L'encyclopédie des Sciences
  Algébre Ensembliste
 

Nous allons aborder sur ce site l'étude des structures ensemblistes de manière très pragmatique (puisque rappelons que ce site est dédié aux ingénieurs). Ainsi, il sera fait usage du minimum de formalisme et seulement les démonstrations des éléments que nous considérons comme absolument essentiels à l'ingénieur seront présentées. Par ailleurs, de nombreuses démonstrations seront faites par l'exemple et nous nous focaliserons en grande partie sur la théorie algébrique des groupes car elle a une place prédominant en physique plus que pour les autres structures ensembliste.

ALGÉBRE ET GÉOMéTRIE CORPORELLE

Les symétries des figures géométriques, des cristaux et de tous les autres objets de la physique macroscopique font l'objet depuis des siècles d'observations et d’études. En termes modernes, les symétries d'un objet donné forment un groupe.

Depuis le milieu du 19ème siècle, la théorie des groupes a pris une extension énorme, et ses applications à la mécanique quantique et à la théorie des particules élémentaires se sont développées tout au long du 20ème siècle.

Dans une lettre de 1877 au mathématicien Adolph Mayer, Sophus Lie écrit qu'il a crée la théorie des groupes en janvier 1873. Il s'agit bien sûr des groupes qu'il appelait "groupes continus" et qui sont appelés aujourd'hui "groupes de Lie". Lie cherchait à étendre l'usage des groupes du domaine des équations algébriques, où Galois les avait introduits, à celui des équations différentielles.

Dès 1871, la notion de générateur infinitésimal d'un groupe à un paramètre de transformations était apparue dans son œuvre. C'est l'ensemble des générateurs infinitésimaux des sous-groupes à un paramètre d'un groupe continu qui forme ce que nous appelons aujourd'hui une algèbre de Lie.

Ce furent Wigner et Weyl qui montrèrent le rôle prééminent de la théorie des groupes, et de leurs représentations en particulier, dans la nouvelle mécanique quantique que développaient Heisenberg et Dirac. L'idée générale de la théorie des représentations est d'essayer d'étudier un groupe en le faisant agir sur un espace vectoriel de manière linéaire : nous essayons ainsi de voir le groupe comme un groupe de matrices (d'où le terme "représentation"). Nous pouvons ainsi, à partir des propriétés relativement bien connues du groupe des automorphismes de l'espace vectoriel (cf. chapitre de Théorie des Ensembles), arriver à déduire quelques propriétés du groupe qui nous intéressait.

Nous pouvons considérer la théorie des représentations de groupes comme une vaste généralisation de l'analyse de Fourier. Son développement est continu et elle a, depuis le milieu du vingtième siècle, des application innombrables en géométrie différentielle, en théorie ergodique, en théorie des probabilités, en théorie des nombres, dans la théorie des formes automorphes, dans celle des systèmes dynamiques ainsi qu'en physique, chimie, biologie moléculaire et traitement du signal. À l'heure actuelle, des branches entières des mathématiques et de la physique en dépendent.

Avant de commencer, nous renvoyons le lecteur au chapitre traitant de la théorie des ensembles pour qu'il se rappelle de la structure et des propriétés fondamentales qui constituent le groupe et également au chapitre d'algèbre linéaire (car nous en utiliseront quelques résultats).

GROUPES CYCLIQUES

Le groupe cyclique (dont la définition a déjà été vue dans le chapitre de Théorie des Ensembles) va nous servir de base dans le cadre de l'étude des groupes finis. Par ailleurs, plutôt que de faire des développements généralisés nous avons préféré prendre des exemples particuliers afin de présenter l'idée de groupe cyclique (approche plus adaptée à l'ingénieur).

Nous allons donc prendre l'exemple fort sympathique des heures de la montre… avec trois approches différentes qui successivement (!) permettront d'abord un groupe cyclique simple.

- Première approche :

Imaginons donc une horloge avec une aiguille qui peut prendre 12 positions possibles (mais pas de positions intermédiaires).  Nous noterons de manière spéciale les 12 positions possibles:  (le trait au-dessus des nombres n'est pas innocent!).

Rien ne nous empêche sur l'ensemble de ces positions de définir une addition, par exemple :

  (1)

ce qui est similaire aux résultat que nous obtenons lorsque dans notre quotidien nous faisons des calculs avec notre montre.

