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  Ethnopsychiatrie
 

ETHNOPSYCHIATRIE

 

 

Définition

 

 

L'ethnopsychiatrie est une méthode d'investigation qui s'efforce de comprendre la dimension ethnique des troubles mentaux et celle, psychiatrique, de la culture. La classification des maladies est différente d'une culture à l'autre. Le "Shaman" a un rôle de "psychanalyste autochtone" faisant appel à des mythes sociaux (accès au dossier "psychanalyste"). C'est quelqu'un de déviant, catalyseur de la communication vers le savoir sacré, interprète du divin auprès du commun des mortels (accès au dossier "communication"). L'ethnopsychiatrie se donne pour but de donner un sens culturel à la folie.

La culture est l'ensemble des matériaux dans lesquels nous (individus et société) puisons pour élaborer nos expériences. La nature c'est l'expérience, et la culture c'est l'élaboration de cette expérience. Cette élaboration se fait selon une organisation, une structure, un ensemble de règles et de signifiants propres à chaque ethnie. Ces règles et ces signifiants sont à la fois relatifs et universels (une ethnie est un groupe qui partage les mêmes signifiants culturels). Une culture donnée imprègne les individus, et ces derniers transforment leur culture. L'individu doit intérioriser la culture du groupe dans lequel il est né, et s'y tailler une place. Le groupe quant à lui, doit l'intégrer en lui donnant l'exercice d'un rôle, d'une fonction, et transmettre sa culture par l'éducation.

 

L'ethnopsychiatrie peut aussi se définir comme étant l'étude du rapport entre: un comportement psychopathologique (accès aux dossiers "conduite psychologique" et "conduite pathologique"), des services thérapeutiques et les cultures d'origine du patient et de son thérapeute. Une telle analyse doit alors reposer sur une série de postulats concernant la culture et la personnalité. Ces choix de départ guideront la façon dont on définira le champ des questions et des problèmes. 

 

 

Personnalité et culture

 

La culture façonne la personnalité dans son développement "normal" (habituel, majoritaire dans la culture donnée) aussi bien que pathologique. Les critères de norme et de pathologie sont définis dans chaque culture. KROEBER et KLUCKHOHN conçoivent la culture sous ce rapport comme étant essentiellement un "pattern" qui oriente les choix gérés par un groupe d'hommes pour affronter leur environnement. C'est donc l'instrument privilégié par lequel les hommes s'adaptent à leur milieu. Le concept de culture, chez ces auteurs, s'étend aussi bien aux structures symboliques des normes et des idéologies que, à un niveau plus concret et psychologique, à tout un ensemble de comportements appris. C'est au cours de la petite enfance (accès au dossier "petite enfance") que la personnalité acquiert les principaux éléments de sa structure de l'état adulte (accès au dossier "age adulte"). Une grande importance est accordée au processus de socialisation qui régit cette période. En France, l'ethnopsychiatrie porte l'empreinte de l'école structuraliste, ce qui fait que la définition de la culture diffère de celle de KROEBER. Chez LEVI STRAUSS, la culture est vue comme un ensemble de systèmes symboliques (langage, art, science, religion...), chacun avec son fonctionnement propre. Nous sommes donc en présence d'éléments incommensurables les uns vis-à-vis des autres.

 

 

Maladie mentale et culture

 

 On distingue 2 sortes de cultures : la culture qui "avale" ses déviants et leur accorde un statut juridique (sorciers, prêtres, bouffons, artistes...) et celle qui a tendance à se débarrasser de ses déviants en les "vomissant" dans des institutions construites pour cela.

 

·  Les sociétés qui avalent leurs déviants sont traditionnelles, fonctionnant sur le modèle du clan, souvent autarciques et peu étendues. La relation de l'individu au groupe est fusionnelle. L'individuel est pris en charge par le collectif.

· Les sociétés qui refusent leurs déviants ont vu naître un conflit entre la soumission aux normes ancestrales et l'acceptation de valeurs nouvelles (ce conflit peut agir comme un stress). Elles ont établi 3 modes de relations avec les individus déviants:

- La culture fournit des moyens de protection insuffisants au niveau symbolique (art sacré et langage).

- Les individus sont impuissants à se conformer aux normes culturelles, soit par fragilisation dans la première enfance, soit par disposition innée. Ils deviennent étrangers à leur culture, et sont rejetés.

- L'individu entre en contact avec une culture différente, c'est un migrant (rural par rapport à urbain par exemple). Les conduites sont vides de sens, inadaptées. Mise en place de rituels névrotiques (accès au dossier "nevrose").

 

Les croyances culturelles influencent dans une certaine mesure le choix du comportement pathologique. En général, on attribue plus souvent l'origine des maladies à des causes exogènes (comme la sorcellerie, la transgression d'un interdit, un accident...) qu'à des causes endogènes. Et l'attribution de ces causes est un processus rarement accompagné d'une analyse minutieuse des faits (le processus d'anamnèse est souvent des plus succincts!). Les symptômes, névrotiques ou psychotiques, sont des constructions collectives qui évoluent et se transforment avec l'évolution du groupe. Nous empreintons nos symptômes à notre culture. Ce qui est permanent, ce sont les lois de la dépersonnalisation car dans toute culture existent de telles lois. C'est uniquement leur manifestation qui diffère. 

 

 

Définition de concept

 

Chaque concept doit être défini de manière univoque dans le terrain qui est le sien, et par rapport aux autres concepts de ce terrain. Par exemple le concept "pied" se définit dans le terrain "morphologie" par rapport aux concepts "main", "tête"... etc. On ne peut en effet définir un concept seul, sans rapport avec un autre. Il faut toujours un système d'oppositions, et ce système est particulier à chacune des langues.

 

 

Structuralisme

 

C'est la science qui étudie le rapport entre les termes. Les structuralistes privilégient ainsi le rapport liant deux termes, aux termes eux-mêmes. Il est à noter que la structure, à l'inverse des termes, ne se voit pas et qu'on ne peut la révéler qu'avec l'aide d'une analyse: la "description".

 

Le "monème" est l'unité minimale de sens. Ainsi, dans le mot "travailler", il y a 2 monèmes: "travail" et "er".

Le structuralisme traite à la fois la forme et le contenu (alors que le "formalisme" lui, traite la forme pure, détachée de tout contenu).

