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  Le chimiotactisme chez les bactéries
 
Le chimiotactisme chez les bactéries

Par Guillaume Calu
Publié le mercredi 15 février 2006. Dernière modification le mardi 23 janvier 2007. 
Le chimiotactisme des bactéries est une observation fascinante, qu’il serait faux d’assimiler à un comportement "conscient". Ce mécanisme correspond à un enchaînement de phosphorylations moléculaires complexe, permettant d’influancer la rotation des flagelles, et donc la direction de la course de la bactérie.

 

Introduction

Certaines bactéries, capables de se mouvoir, sont attirées par les nutriments (sucres, acides aminés) et repoussées par des substances toxiques ou nuisibles. Cette propriété, appelée chimiotactisme, est définie comme un mouvement orienté vers ou dans le sens opposé d’une substance chimique. Un tel comportement est évidemment avantageux pour la bactérie, qui pourra ainsi rechercher des nutriments ou éviter d’entrer en contact avec des toxines. Cependant ce comportement reste une réponse à un gradient chimique, auquel la bactérie répond suite à une cascade moléculaire. En aucun cas, il ne faut dire que la bactérie « choisit » son chemin, mais plutôt qu’elle modifie la direction de sa course selon son environnement chimique !

Mise en évidence

Deux types de substances sont ainsi désignées selon leurs effets sur le chimiotactisme : les substances attractives (chimiotactisme positif) et les substances répulsives (chimiotactisme négatif). Le chimiotactisme peut être démontré par l’utilisation de milieux permettant le mouvement des bactéries (géloses, bactéries en suspension) et par l’utilisation de blocs d’agars imprégnés de solutions de molécules testées (figure 1) :

Chimiotactisme positif chez Escherichia coli. Sur gélose, on dépose 2 acides aminés (sérine à droite et aspartate à gauche). Les bactéries sont déposées au niveau de la tâche la plus petite. La migration est forte vers l’aspartate, qui donne une forte colonie (en noir). La migration plus faible vers ser (tache moyenne à droite) peut être attribuée à des mutants mobiles mais non chimiotactiques. Les mutants non mobiles sont restés sur le dépôt (petite colonie).

 

Chimiotactisme négatif chez E. coli. Dépôt de blocs d’agar imprégnés d’acétate (en rouge). La concentration d’acétate est variable (0 à 3 M). Les bactéries se déplacent beaucoup plus si l’acétate est très concentré et forment en conséquence des halos de plus en plus larges.

Figure 1 : expériences autour du chimiotactisme. Rapporté d’après Prescott, 2003.

Comportement chimiotactique

Les bactéries peuvent répondre à des concentrations faibles (10-8 M pour certains sucres) de nutriments. L’ampleur de la réponse augmente avec la concentration de la substance. Si deux substances présentes créent chacune un comportement chimiotactique, la bactérie répondra à la substance à la concentration la plus forte.

Le comportement chimiotactique des bactéries peut être étudié au microscope, en utilisant un système capable de toujours garder la bactérie dans le champ de vision. Ce type d’expériences a abouti aux observations suivantes (figure 2) :

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Figure 2 : observation au microscope du mouvement d’une bactérie

Les bactéries effectuent des déplacements en ligne droite, appelés courses. Puis, elles s’arrêtent quelques secondes et culbutent pour changer de direction.

Ce comportement est donc influencé dans le temps : la bactérie « analyse » son environnement actuel assez régulièrement pour pouvoir modifier son orientation, après avoir gardé « en mémoire » les résultats de la dernière « analyse ». Le nombre de culbutes est également relié à la présence ou non d’un comportement de chimiotactismes : en effet, en conditions normales, la fréquence de culbutes est importante et la bactérie a un mouvement aléatoire. En revanche, en présence de substances, la bactérie va agir de deux manières différentes :

 Si la concentration d’une substance attractive augmente, le nombre de culbutes diminue.
 Si la concentration d’une substance répulsive augmente, le nombre de culbutes va augmenter.