- Deuxième approche (première extension)

Si nous observons bien notre montre, nous remarquons qu'à chaque fois que nous rajoutons 12 (ou retirons…) à une valeur des heures de notre montre alors nous tombons sur un ensemble de nombres bien déterminé qui sont aussi dans . Ainsi (évidemment dans le cadre d'une montre seules les premières valeurs positives nous intéressent la plupart du temps mais ici nous faisons des maths alors nous généralisons un peu…) :

  (2)

Nous retrouvons ici un concept que nous avions déjà vu dans le chapitre de théorie des nombres. Il s'agit de classes de congruences et l'ensemble des ces classes forment l'ensemble quotient . Si nous munissons cet ensemble quotient d'une loi d'addition, il est normalement facile d'observer que celle-ci est un interne à l'ensemble quotient, qu'elle est associative, qu'il existe un élément neutre  et chaque élément possède un symétrique (inverse).

Ainsi, cet ensemble quotient muni de uniquement de la loi d'addition (sinon en ajoutant la multiplication nous pouvons former un anneau) est un groupe commutatif.

- Troisième approche (deuxième et dernière extension) :

Voyons une troisième et dernière approche qui explique pourquoi le groupe quotient est cyclique.

Si nous projetons la rotation des aiguilles de notre montre dans  et que nous définissons :

  (3)

Nous avons alors  et :

  (4)

ce qui explique pourquoi le groupe quotient  est appelé "groupe cyclique" (par isomorphisme de groupe selon ce qui a été vu en théorie des ensembles). Son isomporphe est noté .

Si nous représentons dans  l'ensemble isomorphe  nous obtenons alors sur le cercle unité un polygone ayant n sommets comme le montre la figure ci-dessous :


  
(5)

Par ailleurs, le nombre d'éléments composants  étant fini, est fini. Contrairement au groupe  qui est lui un groupe discret infini.

Ce concept de finitude sera peut-être plus évident avec l'exemple que nous ferons de suite après avec  où le lecteur observera que cet ensemble a le même nombre d'éléments que .

Remarque: Les mathématiciens appellent  le "groupe des racines n-ièmes de l'unité". Une racine n-ième de l'unité (parfois appelée "nombre de de Moivre") est donc un nombre complexe dont la puissance n-ième vaut 1. Par ailleurs, pour un entier n donné, toutes les racines n-ième de l'unité sont situées sur le cercle unité et sont les sommets d'un polygone régulier à n côtés ayant un sommet d'affixe 1.

Ce qui intéresse les physiciens particulièrement dans un premier temps ce sont les représentations des groupes finis (aussi les groupes continus que vous verrons plus loin). Ainsi, la représentative de  nous est connue puisque la rotation dans le plan complexe est donnée comme nous l'a montrée notre étude des complexes dans le chapitre sur les Nombres :

  (6)

avec . Cette représentatives est un sous-groupe du groupe des rotations O(2) sur lesquelles nous reviendrons plus loin. Le groupe des rotations du plan étant lui-même un sous-groupe du groupe linéaire GL(2) (nous en donnerons une définition précise et un exemple plus loin).

Au fait, les mathématiciens sont capables de démontrer que tous les groupes quotients  sont cycliques à isomorphisme près avec . Les mathématiciens disent aussi que  est un quotient fini du group monogène .

Cette approche est par contre peut-être un peu abstraite. Alors, si le lecteur se rappelle du chapitre de théorie des ensembles nous avons vu une définition bien précise de que qu'était la cyclicité d'un groupe : Un groupe G est dit cyclique si G est engendré par la puissance d'au moins un de ses éléments appelé générateur tel que .

Vérifions que ce soit bien le cas pour le groupe  qui constitue un cas scolaire.

Nous noterons les éléments qui constituent ce groupe . Ceci étant fait, il convient de faire attention que dans la définition ensembliste du groupe cyclique nous parlons de "puissance" si la loi interne du groupe est la multiplication mais si la loi interne est l'addition, nous avons alors : .

Le premier élément générateur du groupe  est l'élément 1. Effectivement :

  (7)

Le deuxième élément générateur du même groupe est 3 :

  (8)

Par contre, le lecteur pourra vérifier que 2 n'est pas générateur de ce groupe!

