al., 2001), un gène issu de la vigne « Rupestris » et codant pour la stilbène synthase a été inséré dans le génome des cépages transformés. Cette enzyme est à l’origine de la biosynthèse du resveratrol, molécule impliquée dans la réponse de la plante aux pathogènes et bien connue des consommateurs sous le nom de polyol, dont les vertus bénéfiques pour la santé ne sont plus à démontrer. En utilisant un promoteur de gènes PR (protéines impliquées dans la résistance aux pathogènes), le gène inséré est activé en présence du champignon. Lors des tests en laboratoire, les cépages GM ainsi obtenus avaient une tolérance accrue pour de nombreux pathogènes (la stratégie présente l’avantage de ne pas être spécifique). De plus, l’activation d’une chaîne métabolique produisant des composés non toxiques pour le consommateur présente un atout sérieux pour la validation de cépages GM.

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Le resvératrol

L’attrait génomique en sciences végétales ne se limite pas seulement aux plantes, mais également à leurs hôtes et parasites. Le génome de Rhizobium leguminosarum (bactérie fixatrice d’azote) a ainsi été séquencé en 2005. Une fois le séquençage du génome de M. truncatula achevé, ces eux données pourraient bien se révéler riches en enseignements sur les relations génétiques intimes entre la plante et son hôte symbiotique. D’autres séquençages ont été menés chez d’autres bactéries d’intérêt agronomique, comme Agrobacterium tumefaciens, Sinorhizobium meliloti, ou encore Mesorhizobium loti. Dans le cas d’études pathologiques, déterminer le génome d’un phytoparasite peut se révéler une véritable aubaine pour concevoir de nouvelles armes de lutte. Depuis 2004, par exemple, le génome de l’agent fongique de la Mort Subite du Chêne Phytophthora ramorum, a été séquencé par une équipe américaine. Ces données ont permis la mise au point d’une méthode de routine d’identification des populations de Phytophtora en comparant leurs séquences microsatellites SSRs (Single Sequence Repeats) (Garcina et al., 2006) D’autres génomes de pathogènes fongiques ont été également séquencés : Magnaporthe grisea, Fusarium graminearum, Cochliobolus (données privées), Botrytis cinerea ou encore Neurospora crassa. Parmi les utilisations de ces données, l’étude des gènes codant pour les NRPS (biosynthèse de toxines spécifiques) présente un intérêt fort chez les champignons nécrotrophes. Lorsque ces champignons pénètrent la feuille et colonisent les tissus végétaux, ils sécrètent différentes toxines, spécifiques ou non des hôtes infectés, et induisent une nécrose locale des tissus. Parmi ces toxines, les pentapeptides cycliques (toxines spécifiques présentes chez Cochliobolus sp. et chez Alternaria sp.) sont peut-être les plus surprenantes. En effet, ces molécules sont produites non pas par des ribosomes, mais par ces enzymes géantes appelées Non Ribosomal Peptide Synthétase (NRPS). Ces protéines monomériques, pouvant faire jusqu’à 792 kDa, sont codées par des ARNm gigantesques (de l’ordre de 20000 pb). Structurellement, elles comprennent un module d’initiation, plusieurs modules d’élongation, et un module terminal. Chaque module d’élongation est spécifique d’un acide aminé donné, et leur nombre est proportionnel au nombre de résidus cyclisés dans la toxine. A cet ensemble viennent s’ajouter des modules annexes pour la méthylation ou l’épimérisation des acides aminés. Les NRPS sont codées sur des loci particuliers, comme le locus TOX-2 de C. carbonum, parfois présents sur des chromosomes dispensables. Grâce aux données issues du séquençage de génomes fongiques, des bases de données ont été réalisées afin de permettre la recherche de gènes codant pour les NRPS et d’estimer quels acides aminés peuvent être élicités par les sites catalytiques des modules. Pour l’instant, ces méthodes bioinformatiques ne sont pas toujours efficaces, et nécessiteraient plus de données génomiques afin d’être améliorées.

Avec le séquençage du génome du Peuplier, celui du champignon responsable de la rouille foliaire du Peuplier, Melampsora larici-populina, présentera-t-il un cas d’étude génétique approfondie des relations entre un hôte et son parasite ? La proposition de l’INRA Nancy a été retenue par le Département d’Etat à l’Energie des USA, et son laboratoire IaM (Interactions Arbres/Micro-Organismes) coordonnera le projet.

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Laccaire (Laccaria bicolor)
Photo D. Vairelles ©INRA. Reproduit avec l’aimable autorisation du Dr. F. Martin

Dernier exemple, enfin, le génome du laccaire (Laccaria bicolor) a été séquencé cette année (INRA, 2006) après trois ans d’efforts, dans le cadre d’un programme international engageant aux côtés d’autres laboratoires européens et américains les deux organismes précédemment cités. Ce champignon ectomycorhizien vivant en symbiose avec de nombreuses essences d’arbres (dont notamment le Sapin de Douglas) assure la nutrition minérale en azote de l’arbre, qui en échange lui fournit du carbone organique. L’inventaire de ses 20.000 gènes permettra d’accélérer les recherches menées sur la biologie des champignons et des arbres associés : l’INRA espère ainsi, grâce à ces données génétiques, approfondir l’étude de la formation et du fonctionnement des symbioses racinaires, le développement des fructifications comestibles, mais également proposer de nouvelles pistes de réflexion sur l’écologie des champignons forestiers ou encore leur implication dans les cycles biogéochimiques.

 
 
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