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  Protection des Végétaux : stimuler l’immunité des plantes
 
Protection des Végétaux : stimuler l’immunité des plantes

Par Yvan Poirier
Publié le mercredi 5 septembre 2007. Dernière modification le vendredi 24 août 2007. 
Les végétaux doivent faire face à une multitude d’agressions d’ordre abiotique (sécheresse, températures extrêmes...) et d’ordre biotique (ravageurs, maladies). La capacité des plantes à "survivre" dans cet environnement changeant, et à mettre en place des mécanismes de défense, de tolérance à cet ensemble de stress peut être améliorée par l’utilisation de Stimulateurs de Défenses Naturelles (SDN) aux origines diverses (végétal, issus de microorganismes...) et aux modes d’action parfois mal connus.

 

Qu’est qu’un SDN, aussi nommé éliciteur ? "Elicit" signifie provoquer en anglais. Dans le cas des végétaux, il s’agit de provoquer ou induire la résistance face aux maladies. Les éliciteurs agissent comme des molécules qui vont être reconnues par la plante à leur contact et qui vont enclencher les mécanismes de défense, on parle aussi de résistance induite. En effet, il semble d’après les connaissances actuelles que les végétaux possèdent tous un arsenal de défense leur permettant de se protéger mais qu’il suffirait de l’enclencher, par l’utilisation de SDN par exemple. Les SDN, présentent un spectre large d’action concernant les maladies, les ravageurs et améliorent dans certains cas la tolérance aux stress climatiques.

Petit Historique

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Symptômes de bactérioses sur tomates (taches noires et chancres superficiels).
Crédits : ja.web-agri.fr(2001)

Au cours des années quatre vingt ont été développées les premières substances d’origine synthétique revendiquant un mode d’action de type SDN comme le probénazole, SDN ancestral utilisé en conditions de productions pour protéger le riz de la pyriculariose. Quant à la molécule synthétique de type SDN la plus récente il s’agit d’un analogue de l’acide salicylique, l’acibenzolar-S-méthyl (ASM) ou encore nommé BTH, et se présente comme le principe actif de la spécialité commerciale Bion®. En France, Bion® (Novartis) est homologué pour le blé dans la lutte contre l’oïdium mais aussi pour la tomate contre la moucheture bactérienne.

Ce n’est qu’en octobre 2002, que la première spécialité en France à base d’un éliciteur naturel est homologuée par la société Goemar. Il s’agit du Iodus®40 dont le principe actif est la laminarine, extraite d’algues brunes marines (Laminaria digitata) et il est donc homologué en grandes cultures pour le blé dans la lutte contre les phytopathogènes comme l’oïdium, la septoriose ou encore le piétin-verse.

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Le Fenugrec (Trigonella foenum-graecum, Fabaceae)

En février 2005, une autre molécule phytosanitaire d’origine naturelle et de type SDN est commercialisée : il s’agit du Stifénia®, homologué en France sur vigne dans la lutte contre l’oïdium. Stifénia® est un produit naturel puisqu’il est extrait d’une graine principalement cultivée en Afrique, le fenugrec, légumineuse semblable à la luzerne. Ses avantages sont, son origine naturelle mais aussi sa non-toxicité pour l’Environnement, biodégradable et surtout non rémanent, permettant la récolte du raisin dans les heures suivant l’application contrairement aux traitements phytosanitaires conventionnels. En outre, Stifénia®, par des traitements réguliers de la vigne, améliorerait la qualité du vin vis-à-vis de la présence d’une toxine, l’ochratoxine dont la dose serait alors réduite de 50%. Ce produit à base de fenugrec est aussi employé hors de nos frontières sur d’autres cultures fruitières et légumières mais aussi sur vigne où il aurait aussi une action contre le mildiou ou encore l’esca de la vigne. Au Maroc, on l’utilise sur les fraisiers, en Espagne et au Liban pour les tomates...Un autre point spécifique très important et faisant souvent défaut aux pesticides conventionnels repose sur le fait que Stifénia® est 100% non toxique vis-à-vis des insectes pollinisateurs et auxiliaires de culture, insectes bénéfiques garants de meilleurs rendements agricoles par la pollinisation.