 

 

son

 

forme

 

signifiant


=


=


sens

 

contenu

 

signifié

 

 

Toute science est basée sur un modèle, avec des procédures abstraites non-équivoques. Le modèle est ici une conceptualisation du réel, pour neutraliser le vécu. Le modèle se définit aussi comme une construction symbolique, avec un langage symbolique.

 

 

L'anthropologie insiste sur la nature des relations entre les éléments et non-pas sur la quantité de ces relations. C'est une science qualitative. Sociologie et anthropologie sont difficiles à séparer, car ces deux sciences visent le même but, mais ont des objets différents. Pour les anthropologues, l'inconscient collectif n'existe pas. On déduit l'inconscient de l'ensemble culturel de la société et non d'un texte seul. C'est "l'inconscient structural".

 

 

Fonction : la fonction d'un élément est déterminée par le point de vue sur cet élément. Par exemple le système mythologique a son point de vue sur tel élément, le système linguistique a son point de vue ce même élément... etc.

 

 

L'ethnologie : c'est l'étude des sociétés humaines. Cette science utilise la "méthodologie", la "théorie" et la "sémiotique".

·  Méthodologie: c'est la rigueur de la démarche de l'ethnologue. On se pose la question:"comment va t'on procéder pour décrypter un objet?". C'est le domaine pratique.

·  Théorie: c'est la cohérence par rapport à un objet. La théorie est fondée scientifiquement. C'est le domaine du spéculatif.

·  Sémiotique: branche de la sémiologie (étude des signaux) qui se consacre essentiellement au contenu du signal. Ainsi la sémiologie est-elle la science des "signifiants", tandis que la sémiotique est la science des "signifiés".

 

La langue est l'aspect inconscient du collectif, tandis que la parole est consciente et personnalisée (accès au dossier "langage et inconscient").

Dans toute traduction il y a une approximation car un terme dans une langue donnée englobe tout un lot de significations aux ramifications culturelles propres à cette langue exclusivement.

Si individuellement, nous ne créons pas le langage, nous disposons tous d'une potentialité pour en utiliser les signes extérieurs. Aussi, pour bien étudier un mythe, l'ethnologue doit-il disposer de tout le contexte socioculturel.

Langue = code (aspect social)

Parole = message

Pour un même message à exprimer, on peut utiliser plusieurs codes dans chacun des systèmes (gestuel, linguistique...).

Un code est la construction d'un ensemble d'oppositions.

 

 

      

   

signifiant

 

forme

Signe

=


=


   

signifié

 

contenu

 

 

 

En réalité, signifiant et signifié sont soudés, et de manière totalement arbitraire. D'une langue à l'autre, le même signifié sera associé à différents signifiants.

 

Le signe est une unité de sens qui allie une expression à un contenu, de façon arbitraire mais néanmoins nécessaire, et spécifiquement à la langue choisie. L'opposition est le rapport qui s'établit entre les unités de contenu et de forme.

 

Phonologie : branche récente de la linguistique qui étudie les sons tels qu'ils sont vécus. Ainsi chaque langue a t'elle son propre système phonologique. Cette science nécessite une grande rigueur scientifique.

 

Phonétique : étude des sons tels qu'ils sont donnés. La phonétique conserve les mêmes lois pour chacune des langues, indistinctement.

 

 

 

On acquiert, à travers ce travail, une méthode de "déchiffrage de langage" bien utile en psychiatrie.

 

 

Par exemple, le discours paranoïaque est un discours qui est basé sur le système "Persécuté / Persécutant" (accès au dossier "paranoia").

Tandis que le discours schizophrénique est un discours fondé sur "Eclatement / Totalité", double personnalité (accès au dossier "schizophrenie") .

LA  FOLIE  AILLEURS

 

 

Historique

 

 

En étudiant les troubles mentaux en fonction des groupes ethniques ou culturels, ainsi que la place qu'ils occupent dans l'équilibre social, l'ethnopsychiatrie nous apprend que chaque collectivité sécrète ses propres modèles de déviance et qu'on est toujours fou par rapport à une société donnée. l'ethnopsychiatrie est peut-être aussi ancienne que la médecine elle-même. Les historiens de la médecine la font remonter à Hippocrate, dont le "traité des airs, des eaux et des lieux" contient la description célèbre de la "maladie des Scythes": parmi les barbares nomades des steppes de la Scythie (Russie du sud actuelle), un certain nombre d'hommes devenaient impuissants, se mettaient à parler avec une voix féminine et adoptaient la manière de vivre des femmes. Le vieux médecin Grec ne se contentait pas de décrire cette anomalie, mais cherchait à en expliquer l'origine par les effets du climat humide et brumeux, par l'alimentation et le genre de vie des habitants. Par ailleurs, les explorateurs, les missionnaires, les historiens ne manquèrent pas, au cours des siècles, d'attirer l'attention sur toute une pathologie exotique, tel "l'amok", avec sa crise paroxystique au cours de laquelle le sujet, littéralement hors de lui, se précipite indistinctement sur n'importe qui et l'assassine sauvagement. Ce genre de récit devait frapper l'imagination des voyageurs et des écrivains.

 

Mais il faut attendre la fin du XIXe et le début du XXe siècle pour que l'ethnopsychiatrie se développe comme une branche autonome de la psychiatrie (accès au dossier "psychiatrie"). A cet égard, Emile KRAEPELIN, le père de la psychiatrie Allemande, jouera un rôle non négligeable en se rendant à Singapour et en Indonésie pour voir si l'on rencontre partout les mêmes troubles mentaux. En 1904, il publie les premiers résultats de son enquête dans une étude intitulée: "Vergleichende Psychiatrie" ("Psychiatrie comparée"), nom qu'il donnait à cette nouvelle branche de la psychiatrie.

Précisons que les recherches de KRAEPELIN furent décevantes, car elles se limitèrent aux hôpitaux existants et ne concernèrent que des sujets déjà occidentalisés. 