Au fait, en ce qui concerne les groupes  les mathématiciens arrivent à démontrer que seules les éléments du groupe qui sont premiers avec n sont générateurs (c'est-à-dire les éléments de le plus grand commun diviseur est 1).

Voilà pour notre introduction aux groupes cycliques. Passons maintenant à une autre catégorie des groupes.

GROUPES DE TRANSFORMATIONS

Le groupe des rotations est celui qui intéresse le plus les physiciens surtout dans les domaines des matériaux, de la chimie, de la physique quantique et de l'art... Les mathématiciens apprécient eux l'étude des groupes de rotation dans le cadre de la géométrie bien évidemment (mais pas seulement) et les informaticiens tout autant les groupes linéaires. Nous en avons d'ailleurs vu un exemple de groupe de rotation juste précédemment.

Définition: Nous appelons "groupe linéaire d'ordre n" et nous notons GL(n) les matrices inversibles (donc le déterminant est non nul selon ce que nous avons vu dans le chapitre d'algèbre linéaire) dont les coefficients sont dans un corps quelconque :

  (9)

Un exemple simple et important de groupe linéaire est celui du sous-"groupe des transformations affines" du plan qui sont traditionnellement notées (c'est intuitif) :

  (10)

avec  (nous verrons le pourquoi du comment de l'inégalité un peu plus loin).

Prenons un exemple pratique :

  (11)

ce qui appliqué à un cercle donnerait :


  
(12)

Cette transformation est une manière de définir les ellipses comme images d'un cercle par une transformation affine.

Les coefficients  sont sans importance pour la forme de l'image. En fait, ils induisent bien évidemment des translations sur les figures. Nous pouvons donc nous en passer si nous cherchons seulement à la déformer.

Ainsi, il nous reste :

  (13)

ce qui peut s'écrire sous forme matricielle :

  (14)

La transformation se réduit donc à la matrice :

  (15)

et comme nous l'avons vu en algèbre linéaire, la multiplication matricielle est associative n'est pas commutative, donc la transformation linéaire ne l'est pas non plus.

L'élément neutre est la matrice :

  (16)

et l'inverse de F est :

  (17)

et comme nous avons imposé  tout élément y possède donc un inverse. Ainsi, le groupe linéaire affine est non commutatif et… forme bien un groupe…

Définition: Nous appelons "groupe spécial linéaire d'ordre n" et nous notons SL(n) les matrices inversibles dont les coefficients sont dans un corps quelconque et dont le déterminant est égal à l'unité :

  (18)

Il s'agit évidemment d'un sous-groupe de GL(n).

En reprenant l'exemple précédant et en se rappelant que le déterminant d'une matrice carré bidimensionnelle est (cf. chapitre d'Algèbre Linéaire) :

  (19)

nous remarquons bien géométrique ce que signifie d'avoir un déterminant unitaire dans ce cas! Effectivement nous avons vu dans le chapitre d'Algèbre Linéaire lors de notre interprétation géométrique qu'avoir un déterminant équivaut à une surface. Ainsi, le fait d'avoir ad-bc unitaire permet montre donc que quelque soit l'ordre de la transformation, nous avons l'aide qui vaut toujours 1. Ainsi, le groupe spécial linéaire conserve les surfaces.

Définition: Nous appelons "groupe orthogonal réel d'ordre n" et notons O(n) les matrices orthogonales (cf. chapitre d'Algèbre Linéaire)  données par :

  (20)

Par ailleurs, nous avons démontré dans le chapitre d'Algèbre Linéaire lors de notre étude des matrices de rotation que  implique .

C'est le cas par exemple de la matrice de O(2) vue précédemment (elle appartient au groupe orthogonal mais aussi au groupe des rotations que nous verrons plus loin) :

  (21)

qui est orthogonale comme il est facile de le vérifier.

Remarque: O(1) est constitué de l'ensemble des matrices [1],[-1]

Définition: Si et que nous avons  alors nous obtenons un sous-groupe de O(n) appelé "groupe spécial orthogonal réel d'ordre n" et noté SO(n) :

  (22)

La matrice de rotation donnée précédemment fait partie de ce groupe puisque son déterminant est égal à l'unité! Par ailleurs, ce groupe occupe une place très spéciale en physique et nous le retrouverons de maintes fois.