Depuis 2005, aucune homologation concernant des SDN n’a vu le jour alors qu’au travers de la littérature on sait qu’il existe un florilège de molécules naturelles inductrices des réactions de défense et permettant la protection des plantes contre leurs pathogènes. De nombreuses perspectives s’offrent donc aux laboratoires publics et privés afin de développer dans les années à venir de nouveaux produits de type SDN.

Eliciteur et potentialisateur : deux notions distinctes

Parmi la famille des stimulateurs de défense naturelle, il faut différencier les éliciteurs des potentialisateurs :

 Les éliciteurs comme l’ASM entraînent, une fois appliqués, des réactions de défense qu’il y ait ou non présence de pathogènes.
 Les potentialisateurs, comme le BABA ne déclenchent après application que les premières étapes de la résistance induite : il s’agit du "priming". Le potentialisateur va donc permettre lors d’une attaque ultérieure une réponse plus rapide et efficace de la part de la plante.

Quelques exemples

Les SDN ont donc d’abord une origine naturelle : de végétale à minérale en passant par microbienne. Cette liste non exhaustive rend compte de la diversité de l’origine des SDN dont nous allons voir par la suite les applications agronomiques même si la plupart des exemples qui suivent ne sont pas homologués et se retrouvent pour certains intégrés dans la formulation de fertilisants.

On peut citer la laminarine issue d’algues et principe actif du IODUS® et le fenugrec (Stifénia®), SDN homologués et décrits précédemment, mais aussi le chitosane issu des crustacés (voir ci-dessous), les extraits fongiques de Penicillium ou les extraits végétaux de Reynoutria, les phosphites d’origine minérale, ...

Reynoutria sachalinensis, dont l’extrait est la molécule active du Milsana®, provoque après application la synthèse de novo de phytoalexines chez les végétaux traités. En Allemagne, il est employé dans la lutte contre les oïdiums, ainsi qu’en Amérique du Nord contre le mildiou dans les cultures ornementales, fruitières et légumières.

Les brassinostéroïdes, classe d’hormones végétales découvertes depuis peu, jouent aussi un rôle dans la résistance des plantes aux maladies. Ils entraîneraient des réponses de défense indépendantes de la SAR (Systemic Resistance Acquired) et de l’acide salicylique.

Les vitamines comme la riboflavine et la thiamine présenteraient aussi un intérêt dans l’induction des mécanismes de défenses des plantes.

L’extrait de Trichoderma harzianum est employé dans la lutte contre Fusarium oxysporum en cultures légumières. En effet, les protéines secrétées (enzymes hydrolytiques : hydrolases ou cellulases) par divers microorganismes sont capables de stimuler les réactions de défense végétales.

L’harpine, protéine bactérienne est le premier éliciteur de cette origine a avoir mis en avant une action SDN et se présente comme le principe actif de Messenger®. Découverte en 1992, aux Etats Unis et isolée de Erwinia amylovora, bactérie responsable du feu bactérien chez les Maloïdées, elle est employée aux Etats-Unis et en Espagne depuis 2004 sur cultures légumières.

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Effets du feu bactérien sur des pommiers.
Crédits : Ed Barszcz / Queen’s Printer for Ontario (2007)

Enfin, une dernière "arme naturelle" pour les plantes, le chitosane. Il s’agit d’un polysaccharide de haut poids moléculaire composé principalement d’unités répétées de ß-(1,4)-2-amino-2-deoxy-D-glucosamine, provenant de carapaces de crustacés. Son action SDN sur les plantes traitées amène à un accroissement de l’activité de la PAL (Phényl Ammonia Lyase) et des peroxydases entraînant une lignification pariétale accrue mais aussi la néosynthèse de phytoalexines. Des expérimentations en France en conditions de production ont permis de mettre en évidence la protection préventive et curative conférée par l’application foliaire de cette substance sur vigne dans la lutte contre la pourriture grise (Botrytis cinerea).

S’ajoute à ces premières, les substances d’origine synthétique.