 

 

Possessions et cérémonies rituelles

 

De fait, la situation psychiatrique réelle des sociétés primitives est extrêmement difficile à évaluer, car nos catégories psychiatriques s'appliquent mal, quand elles ne sont pas totalement inadéquates, à des collectivités dont les structures sont différentes des nôtres et présentent, par conséquent, d'autres points faibles que les nôtres. En outre, certains comportements parfaitement admis dans une aire culturelle donnée apparaîtront comme pathologiques ailleurs, et inversement. Voilà plusieurs dizaines d'années, Erna HOCH a montré l'embarras de la psychiatrie classique en Inde devant certains comportements typiquement schizophréniques selon des critères occidentaux (accès au dossier "schizophrenie"), comportements allant jusqu'au refus d'aliments, mais qui, dans leur contexte culturel, n'étonnaient personne. C'étaient des comportements religieux d'une grande sagesse, et ils étaient considérés comme allant de soi.

 

Pour illustrer ce point, l'écrivain Albert BEGUIN invitait ses lecteurs à imaginer qu'un homme, tout juste vêtu d'un pagne, maigre à faire peur, le visage peinturluré de rouge et de bleu, grattant sa vermine, s'accroupisse au coin d'une mairie Parisienne et reste là des heures, des jours, à grignoter quelques grains de millet, parfois chantonnant, le plus souvent immobile et muet. Si encore il mendiait, son comportement serait intelligible, mais il ne tend même pas la main... Gageons qu'il franchira vite le porche d'un hôpital psychiatrique... "Cet homme, continuait Albert BEGUIN, je l'ai vu cent fois aux Indes: les dévots s'accroupissaient autour de lui, le contemplaient longuement dans l'espoir de recevoir quelque émanation de sa sagesse. On est fou par rapport à une société donnée."

 

Il convient en outre de ne jamais oublier que chez beaucoup de peuples, on ne se contente pas de nos deux catégories, de "normal" et de "pathologique", mais qu'on y ajoute une troisième, celle de "surnaturel". Certaines formes de délires (accès au dossier "delire") peuvent être ainsi considérées par l'entourage comme des phénomènes d'inspiration surnaturelle, ou de possession par les esprits, bons ou mauvais.

 

D'une manière générale d'ailleurs, dans les pays où règnent encore des conceptions animistes, les troubles mentaux du sujet sont attribués à un esprit qui lui est extérieur et qui a pris possession de lui; Il n'est jamais considéré comme incurable et le groupe tout entier se sent concerné: la solidarité de la communauté doit contribuer à rétablir l'équilibre entre le monde visible et le monde invisible, entre le monde naturel et le monde surnaturel.

 

"Toute société a besoin de folie, écrit le romancier Marocain TAHAR BEN JELLOUN. Dans les sociétés industrielles développées, le fou n'a pas sa place. Parce qu'il est en marge de la culture et de l'ordre économique, on l'enferme: on le sépare de la vie. La persistance de l'asile prouve combien la folie continue d'étendre ses pouvoirs d'inquiétude sur toute certitude". Et de rappeler qu'en Afrique, il n'y a pas si longtemps encore, on pouvait parler de cultures où la folie était l'expression d'une grande sagesse. Le fou était en quelque sorte l'élu de Dieu et de la Vérité dans les sociétés Africaines et Arabes. La distinction entre le normal et le pathologique relevait d'un univers culturel étranger à ces sociétés. Le fou était intégré dans la collectivité. Sa prise en charge était l'affaire de tout le village. Ses "troubles" étaient considérés comme l'expression d'une réflexion approfondie pouvant se confondre avec une crise mystique.

 

Pour "guérir" le sujet, c'est-à-dire en fait pour rétablir un équilibre naturel autant que social menacé, le guérisseur va, à travers de nombreux rites auxquels toute la communauté prend part, rechercher l'esprit responsable du mal puis l'apaiser en respectant ses goûts. Décrivant cette forme de sociothérapie à travers les cérémonies spectaculaires du "n'doep" chez les populations LEBOU au Sénégal, deux ethnopsychiatres, Karl SCHMIDT et Jean GODIN, racontent qu'une grande fête est organisée sur la plage. Le patient en est la vedette. les danses durent plusieurs jours et un boeuf est sacrifié. Des rituels nombreux ont pour but de faire sortir l'esprit intrus du corps du malade et de le canaliser dans des endroits appropriés. La fête prend fin avec l'épuisement des participants, qui émergent peu à peu de véritables états de transe.

 

Commentant l'efficacité du "n'doep", Karl SCHMIDT et Jean GODIN notent que les succès thérapeutiques obtenus ainsi par les indigènes sont remarquables quand il s'agit d'états "psychogènes". Ils sont d'autant plus efficaces que le malade est plus fortement attaché à sa foi ancestrale. Ils observent également qu'il n'est pas étonnant que ces cérémonies rituelles, par les émotions qu'elles véhiculent, par la tolérance qu'elles manifestent, par la chaleur humaine qu'elles dégagent et par les régressions psychiques et les réorganisations de la personnalité qu'elles supposent, aient pour conséquence la réinsertion du sujet dans son groupe, sa tribu, sa société et, plus généralement, dans son "monde".

Dans nombre de sociétés "primitives", un personnage sacré, le "shaman", a pour fonction soit d'extirper et d'expulser le mal, soit de capturer l'âme en fuite du malade afin de la lui restituer. Le rôle du shaman a souvent été comparé à celui d'un psychanalyste sauvage qui ferait appel à des mythes sociaux. Les ethnologues s'accordent à reconnaître l'anormalité contrôlée du shaman: s'il est fou, c'est au nom et pour le compte des autres, dans la mesure où sa folie leur permet de projeter sur lui leurs troubles et de conserver un semblant d'équilibre psychologique.

 

Selon Claude LEVI-STRAUSS, le shaman revit au cours de chaque séance rituelle sa première expérience traumatique. Les traitements shamaniques constitueraient le pendant du traitement psychanalytique, mais avec le renversement de tous les éléments. Le psychanalyste (accès au dossier "psychanalyste") comme le shaman tendent en effet à provoquer une expérience spirituelle et ils y parviennent l'un et l'autre en remettant en vigueur, en réactualisant un mythe que le patient a à vivre ou à revivre. Mais, si en psychanalyse le patient construit un mythe individuel avec des éléments tirés de son passé, dans la séance shamanique, en revanche, le patient reçoit de l'extérieur un mythe social qui ne correspond pas à un état personnel antérieur.