Le sous-groupe SO(2), appelé aussi parfois "groupe cercle" et noté , que nous avions aussi étudié dans le chapitre de Géométrie Euclidienne a une représentative donnée par la matrice:

  (23)

occupe une place à part dans la famille des groupes SO(n) avec n supérieur à l'unité. Effectivement il est le seul à être commutatif. Par ailleurs, il est isomorphe à soit à U(1) le groupe multiplicatif des nombres complexes de module 1. C'est aussi le groupe de symétrie propre d'un cercle et l'équivalent continu .

Le sous-groupe SO(3) donné par la matrice (cf. chapitre de Géométrie Euclidienne) :

  (24)

pour la rotation autour de l'axe X n'est pas commutatif. Par ailleurs les quaternions, dont la représentative est donc SO(3), forment une groupe non commutatif aussi (par rapport à la loi de multiplication) comme nous l'avons vu dans le chapitre sur les Nombres.

Par rapport à un vecteur unitaire on se rend facilement compte visuellement parlant que SO(3) est un sous-groupe fermé de GL(3), c'est-à-dire de l'ensemble des groupes linéaires de dimension 3.

Remarque: SO(1) est constitué de la matrice [1].

Définition: Nous appelons "groupe unitaire d'ordre n" et nous notons U(n) les matrices dont les coefficients sont complexes (dans le cadre de ce site le plus souvent) ou réels et qui sont orthogonales :

  (25)

Remarquons par ailleurs que toute matrice unitaire à coefficients complexes et à une dimension... (de U(n) donc...) est un nombre complexe de module unitaire, qui peut toujours s'écrire sous la forme .

Nous en avons déjà vu un exemple aussi sur le site lors de notre étude des spineurs dans le chapitre de Calcul Spinoriel. Il s'agit des matrices de Pauli (utilisées dans le chapitre de Physique Quantique Relativiste) données par :

  (26)

Définition: Nous appelons "groupe spécial unitaire d'ordre n" et nous notons SU(n) les matrices dont les coefficients sont complexes et qui sont orthogonales et dont le déterminant est unitaire :

  (27)

Remarque: U(1) est égal à SU(1) et il s'agit donc du cercle unité complexe égal à . Par ailleurs, SO(2) est commutatif et isomorphe à U(1) car c'est l'ensemble des rotations du plan.

Un exemple connu est toujours celui des matrices de Pauli mais simplement écrites sous la forme utilisée en Physique Quantique Relativiste (voir chapitre du même nom) :

  (28)

qui font partie de SU(2) et qui comme nous l'avons montré (implicitement) au début du chapitre de Calcul Spinoriel est isomorphe au groupe des quaternions SO(3) de module 1 sur la sphère de dimension 3 (notée ).

Remarque: Le groupe spécial unitaire possède une importance particulière en physique des particules. Si le groupe unitaire U(1) est le groupe de jauge de l'électromagnétisme (pensez au nombre complexe apparaissant dans les solutions de l'équation d'onde!), SU(2) est le groupe associé à l'interaction faible, et SU(3) celui de l'interaction forte. C'est par exemple grâce à la structure des représentations de SU(3) que Gellman a conjecturé l'existence des quarks.

GROUPES DE SYMÉTRIES

Le groupe de symétrie d'un objet noté X (image, signal, etc., e.g. en 1D, 2D ou 3D) est le groupe de toutes les isométries sous lesquelles il est invariant avec la composition en tant qu'opération.

Tout groupe de symétrie dont les éléments ont un point fixe commun, ce qui est vrai pour tous les groupes de symétrie de figures limitées, peut être représenté comme un sous-groupe du groupe orthogonal O(n) en choisissant l'origine pour point fixe. Le groupe de symétrie propre est alors un sous-groupe du groupe orthogonal spécial SO(n), et par conséquent, il est aussi appelé le groupe de rotation de la figure.

Dans ce qui suit, nous allons interpréter la composée de deux opérations de symétrie comme une multiplication au même titre que pour les permutations.

Définition: Le groupe des symétries de X est l'ensemble des symétries de X, muni de la structure de multiplication donnée par composition.