Les chimiorécepteurs, l’exemple du récepteur MCP

Ces protéines détectent les substances attractives et répulsives. Actuellement, 20 chimiorécepteurs de substances positives et 10 chimiorécepteurs de substances négatives sont connus (Prescott et al., 2003). Ils sont capables d’induire une réponse en 200 ms en présence de ligand.

Leurs mécanismes (figure 3) sont complexes, et un des exemples les plus étudiés est celui des MCP (protéines chimiotactiques accepteuses de méthyle) chez E. coli. Les MCP peuvent reconnaître divers nutriments comme la sérine, l’aspartate, le maltose, le ribose, le galactose et des dipeptides.

Un complexe complet comprend un dimère de MCP, 2 molécules CheW monomériques, et un dimère de CheA. Il est alors appelé counterclockwise (ccw) s’il aboutit à une rotation anti-horaire du flagelle et clockwise (cw) si la rotation du flagelle est horaire.

La chaîne de cascades moléculaires correspond à la phosphorylation de différentes protéines Che :

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Figure 3 : mécanisme du complexe du complexe chimiorécepteur MCP - CheW - CheA chez E. coli (rapporté d’après Prescott, 2003)

Si le récepteur MCP est libre, la protéine stimule l’autophosphorylation de la kinase CheA, qui ainsi activée va phosphoryler deux enzymes : CheB (une méthylestérase) et CheY (protéine régulatrice de réponse). CheY phosphorylée est alors dans une conformation active. Elle migre vers le flagelle et va interagir à sa base avec la protéine-interrupteur FliM. Le flagelle en conséquence tourne dans le sens horaire et entraîne un mouvement de culbute.

Si le récepteur MCP est associé à son ligand, CheA et CheY sont déphosphorylés. La déphosphorylation de CheA est catalysée par CheZ. L’absence de fixation de CheY sur FliM permet au flagelle de tourner dans le sens antihoraire. Le mouvement résultant est une course.

Le temps de vie très court de CheY phosphorylée permet à la bactérie de répondre très vite aux changements de concentration des chimioattracteurs.

Mais cette simple présentation ne suffit pas à comprendre parfaitement le mécanisme moléculaire. En effet, à ce premier schéma de fixation ou non du ligand, apparaît une seconde condition, brièvement présentée dans la figure 3 : le récepteur MCP peut être présent sous une forme bi-méthylée ou mono-méthylée, influençant la réponse moléculaire :

La méthylation des récepteurs MCP est catalysée par CheR, qui à l’aide du co-enzyme S-adenosylméthionine (AdoMet) vient transférer un groupement méthyle supplémentaire sur un résidu glutamate du récepteur (Grebe & Stock, 1998). Sa cinétique catalytique est assez constante, quelle que soit la concentration molaire d’attracteur. CheB phosphorylé présente une activité méthylestérase, permettant de déméthyler les résidus glutamates. Si le récepteur MCP est associée à son ligand, le complexe est méthylé par CheR. Mais ce complexe récepteur-ligand présente alos une mauvaise affinité pour la méthylestérase CheB active. Il faut donc que le complexe soit dissocié pour que l’enzyme CheB phosphorylé puisse déméthyler le récepteur MCP. Par conséquent, la méthylation du récepteur MCP est favorisée par la fixation de son ligand, et inversement sa déméthylation est favorisée par la dissociation du complexe récepteur-ligand (figure 4).

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Figure 4 : mécanisme de chimiotactisme en fonction de la méthylation de MCP et de la présence de nutriment

Conclusion

Le chimiotactisme est donc un comportement utile à la bactérie, puisqu’il leur permet de se rapprocher de sources de nutriments et de fuir un environnement moléculaire défavorable. Son mécanisme répond à des régulations moléculaires complexes, jouant à la fois sur la fixation de molécules chimiotactiques et sur la méthylation du récepteur.

 
 
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