 

 

Les modèles culturels de la folie

 

Ce que confirment toutes les recherches ethnopsychiatriques, c'est que la plupart des cultures possèdent un ou plusieurs modèles de folie. Le "chien fou qui veut mourir" des Indiens des plaines d'Amérique du Nord, le "berserk" des Vikings, "l'amok" et le "latah" des Malais, le "koro" des Chinois, la "schizophrénie" des occidentaux, le "tarentisme" d'Italie du sud, le "windigo" de certaines tribus Indiennes du Canada, etc.

 

La course d'amok jouit d'une grande célébrité comme manifestation typique de psychiatrie exotique. Il existe à son sujet une littérature abondante qui remonte aux premiers récits des explorateurs Portugais de l'Inde et de l'archipel Malais. Le romancier Autrichien Stefan Zweig en a donné la description suivante: "un Malais est en train de boire paisiblement son breuvage (sans alcool!). Il est là, apathiquement assis, indifférent et sans énergie. Et soudain il bondit, saisit son poignard et se précipite dans la rue. Il court tout droit devant lui, sans savoir où. Ce qui passe sur son chemin, homme ou animal, il l'abat avec son kris, et l'odeur du sang le rend encore plus violent. Tandis qu'il court, la bave lui vient aux lèvres, il hurle comme un possédé. Mais il court, il court toujours, sans rien voir de ce qu'il y a ni à sa droite ni à sa gauche, courant toujours en poussant son cri perçant et tenant à la main, dans cette course épouvantable, son kris ensanglanté... Les gens des villages savent qu'aucune puissance au monde ne peut arrêter celui qui est en proie à cette crise de folie sanguinaire... et, quand ils le voient venir, ils vocifèrent, du plus loin qu'ils peuvent, le sinistre avertissement: Amok! Amok! et tout s'enfuit... Mais lui, sans entendre, poursuit sa course. Il court sans rien voir et continue de tuer tout ce qu'il rencontre... Jusqu'à ce qu'on l'abatte comme un chien enragé ou qu'il s'affaisse anéanti et tout écumant..."

 

D'après le psychiatre Hollandais VAN WULFFTEN PALTHE, l'amok serait une maladie psychogène évoluant sous l'effet de conflits d'apparence insolubles, notamment d'ordre sexuel, ou résultant des difficultés que rencontre un individu dans un milieu qui lui est étranger. A la suite d'un incident commence une période de méditation avec rétrécissement du champ de la conscience (accès au dossier "conscient inconscient"), pendant laquelle il arrive souvent que l'individu se récite à lui-même des textes qu'il connaît et se laisse submerger par ses émotions. Celles-ci déborderont tout à coup dans une voie tracée à l'avance et se dérouleront selon un schéma préformé.

 

Si l'amok touche exclusivement les hommes, le "latah" est en revanche une affection strictement féminine. Elle se caractérise par la répétition incoercible et quasi automatique, par la personne atteinte, de tout ce qu'elle entend. De même, tout geste effectué devant elle donnera lieu à une imitation stéréotypée. Dès la fin du XIXe siècle, HAVELOCK ELLIS attirait l'attention sur les aspects sexuels du latah. En effet, des répétitions d'obscénités, des masturbations publiques et des mimes de coït ne sont pas rares pendant la crise.

 

Quant au "koro", qui se rencontre dans l'archipel Malais ainsi que dans le sud de la Chine, il consiste en des crises d'angoisse paroxystique (accès au dossier "angoisse") accompagnées de 2 idées: d'une part que le pénis du malade est en train de se rétracter et de disparaître à l'intérieur du corps, d'autre part qu'il en résultera la mort du sujet. Le koro se vit dans une ambiance dramatique: le malade et sa famille, afin d'éviter l'issue fatale, retiennent le pénis de toutes leurs forces. La fréquence de cet accès délirant est difficile à apprécier, car le sujet a honte d'en parler. Diverses théories ont été formulées pour rendre compte du koro et éclaircir sa genèse mais, faute d'enquêtes approfondies sur les croyances et les superstitions relatives à la vie sexuelle des peuples où existent ces psychoses (accès au dossier "psychose"), elles ne sont guère convaincantes. Ajoutons qu'il existe une forme féminine de cette affection: il s'agit de jeunes filles qui craignent de voir disparaître leurs seins à l'intérieur du thorax.

 

Plus près de nous, en Sicile et dans le sud de l'Italie, le "tarentisme" a été étudié par E. de MARTINO, le représentant Italien le plus remarquable de l'ethnopsychiatrie. Il s'agit d'hystéries collectives (accès au dossier "hysterie") et de scènes de possession attribuées à la redoutable piqûre d'une araignée saisonnière (en juin), la tarentule, dont il existe 2 espèces mais une seule vraiment venimeuse. Elle peut, par sa piqûre empoisonnée, déclencher certains symptômes observés dans le tarentisme. Paradoxalement, ce n'est pas cette araignée venimeuse, mais l'autre variété, tout à fait inoffensive, plus répandue et d'aspect plus menaçant, qui figure d'une manière prédominante dans le tarentisme. Pour prétendre comprendre les danses et les contorsions frénétiques des femmes se disant mordues par la tarentule, il faut avoir présent à l'esprit la misère ancestrale et chronique des peuples de l'Italie du sud, ainsi que leur oppression sexuelle, presque aussi brutale de nos jours qu'au Moyen Age. Ainsi que l'a bien vu Dominique FERNANDEZ, quand une femme se met à se tordre par terre, à danser, à hurler en déchirant ses vêtements, elle mène à bien une double opération de délivrance. Par l'agressivité qu'elle déploie (accès au dossier "agressivite"), elle se soulage des frustrations de la pauvreté, de la faim, des travaux forcés qui sont les siens à longueur d'année. En même temps, elle se défoule de ses pulsions érotiques réprimées (accès au dossier "pulsion"). Et non seulement elle se libère elle-même, mais elle libère la communauté qui l'entoure, l'assiste, l'encourage, au son d'une musique rituelle, selon un cérémonial strictement codifié. En sorte que ce comportement, qui a l'air d'une explosion animale d'hystérie, est en réalité quelque chose qui tient à la fois du jeu théâtral tel qu'on le pratiquait dans l'antiquité et du psychodrame. Le village, après cette catharsis nécessaire, peut se remettre à vivre.