Exemples:

E1. Le cœur  à un groupe de symétries a deux éléments (d'ordre deux), à savoir l'application identité id, et l'application  : réflexion dans l'axe vertical. Nous observons que le symétrique via la relation .

E2. La lettre  à un groupe de symétries à quatre éléments, c'est donc un groupe de symétrie d'ordre 4, à savoir l'application idendité id, les deux réflexions  et  et la rotation par l'angle que nous noterons .

Dans ce groupe nous avons par exemple  (et c'est commutatif),  est la rotation par un angle , ce qui est la même application que l'application identique, donc .

Ainsi, le groupe de symétrie de cette lettre est commutatif et la loi de composition est bien interne. C'est donc bien un groupe.

E3. Le pentagone régulier  à un groupe de symétries à 10 éléments, c'est donc un groupe de symétrie d'ordre 10, à savoir les 5 rotations  ainsi que les 5 réflexions dans les 5 axes de symétrie.

Les règles de multiplication sont un peu compliquées dans cet exemple mais nous pouvons néanmoins observer que la composition est toujours une opération interne (le produit de deux réflexions est toujours une rotation par exemple).

Plus généralement, le groupe de symétries d'un n-gone régulier (si n est impaire) a exactement 2n éléments. Ce groupe s'appelle le "groupe diédral d'ordre n" est est noté .

E4. Nous reviendrons sur cet exemple lorsque nous introduirons un peu plus loin le concept de groupe distingué lors de notre étude des groupes de permutations et la définition des groupes distingués.

Le groupe diédral  d'ordre 3 des isométries d'un triangle équilatéral à 6 éléments que nous noterons (afin que l'écriture soit moins lourd) :

  (29)

où   sont les symétries par rapports au trois bissectrices (respectivement médiatrices). La table de composition de ce groupe diédral montre aussi que ce groupe est non-commutatif :

id

id

id

id

id

id

id

id

  (30)

E5. Regardons un dernier exemple appliqué à la chimie en énumérant les opérations de symétrie qui laissent la molécule  (tétraèdre).

Le groupe de transformation contient 6 éléments : l'identité id,  qui est la rotation de ,  la rotation de  (que nous noterons par la suite ) toutes deux selon l'axe Z (perpendiculaire au plan XY donc…) et 3 axes  de symétrie/réflexion passant chacun par le milieu d'un des arêtes de base au milieu de l'arête opposée comme le montre la figure ci-dessous (pyramide vue du dessus) :

 
  
(31)

La combinaison des différents éléments de symétrie montre que la table de composition est (ce qui prouve que la loi est interne et que nous travaillons donc bien dans un groupe) :

id

id

id

id

id

id

id

id

  (32)

Attention à l'ordre, nous appliquons d'abord l'élément de ligne puis l'élément de colonne. Nous constatons que le groupe n'est donc pas commutatif.

ORBITE ET STABILISATEUR

Nous allons voir maintenant deux définitions que nous retrouverons en cristallographie (leur nom n'est pas innocent!).

Définition: L'orbite d'un élément x de E est donnée par:

  (33)

L'orbite de x est l'ensemble des positions (dans E) susceptibles d'être occupées par l'image de x G. Les orbites forment évidemment une partition de E. sous l'action de

Exemple:

Considérons un ensemble E sur lequel agit un groupe G, par:

  (34)

l'ensemble des 6 sommets d'un hexagone sur lequel nous faisons agir le groupe . Nous observons déjà trivialement que G  est bien un groupe!

Maintenant, prenons un élément de E, par exemple .

Son orbite va donc être par définition:

  (35)

Définition: Le stabilisateur x d'un élément de E est l'ensemble:

  (36)

des éléments qui laissent x invariant sous leur action. C'est un sous-groupe de G.

Pour reprendre notre exemple précédant. Son stabilisateur va être réduit à:

  (37)

GROUPES DES PERMUTATIONS

Les groupes symétriques ont une importance non négligeable dans certains domaines de la physique quantique mais aussi en mathématiques dans le cadre de la théorie de Galois. Il convient donc d'y porter aussi une attention toute particulière.

Rappelons d'abord (cf. chapitre de Probabilités) que dans un ensemble  il y a n! permutations possibles. Les mathématiciens disent, à juste titre, qu'il y a n! bijections et appellent ce nombre "ordre du groupe de permutations".