L’acide salicylique a un rôle clé dans les mécanismes de défense des végétaux et s’est présenté avec ses dérivés (INA) comme ayant une action préventive dans la protection des plantes. Cependant, leur phytotoxicité n’a permis leur développement. Seul l’ASM, décrit précédemment a profité d’un développement commercial et d’une homologation. Le BABA ou acide ß-aminobutyrique, acide aminé non protéique, est largement utilisé comme l’ASM dans le domaine de la recherche afin de mieux comprendre les mécanismes de résistance induite. Le BABA a une efficacité démontrée sur un certain nombre de couples hôte-pathogène et se présente comme un potentialisateur et non un éliciteur.

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Test de protection au mildiou sur disques foliaires de vigne en présence d’une concentration croissante de potentialisateur BABA
Les éliciteurs, comme les potentialisateurs font partie de la famille des stimulateurs des défenses naturelles des plantes. Attention cependant, certains éliciteurs se comportent comme des potentialisateurs lorsqu’ils sont appliqués à faible dose. Ici l’effet du Baba est très marqué contre le mildiou sur les disques foliaires. (© Unité mixte de recherche Inra, Université de Bourgogne, Cnrs, Dijon, Xavier Daire)

Mode d’action des SDN

Les végétaux possèdent, de part leur inaptitude au mouvement, des systèmes de défense constitutifs et inductibles. Constitutifs, c’est-à-dire qu’ils possèdent des barrières préexistantes physiques (cuticule) et antimicrobiennes (phytoanticipines, apposition de lignine avec la formation de papilles) à l’invasion pathogène. Mais, aussi inductibles, déclenchables et complémentaires des défenses constitutives, citons la production de molécules antimicrobiennes comme les phytoalexines, les formes actives oxygénées...qui renforcent la résistance des plantes après reconnaissance du pathogène. L’interaction existante entre une plante et une maladie peut s’illustrer comme une véritable "course aux armes". En effet, des deux côtés, ces deux acteurs possèdent un arsenal à la fois offensif et défensif. L’utilisation et l’application de fongicides conventionnels pour protéger les cultures a entraîné des contournements de résistance de la part des bioagresseurs. A force d’utiliser la même matière active contre telle ou telle maladie, les pathogènes ont évolué et se sont adaptés pour la survie, comme on peut le voir chez l’Homme avec l’utilisation des antibiotiques. L’exemple actuel et grandissant est celui de la résistance des souches de septoriose du blé tendre aux strobilurines. En effet, ces dernières années, la résistance de la septoriose du blé à ce type de matière active serait passée de moins de 50% à plus de 80% en moyenne, mettant ainsi en cause l’évolution et l’adaptation des souches phytopathogènes.

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Les stimulateurs de défense naturelle, une alternative aux pesticides ?

Discussion

Les SDN font partie de la famille des biopesticides d’origine végétale. Ils se caractérisent par une toxicité nulle pour l’utilisateur et l’Environnement aux doses préconisées et appliquées, et par un mode d’action non directe sur les pathogènes contrairement aux fongicides conventionnels. En effet, les études récentes sur la grande famille des pesticides représentant le "tout chimique" en Agriculture, sont édifiantes : la France est le premier consommateur européen et troisième au niveau mondial de pesticides avec environ 80 000 tonnes de substances actives par an, on a retrouvé dans les fruits et légumes des résidus de pesticides interdits dont plus de quatre à cinq résidus différents (endosulfan, parathion-éthyl, Dialifos)...alors qu’on préconise de continuer à manger des fruits et légumes, 48% des aliments français contiennent des pesticides dont 4% au dessus des Limites Maximales en résidus. Ces SDN, comme tout produit phytosanitaire, doivent passer cependant par une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM) pour être commercialisés, procédure lourde et onéreuse. Aujourd’hui, il n’existe que peu de SDN commercialisés en France comme IODUS®40 à base d’algues marines et distribué par la société Goëmar.

Les SDN sont donc une alternative intéressante et émergente à l’utilisation des pesticides conventionnels en Agriculture mais nécessitent d’amples recherches et méritent une attention particulière tant au niveau du jardinier amateur que du professionnel.

 
 
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