 

 

Le normal et le pathologique

 

La manière "correcte" d'être fou diffère donc selon les cultures, et les diverses affections que l'on vient de voir confirment la plasticité de l'expression psychiatrique. Cette plasticité est due au fait que le symptôme n'a pas d'existence en soi mais qu'il a une signification et une fonction pour le sujet et l'entourage auquel il est destiné.

Là où le psychiatre n'existe pas, la folie n'est pas une maladie! Elle est une déviance par rapport à la norme sociale. D'où la question centrale à laquelle se trouvent confrontés ethnologues et psychiatres: chaque civilisation ayant son propre système de normes, ce qui est normal dans une civilisation ne pourrait-il être considéré comme pathologique dans une autre, et vice versa?

 

L'anthropologue Américaine Ruth BENEDICT est l'une des premières à avoir posé cette question dans son étude: "Anthropology and the abnormal". Se référant à un certain nombre de faits relevés par les ethnologues, comme la normalité de la transe dans les sociétés shamaniques, celle de l'homosexualité dans les sociétés à "Berdoches", le caractère paranoïaque de la culture Mélanésienne (dobu) et l'approbation de la mégalomanie par les KWAKIUTL, elle en conclut que ce que nous considérons, en Occident, comme un ensemble de faits pathologiques, passe au contraire pour être tout à fait normal dans d'autres sociétés. C'est sans doute que le concept de "normal" est une variante du concept de "bon": une action normale est, selon Ruth BENEDICT, une action bonne, approuvée par la collectivité, en accord avec l'idéal du groupe. Mais si les théories, à la fois relativistes et statistiques, de Ruth BENEDICT et de l'école culturaliste Américaine (FROMM, HORNEY...) constituent une mise en garde utile contre l'ethnocentrisme des psychiatres, si elles nous apprennent à ne plus juger les autres hommes à partir de nos propres systèmes de valeurs, elles suscitent néanmoins certaines réserves.

 

Ainsi, l'ethnopsychiatre Georges DEVEREUX a mis en lumière le postulat caché de la théorie du relativisme culturel, à savoir que si les individus peuvent être malades, la société, elle, est toujours nécessairement normale.

Or si, comme le pense DEVEREUX, il existe des sociétés "malades", celui qui introjecte les normes du groupe, introjecte en lui des normes morbides. Ce serait ici la rébellion, et non l'adaptation, qui serait le véritable signe de santé. En refusant d'admettre qu'il existe des sociétés ou des fragments de sociétés tellement malades qu'il faut soi-même être bien malade pour pouvoir s'y adapter, la théorie culturaliste a fait la preuve de son insuffisance.

 

Une dernière question mérite enfin d'être posée: s'il est vrai que la folie, sous des formes diverses, variant d'une culture à l'autre, est un phénomène constant, ne peut-on pas considérer que certaines sociétés paient un tribut plus lourd à ce qu'il est convenu d'appeler la "pathologie mentale"? Bien que les études comparatives qui permettraient d'apporter des éléments de réponse fassent ici totalement défaut, il semblerait que les sociétés industrielles -beaucoup moins sécurisantes pour les individus que les sociétés agraires- apportent un surcroît de tension et de mal-être. Ce n'est sans doute que l'envers de la dynamique économique, sociale ou culturelle.

 

LES  RITES  DE  LA  MORT

(ou l'imaginaire culturel de la mort)

           

 

 

La mort en Europe...

 

... et le changement des attitudes devant la mort dans les sociétés occidentales: jusqu'alors, les sciences humaines avaient laissé quelques écrits littéraires ou théoriques sur la mort mais personne n'avait traité la mort réelle. E. MORIN est un écrivain qui, dans les années 1950, a traité de la mort non-plus d'un point de vue général, c'est à dire parler de la mort comme expression de la pensée, mais comme l'étude scientifique d'une évolution de toutes les formes de mort.

 

·  La dépossession du mourant : au moyen-âge et à la renaissance, l'homme savait qu'il allait mourir, et cela était naturel. Il y avait une participation du malade à sa mort lorsqu'il était lucide ou dans d'autres cas une tierce personne lui apprenait. Au 18e siècle, c'est le rôle de la famille de lui annoncer sa mort. Au 19e siècle, il faut un questionnement de la part du malade pour qu'on en parle, et souvent c'est le médecin qui en est chargé.

 

On note aussi à l'approche du décès 2 tendances: au 15e siècle, l'assistance qui se trouvait dans la chambre devait quitter les lieux afin que le malade se retrouve face à Dieu. Au 19e siècle, l'on mourrait en public et la chambre devenait un lieu public.

 

Actuellement, ce qui est connu du médecin et de la famille est désormais caché au mourant. On dissimule au malade la gravité de sa maladie. L'individu doit mourir dans l'ignorance de sa mort.

 

Pour le malade, la mort a eu des aspects différents suivant les époques. Dans la seconde moitié du moyen-âge, et durant la renaissance, la mort est le symbole de la puissance. On était maître dans la vie si on était maître dans la mort. Au 17e siècle, le malade partage sa mort avec sa famille. Il n'est plus le propriétaire de sa vie. Du 14e au 18e siècle, il y avait le testament qui était un moyen pour chacun de s'exprimer. C'était l'acte par lequel une personne dispose des biens qu'elle laissera en mourant. Après le 18e siècle, il n'y a plus d'écrit mais seulement des mots, des paroles. Au 20e siècle le malade est considéré comme un enfant qui est pris en charge totalement. La mort devient synonyme de maladie, de cancer. Tout ceci vient renforcer les consignes habituelles de silence par rapport à la mort. Cette clandestinité est l'effet d'un refus d'admettre tout à fait la mort de ceux qu'on aime. Autrefois la mort était une figure familière. On la voyait régulièrement, on vivait et on mourait devant les gens. Actuellement, le lieu moderne de la mort est l'hôpital. Il suffit seulement de la nommer pour provoquer une tension émotive. Il y a 2 manières de mal mourir: l'une consiste à rechercher un échange d'émotions, l'autre est de refuser de communiquer (accès au dossier "communication").