Prenons par exemple l'ensemble {1,2,3}. Cet ensemble à 3! permutations possibles qui sont :

{(1), (1  2),(1  3),(2  3),(1  2  3),(1  3  2)}  (38)

Ce qui se lit dans l'ordre : application identitité id, 1 amène sur 2 ou 2 sur un 1, 1 amène sur 3 ou 3 sur 1, 2 amène sur 3 ou 3 sur 2, 1 amène sur 2 qui amène sur 3 qui amène sur 1, 1 amène sur 3 qui amène sur 2 qui amène sur 1.

Nous pouvons observer facilement que la composition de deux permutations n'est pas commutative :

  (39)

et que la composition de deux permutations est un loi interne :

  (40)

avec un élément neutre qui est bien l'identité id. Nous avons donc bien un groupe non commutatif. Rappelons également au lecteur que certains éléments du groupe, s'ils sont bien choisis, peuvent former un sous-groupe. C'est l'exemple de :

{(1), (1  2)}  (41)

qui est un sous-groupe de  (il est facile de vérifier qu'il possède toutes les propriétés d'un groupe).

Définition: Un sous-groupe H d'un groupe G est appelé "groupe distingué" si, pour tout g de G et tout hH, nous avons  qui est élément de H. Les mathématiciens appellent cela un " de automorphisme intérieur"…

Voyons d'abord un exemple géométrique parlant après quoi nous reviendrons à cette définition avec .

Exemple:

Nous avons vu plus haut les éléments du groupe de symétrie diédral d'ordre 3 du triangle équilatéral. Géométriquement ils correspondent tous à des déplacements du plan dans lequel se trouve le triangle. Nous avions obtenu pour rappel le tableau de composition suivant :

id

id

id

id

id

id

id

id

  (42)

D'abord, nous constatons facilement à l'aide de ce tableau que nous avons :

- Le sous-groupe formé de {id} d'ordre 1

- Le sous-groupe formé de  d'ordre 3

- Le sous-groupe formé de   d'ordre 2

- Le sous-groupe formé de   d'ordre 2

- Le sous-groupe formé de   d'ordre 2

Parmi ces 5 sous-groupes, voyons lesquels sont distingués (cela est relativement facile à visualiser à l'aide du tableau de composition) :

- Le sous-groupe formé de {id}

- Le sous-groupe formé de

Nous allons voir maintenant une chose remarquable! En numérotant par 1,2 et 3 les sommets du triangle équilatéral, nous pouvons identifier les éléments de  aux éléments suivants de  :

  (43)

et reconstruire la même table de composition!

Bon… ce petit interlude fermé, revenons au groupe distingué de  (car il va être important pour notre introduction aux groupe de Galois) et rappelons d'abord que :

  (44)

Nous construisons joyeusement la table de composition (copie de la précédente.. hé hé!)  :

(1)

(1 2 3)

(1 3 2)

(1 2)

(1 3)

(2 3)

(1)

(1)

(1 2 3)

(1 3 2)

(1 2)

(1 3)

(2 3)

(1 2 3)

(1 2 3)

(1 3 2)

(1)

(2 3)

(1 2)

(1 3)

(1 3 2)

(1 3 2)

(1)

(1 2 3)

(1 3)

(2 3)

(1 2)

(1 2)

(1 2)

(1 3)

(2 3)

(1)

(1 2 3)

(1 3 2)

(1 3)

(1 3)

(2 3)

(1 2)

(1 3 2)

(1)

(1 2 3)

(2 3)

(2 3)

(1 2)

(1 3)

(1 2 3)

(1 3 2)

(1)

  (45)

et nous voyons que le sous-groupe distingué est formé de :

  (46)

Définition: Pour tout sous-groupe H stable par les automorphismes intérieurs d'un groupe G, nous appelons "indice de H dans G" le quotient de l'ordre du groupe G par l'ordre du sous-groupe H et nous l'écrivons [G/H].

Par exemple, l'indice du sous-groupe {(1), (1  2)}dans le groupe  est 6/2 c'est-à-dire 3. Ce concept nous sera très utile lors de notre introduction aux corps de Galois plus loin.