 

·  Le refus du deuil : le deuil fut jusqu'à nos jours synonyme de douleur. Celle-ci était l'expression la plus violente des sentiments spontanés. Au moyen-âge, on avait de grandes gesticulations. A partir du 13e siècle, les manifestations consistent en des pleurs. Plus tard, les testaments des 16e et 17e siècles nous détaillent des convois funèbres avec des personnages en pleurs. Au 18e siècle, on note l'absence des femmes aux obsèques. Depuis la fin du moyen-âge, la société a imposé à la famille une période de réclusion qui l'éloigne des obsèques. La femme voilée de noir apparaît aux yeux du monde comme le symbole de la douleur et de l'inconsolation. La réclusion sera transférée du plan physique au plan moral. Elle protégeait moins les morts de l'oubli qu'elle n'affirmait l'impossibilité des vivants à les oublier et à vivre comme avant leur départ.

 

Ainsi peut-on caractériser le rapport au deuil par une phase aiguë de spontanéité ouverte et violente jusqu'au 13e siècle, une phase longue de ritualisation jusqu'au 18e siècle, suivie d'une période de "dolorisme" exalté, sorte de paroxysme du deuil au 19e siècle, et enfin à présent l'interdiction qui caractérise les 20e et 21e siècles avec une fuite devant la mort. Car si par le passé le deuil était soit spontané soit imposé, il fut interdit au milieu du 20e siècle. La tendance actuelle serait plutôt de le recommander à nouveau, mais il convient de ne plus afficher sa peine. D'après G. GORER, sociologue Britannique, la mort est devenue le principal interdit du monde occidental. L'absence de familiarité avec la mort est due à l'accroissement de la longévité dans les sociétés industrielles. J. FOURCASSIE a démontré que le jeune homme d'aujourd'hui peut atteindre l'âge adulte sans jamais avoir vu mourir, et celui qui a déjà vu mourir s'empresse d'oublier. GORER explique que les intellectuels considèrent les funérailles et le deuil traditionnels comme des pratiques superstitieuses et archaïques. Pourtant, le désespoir lors d'un décès dans un milieu intellectuel s'explique par la privation de deuil rituel.

 

Depuis les années 1960, l'individu qui meurt sans savoir ce qui lui arrive est considéré comme privilégié. Auparavant, la toilette mortuaire était destinée à fixer le corps dans l'image idéale. En 1960, on considère le cadavre comme un malade et la toilette a alors pour but de dégager le corps des salissures de l'agonie (accès au dossier "agonie"). On cherche à donner l'image d'un presque vivant. Les 2 guerres mondiales ont été des accélérateurs d'évolution. La mort est devenue un tabou, et a remplacé le sexe comme principal interdit. Les enfants sont initiés très tôt à la physiologie de l'amour et de la naissance (accès au dossier "naissance"). Mais lors du décès d'un proche, on leur explique l'absence de l'être cher en parlant d'un voyage lointain. La société gomme les liens d'association entre l'idée de deuil et celle de maladie. Et paradoxalement, si l'hôpital est aujourd'hui l'endroit où l'on meurt le plus, on tolère de moins en moins d'y garder les corps.

 

 

La mort en Afrique noire

 

·  Généralités : la mort en Afrique noire est une affaire de groupe plus qu'une affaire individuelle. Elle n'est pas vécue comme un drame ni comme un phénomène naturel mais comme le résultat de maléfices sorciers. Elle conduit la personne choisie de par sa position sociale et la richesse de sa famille (mais aussi la nature de sa mort), au statut d'ancêtre. Ce statut s'acquiert selon un processus défini par le groupe: comment le défunt passe de la maison à la tombe? On attribue à cet ancêtre un savoir et un pouvoir. Celui de connaître l'avenir et d'assurer la continuité de sa famille. Se sentir protégé par un défunt évite sa rancune et une éventuelle vengeance. Pour se préserver des forces maléfiques, ils auront recours au port d'amulettes, à l'étude attentive des présages favorables et défavorables dans les plus petits évènements quotidiens. Ce culte des ancêtres permet de récupérer la force vitale des défunts pour accroître le pouvoir du groupe contre les forces de destruction et de désordre. Dans la théâtralisation des funérailles, on tue, on dénoue dans la mort ce qui lui reste de vivant, on tue les liens affectifs des survivants. C'est le moyen de faire passer le mort du statut de personne au statut d'ancêtre. L'organisation dans les sociétés Africaines repose sur une hiérarchie dépendant de la relation qui vous lie aux ancêtres. Les hommes adultes, gardiens des traditions, ont la charge du reliquaire: il contient les crânes de tous les ancêtres de la lignée. Au-dessous du reliquaire, se trouvent des figures qui sont à la fois gardiennes du reliquaire et représentation de l'ancêtre. Toutes les manifestations, par une ambiance appropriée, transmettent un message spécifique où chacun est spectateur et acteur. La mort y est toujours présente; le sorcier est le personnage-clé de ces spectacles. De plus, la participation intense avec le public, et la continuité avec la vie quotidienne sont utilisées dans la représentation de la mort.

 

·  La mort chez les SENOUFO : ils forment un peuple d'agriculteurs Africains. Ils considèrent la mort comme l'évènement le plus important de la vie, car il est le passage de la vie à la mort, puis de la mort à l'état de défunt, et enfin du statut de défunt à celui d'ancêtre (l'ancêtre est un être socialement très valorisé). L'inégalité devant la vie traduit une inégalité devant la mort (nourrissons et accidentés sont vite enterrés). L'agonisant est très assisté, puis le cadavre est lavé, préparé pour respecter scrupuleusement la forme du rite d'enterrement suivant la position que la personne occupait dans la vie. La mort est dédramatisée grâce à une tentative symbolique, voire magique de s'approprier une partie du savoir que le défunt est censé avoir sur la mort, et sur la vie.

 

Rapports entre les survivants et le défunt : les SENOUFO veillent en général l'agonisant car il ne doit pas mourir sans avoir dicté ses dernières volontés ou communiqué les causes possibles de sa mort à un camarade du même âge. Une fois mort, le cadavre est recouvert d'un pagne blanc. Vient alors l'annonce du décès officiel qui est sous la responsabilité de l'aîné du matrilignage appelé "chef du mort". Les enfants sont chargés de prévenir le village. A lieu ensuite la première toilette du défunt dans un endroit clos, par des femmes mais sous la direction de 2 membres du même sexe que le défunt. Tout ceci est accompagné par un orchestre. Le mort est rasé entièrement, lavé, enduit de beurre. Le conjoint est rasé également, et isolé en signe de deuil. Le cadavre est alors étendu dans une couverture blanche et exposé dans un vestibule où les visiteurs viendront le voir pour la dernière fois, et en particulier les filles du défunt: elles viennent à tour de rôle dire leur peine, relater la vie du mort, et demander pardon de leurs fautes. Dès l'annonce officielle d'un décès, chaque famille SENOUFO désigne un homme pour aider à creuser la tombe. La levée du corps ne sera effectuée qu'après la deuxième toilette du cadavre, alors dans un état de décomposition avancé. Avant de toucher le mort, les participants s'enduisent les mains et les pieds de bouse de vache pour se protéger des souillures éventuelles, des humeurs du cadavre. Débute alors la cérémonie de remise des pagnes. Chaque membre du lignage doit en apporter un, ainsi que les amis. Les enfants reçoivent quant à eux chacun un pagne du défunt. Il y a ensuite la fabrication d'un brancard sur lequel le corps sera transporté au cimetière (le défunt est transporté auparavant sur la place publique où l'assistance danse autour de lui au son des balafons). Le chef de lignage fixe après l'enterrement la date des funérailles qui sont exclusivement une fête où il n'y a aucun signe de deuil. Les funérailles ont pour fonction de donner au défunt le statut d'ancêtre. Toutes ses richesses seront détruites et consommées immédiatement dans le temps des funérailles. Ces dernières semblent servir à "tuer" socialement le mort, à l'expulser du monde des vivants pour le faire renaître sur un mode idéalisé: le monde des ancêtres. Les obsèques sont simplifiées dans les cas de décès jugés anodins (morts d'enfants) ou inquiétants pour la communauté (morts accidentelles, criminelles...). Dans ce cas il s'agit de se protéger de ces morts dont l'âme restera errante et agressive (accès au dossier "agressivité"). 

 

 

La mort en Asie

 

· Le mort et son double en pays TORADJA : les TORADJA vivent en Indonésie, dans l'île de Cébèbes. Lorsqu'un homme de la noblesse meurt, l'héritage n'est partagé qu'à la fin du rituel mortuaire, bien après le décès. En effet, l'exécution des rites funéraires n'a lieu qu'environ un an après. Jusqu'aux funérailles, l'homme pourrait se relever et aurait alors le droit de vivre comme avant. Il avait seulement de la fièvre, il était "malade". Il est d'ailleurs interdit de le dire mort. Ses enfants l'ont lavé, paré et exposé au centre de la maison. Il a le visage maquillé et ils ont déposé 3 pièces d'argent. Tout le monde vient lui rendre hommage. Puis il est enveloppé dans des bandelettes de fibres d'ananas et on le transporte dans la chambre. Il est alors placé sur des feuilles destinées à recevoir les sucs de décomposition. Les enfants n'oublient jamais de le nourrir tel un vivant et ceci pendant près d'un an. Pendant cette période la famille se réunit souvent pour choisir quel rituel mortuaire serait choisi. Il s'étalera sur plusieurs années, avec un passage symbolique de la maladie à la mort. Il est alors interdit de manger du riz pour participer à la cérémonie. La famille continue à nourrir le mort, sacrifie un buffle et plusieurs porcs. Des combats de coqs sont organisés et l'argent des paris est donné aux enfants pour les aider à célébrer la suite des funérailles. Quand la mise en tombeau arrive enfin, on se sépare du défunt en prononçant ces mots: "là, nous devons nous séparer. Nous, nous restons ici. Toi, vas dans ton nouveau monde."

 

·  Rites funéraires au Népal : c'est entre autre à travers les rites funéraires qu'apparaît la diversité culturelle du Népal. Chez les Tibétains du nord, bouddhistes, les morts sont enterrés au-dessus du village, sur une éminence. Les prêtres et les gens riches sont brûlés, les autres sont immergés dans une rivière en aval des habitations. Des secondes funérailles sont nécessaires afin que soient séparés le monde des morts et celui des vivants. Pour le bouddhiste, le corps humain est composé de 4 éléments: la terre, l'eau, le feu et le vent. Ces éléments soutiennent le corps comme des piliers. Sur le point de mourir, l'homme ne peut plus bouger car le pouvoir de l'élément terre est aboli. C'est alors que l'élément eau se manifeste et le moribond a l'impression de flotter dans une masse liquide. Puis le corps s'assèche, le feu prend place après l'eau, le mourant sent qu'une fumée légère l'enveloppe. Enfin, peu à peu la chaleur du corps se dissipe. Si elle se dégage vers le bas, c'est le signe d'une renaissance malheureuse, sous forme d'animal ou de démon. Vers le haut, la personne revivra comme un Dieu, un demi-Dieu ou un homme. A ce stade, l'esprit n'est plus supporté que par l'élément vent et l'agonisant voit des lueurs danser autour de lui. La respiration s'arrête après la disparition du vent. C'est la mort du corps physique et grossier, mais l'esprit continue de vivre dans ce que les Tibétains appellent "l'air subtil". La conscience du défunt se dissout en une douce quiétude (ataraxie) qui dure de 3 jours et demi à 4 jours. C'est là qu'un lama officiant intervient, et prépare le mort au "bardo", état transitoire de 49 jours avant la renaissance. Il récite à son oreille des instructions des livres des morts. Puis il y a intervention d'un lama "extracteur du principe conscient" et l'esprit doit s'échapper par l'ouverture de "brahma" située au sommet de la tête. Intervient enfin le lama dépeceur qui sera chargé de vérifier que le principe conscient est bien sorti par l'ouverture de brahma. Le corps est broyé et réduit en boulettes que les vautours feront disparaître.

Chez les Indo-Népalais, c'est l'indouisme qui prime. Les morts sont incinérés et jetés dans la rivière. Viennent ensuite les cérémonies qui visent à donner un corps à l'âme du mort et à l'aider à rejoindre le pays des ancêtres.