Considérons maintenant, la permutation particulière  pour aborder le sujet sous un angle différent mais équivalent :

  (47)

Les mathématiciens ont pour habitude de noter cela, dans un premier temps, sous la forme :

  (48)

avec :

  (49)

Etant donné  et , deux permutations, il est naturel de regarder leur composition  (rappelons que cela signifie d'abord , puis  comme pour la composition de fonctions).

Ainsi, si :

 et   (50)

Alors :

  (51)

et :

  (52)

Maintenant, l'idée est d'interpréter la composition comme une multiplication de permutations. Cette multiplication est alors non-commutative comme nous venons de le constater dans l'exemple précédent. Nous avons en général .

Chaque bijection a un inverse (une fonction réciproque). Dans notre exemple il s'agit de évidemment de :

  (53)

Géométrique, pour calculer l'inverse  d'un élément , il suffit de prendre la réflexion du dessin de dans un axe horizontal comme le montre la partie gauche de la figure ci-dessous:


  
(54)

Définitions:

D1. L'ensemble des permutations d'un ensemble avec n éléments, muni de cette structure de multiplication, s'appelle le "groupe des permutations d'ordre n" ou "groupe des substitutions d'ordre n", et se note  ou encore S(n).

D2. Nous disons qu'un élément  de  est un "cycle d'ordre k", ou un "k-cycle", s'il existe  tel que :

-  envoie  sur ,  sur ,…, sur , et  sur

-  fixe tous les autres éléments de

et nous notons le cycle de la manière .

Pour mieux comprendre reprenons notre exemple de :

  (55)

Ce groupe symétrique est un 3-cycle noté  car dans l'ordre : 1 envoie sur 3, 3 envoie sur 4 et 4 envoie sur 1 (et le 2 n'étant pas mentionné il reste fixe). Nous pouvons noter cela aussi des façons suivantes équivalents :  ou encore .

Définition: L'ordre d'un k-cycle est k (d'où le nom!).

Effectivement si nous reprenons , nous avons alors :

 et    (56)

Définition: Nous disons qu'une permutation  est un "cycle" s'il existe  tel que  est un k-cycle.

Attention! Toute permutation doit s'écrire comme un produit de cycles disjoints (c'est-à-dire qu'un nombre qui apparaît dans un cycle ne doit pas apparaître dans un autre cycle). Par exemple, dans , nous avons :

  (57)

Donc cette permutation est un produit d'un 4-cycle et d'un 3-cycle disjoint.

Nous laisserons d'ailleurs le lecteur vérifier par lui-même que l'ordre de ce groupe  est 12…

Remarque: Les mathématiciens peuvent démontrer que si  est un élément qui a une décomposition en c cycles disjoints de longueur  alors l'ordre de  est le plus petit commun multiple des ordres de tous les cycles disjoints qui le compose.

Nous supposerons également intuitif que dans le vocabulaire commun, un 2-cycle dans  s'appelle aussi une "transposition".

Allons un petit peu plus loin. Nous nous proposons de montrer par l'exemple que l'ensemble des transpositions engendre . Autrement, dit, toute permutation s'écrit comme un produit de transpositions.

Reprenons notre exemple (il s'agit d'un permutation paire) :

  (58)

En général, un k-cycle s'écrit donc comme produit de k-1 transpositions.

Définition: Soit  une permutation. Nous disons que  est "permutation paire" si, dans une écriture de  comme produit de transposition, il y a un nombre paire de transpositions. Nous disons que  est "permutation impaire" si, dans une écriture de  comme produit de transpositions, il y a un nombre impaire de transpositions.

Finissons par un petit complément… Nous avons que  est un groupe des permutations d'ordre 3 avec donc 3!=6 permutations possibles.

Si nous énumérons les 6 permutations nous avons vu que nous obtenons :

{(1), (1  2),(1  3),(2  3),(1  2  3),(1  3  2)}   (59)

Parmi ceux-ci seulement certains peuvent être écrit comme un produit pair de transpositions :

(1  2  3)=(1  2)(3  1) et (1  3  2)=(1  3)(2  1)   (60)

Les permutations paires forment avec la permutation identité id, un sous-groupe (non commutatif) que nous appelons le "groupe alterné d'ordre n" et que nous notons . C'est facile de le vérifier avec l'exemple précédent.

 
 
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