 

 

La mort en Amérique du sud

 

·  Rapports entre les morts et les vivants dans la cosmovision : les morts sont toujours présents dans la vie de ces peuples et ils représentent une certaine puissance. "Si les hommes respectent leurs ancêtres et les honorent, ceux-ci en échange les aideront à survivre". D'autre part, lorsque de grandes cérémonies sont organisées, les momies des ancêtres sont sorties et participent aux actes rituels. Les vivants lient la mort au présent et à l'avenir en déposant près de leurs morts tout un matériel funéraire: nourriture, alcool, graines... Cela a pour but de les protéger contre les aspects néfastes de la mort. Ces offrandes sont renouvelées plusieurs fois dans l'année. Il y a une différence au niveau des rites entre Mochicas d'une part et Incas et Indiens d'autre part. Pour ces derniers, l'âme subit un jugement et si elle est reconnue mauvaise, elle est condamnée à retourner expier ses fautes au village. Pour les "Mochicas", il n'y a pas de jugement d'âmes. Leurs 3 mondes: celui des vivants, celui des défunts et celui des ancêtres mythiques sont les 3 régions que les Mochicas traversaient en parcourant leur cycle de la vie et de la mort.

 

·  Les Mochicas : leurs cimetières contiennent de 10 à 100 tombes. Ils se trouvent sur les versants des vallées, ou près des centres cérémoniels. Les tombes sont signalées par des poteaux de grosse canne ou de bois. Les mieux aménagées ont des parois de brique (terre séchée). Elles sont recouvertes d'une construction en bois et en terre séchée. Les défunts sont déposés dans les fosses, protégés par leurs vêtements et plusieurs couches de tissu. Il y a aussi parfois des nattes ou des véritables contenants (cercueils) de canne. Le corps, vêtu et orné, est étendu sur le dos. La face est recouverte d'une poudre rouge (coquillage broyé). Parfois des masques protègent le visage et des pièces de métal sont placées dans la bouche. Il n'y a pas de distinction entre les sexes. Par contre des différences font état de la richesse; corps déposés à même le sol et peu de matériel funéraire pour les pauvres, vêtements et offrandes pour les riches. Des enfants, des femmes, des hommes et des animaux étranglés sont parfois déposés en sacrifice. Des ustensiles ou objets divers sont donnés en offrandes, comme des armes, des paniers, des instruments de musique, des cristaux, des colliers, des feuilles de coca, des calebasses avec de la nourriture, des vases... 

Les objets retrouvés dans les tombes sont néanmoins parfois différents de ceux qui étaient utilisés tous les jours. Car c'est leur fonction symbolique qui est recherchée ici et certains sont les signes d'appartenance à une classe sociale, d'autres sont des objets rituels ou ont une fonction d'échange entre les vivants et les ancêtres, par l'intermédiaire du défunt. Les rites suivent un calendrier cérémonial basé sur celui des tâches agricoles (saison sèche, saison humide). Ils sont pratiqués à l'occasion de la mort, de la naissance, du mariage et correspondent aux semailles, à la germination, à la maturation et aux récoltes. Ces rites établissent un rapport entre le cycle de la vie et de la mort, entre l'ordre de la nature domestiquée et celui du groupe social.

 

·  Les Incas : leurs tombes sont creusées dans le sol (sur la côte sèche) ou construites en pierre et en terre séchée (dans les hautes terres). La base est ronde ou carrée, le toit voûté. L'ouverture en est scellée. En cas de décès, les descendants se chargent des rites funéraires. Les entrailles du défunt sont déposées dans un récipient, et le corps est desséché. La momie est ensuite richement vêtue et promenée en procession dans les endroits fréquentés de son vivant. Pour les sacrifices, des femmes sont enivrées puis étranglées. Il y a un jeûne rituel, et des chants funèbres. Le mois de novembre est dédié aux défunts: les momies des ancêtres sont sorties et participent aux actes rituels. Elles ont un pouvoir sur leurs descendants. Elles sont responsables de l'ordre établi et de la survie des institutions en tant qu'intermédiaires entre l'origine et les hommes.

Les Incas comme les Mochicas font des offrandes à l'océan. Les Incas envoient par le fleuve les cendres des sacrifices et y noient les enfants. L'enfant qui retourne à la mer, c'est symboliquement la mort qui retourne à la vie. L'océan est la région intermédiaire entre les hommes et la source de vie.

 

·  Les Indiens : dans les cimetières, les tombes contiennent ou non un cercueil, suivant les possibilités financières du défunt. Le corps peut en effet être déposé à même le sol. Il est accroupi, la face protégée par du coton. Dans la bouche, des pièces de métal sont introduites. Le corps est recouvert de poudre rouge. Il n'y a pas de distinction entre les sexes. Par contre il y a des différences dues à la richesse. Les corps sont vêtus de leurs plus beaux costumes. Des sacrifices ont lieu, sur les animaux domestiques, les perroquets... De nombreuses femmes sont étranglées. Les offrandes consistent en vêtements, pièces de métal, jarres d'alcool, feuilles de coca... 

Dans les tombes d'enfants, il y a un bouton de fleur de kantu.

C'est en novembre que sont célébrés les rites de "l'ayamarca" (mort), avec chants, tambours, flûtes... Dans cette culture, la cause de la mort est la séparation des deux âmes (l'âme des origines et l'âme du défunt). Celle-ci entreprend le voyage de retour à son origine. L'âme doit traverser l'océan. Pour passer l'eau, elle a besoin d'un chien noir que le défunt a pris soin d'élever pendant son vivant. L'âme subit ensuite un jugement. Si elle y est jugée digne, elle rejoindra son lieu d'origine et fermera le cycle de vie. Si l'âme est jugée mauvaise, elle est condamnée à retourner expier ses fautes dans son village. Après avoir purgé sa peine, elle retourne rejoindre ses ancêtres.

Les Indiens croient en un retour des défunts la nuit du 1er au 2 Novembre. Cette coutume établit un contact entre le monde des vivants et celui des morts. Les âmes des ancêtres peuvent être propices ou maléfiques en réponse aux traitements qu'elles reçoivent de la part de leurs descendants. C'est un système complexe d'obligations réciproques. Les ancêtres sont puissants en tant qu'intermédiaires entre les hommes et l'origine de la vie. La lune est l'astre des défunts. Le chemin de la vie et de la mort est à l'image du chemin d'eau qui descend des sources dans les canaux d'irrigation de la vallée et va se perdre dans l'océan pour rejaillir à la prochaine saison humide.

 

 
 
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