L'encyclopédie des Sciences
  Neurologie
 

Neuropathies périphériques

Pr. Gilles Edan

Service de neurologie, CHU de Rennes, 2 rue Henri Le Guilloux, 35033 Rennes Cedex
 

 mis à jour le 1er août 1998

1 Définitions  
2 Diagnostic positif  
2.1 Les symptômes de polyneuropathies 
2.2 Les signes cliniques 
2.3 Les examens paracliniques 
3 Diagnostic différentiel 
3.1 Formes à prédominance motrice 
3.2 Formes à prédominance sensitive 
4 Diagnostic étiologique 
4.1 Le contexte 
4.2 Les données chronologiques 
4.3 Les données topographiques 
4.4 les données de l'examen de stimulo-détection 
4.5 L'étude du LCR 
5 Les polyneuropathies aiguës 
5.1 Les polyradiculonévrites aiguës inflammatoires 
5.2 Les porphyries 
5.3 Autres polyneuropathies aiguës 
6 Les polyneuropathies subaiguës (PNS) 
6.1 Les polynévrites 
6.2 Les multinévrites 
7 Les polyneuropathies chroniques 
7.1 Les polyneuropathies chroniques acquises 
7.2 Les polyneuropathies chroniques héréditaires 
Conclusion

1Définition

Désignent l'atteinte du système nerveux à partir de l'émergence des nerfs rachidiens constitués par la réunion des racines antérieures et postérieures à la sortie du fourreau dural. L'atteinte des racines rachidiennes et de la corne antérieure en est exclue.

2 Diagnostic positif

2.1 Les symptômes de Polyneuropathies

Les symptômes et signes de PN peuvent être de siège variable, mais habituellement intéressent les membres et sont plutôt distaux.

2.1.1 Les symptômes sensitifs

2.1.1.1 phénomènes négatifs :
 
- perte de la sensibilité tactile et du sens de position des articulations entrainant une difficulté à reconnaitre les objets au toucher, une impression de sentir à travers du coton ; la marche est instable, en particulier dans l'obscurité. Ces symptômes se rencontrent lors d'une atteinte des fibres myélinisées.
- perte de la sensibilité thermique et douloureuse favorisant des traumatismes et des brûlures non douloureuses et exposant au risque d'arthropathie nerveuse. Ces symptômes sont la conséquence d'une atteinte des fibres non myélinisées.
 
2.1.1.2 phénomènes positifs :
 
- paresthésies (fourmillements, sensations de coups d'aiguille et de pointes) témoignant d'une atteinte des fibres myélinisées.
- sensations douloureuses par atteinte des fibres non myélinisées, se traduisant par des brûlures des extrémités, des dysesthésies (quand le contact est douloureux), une hyperalgésie (quand le seuil de la douleur est abaissé), une hyperpathie (quand le seuil de la douleur est élevé mais une fois atteint le stimulus douloureux est excessivement ressenti).

2.1.2 Les symptômes moteurs

Le patient se plaint d'une faiblesse musculaire : difficulté à passer un trottoir si l'atteinte est distale aux menbres inférieurs (steppage), difficulté à monter un escalier si l'atteinte est proximale.

2.2 Les signes cliniques

2.2.1 Les signes moteurs

- paralysie ou parésie des membres : elle est non dissociée (touchant la motricité volontaire, automatique, réflexe), flasque (hypotonique), cotable à l'aide du testing :
0 = absence de contraction musculaire,
1 = contraction sans déplacement,
2 = déplacement uniquement si la pesanteur est éliminée,
3 = déplacement contre pesanteur,
4 = déplacement contre résistance,
5 = force normale.
- amyotrophie.
- réponse idiomusculaire normale.

2.2.2 Les reflexes ostéo-tendineux

Sont diminués ou abolis dans le territoire de lésion de l'arc réflexe en cause (++) :
- bicipital (racines C5, C6 - nerf musculocutané)
- styloradial (racines C5, C6 - nerf radial)
- tricipital (racines C7, C8 - nerf radial)
- cubitopronateur (racine C8 - nerf cubital)
- rotulien (racines L3, L4 - nerf crural)
- achilléen (racines S1, S2 - nerf sciatique)

2.2.3 Les signes sensitifs

- témoignant d'une atteinte des fibres myélinisées : hypoésthésies tactile, discréminative, pallesthésique (perception du diapason), altération du sens de position des articulations (sens proprioceptif).
- témoignant d'une atteinte des fibres peu ou non myélinisées : hypoesthésies thermiques (distinction chaud-froid) et douloureuses (distinction contact avec le coton-piqure)
 
Leur topographie doit être analysée : radiculaire, tronculaire, distale en chaussette (+++)...

2.2.4 Les signes neurovégétatifs

- troubles vasomoteurs : oedème, cyanose
- troubles trophiques : cutanés (peau sèche, squameuse, atophique), profonds (rétraction tendineuse, maux perforants plantaires)
- hypotension orthostatique, troubles du rythme cardiaque, troubles génito-sphinctériens...
 
Au terme de l'examen, on peut parfois regrouper les symptômes en :
- neuropathie atteignant les grosses fibres myélinisées ;
- neuropathie atteignant préférentiellement les petites fibres non myélinisées. on doit préciser le territoire des troubles neurologiques (++) :
=> atteinte bilatérale symétrique
=> atteinte asymétrique, à distribution tronculaire...

2.3 Les examens paracliniques

2.3.1 Les examens neurophysiologiques

2.3.1.1 L'électromyogramme
 
Confirme l'atteinte neurogène
 - au repos :
Sur un tracé normal = pas d' activité électrique.
Si atteinte neurogène, possibilité d'activités spontanées de fibrillations et de fasciculations témoignant d'une dénervation musculaire active par dégénerescence axonale.
- à l'effort :
Normalement tracé interférentiel.
Si atteinte neurogène, appauvrissement du tracé en unités motrices (tracé simple, tracé intermédiaire) et accélération de la fréquence des potentiels individualisés (sommation temporelle sans sommation spatiale) d'où les qualifications de tracé simple accéléré et de tracé intermédiaire accéléré.
 
De plus l'EMG donne des indications topographiques : distribution diffuse, tronculaire, radiculaire.
 
2.3.1.2 L'examen de stimulo-détection
 
Permet la mesure des vitesses de conduction motrice, des latences motrices et sensitives distales, de l'amplitude des potentiels moteurs et sensitifs (d'autant plus réduite que la perte en axones est importante).
 
Aux membres supérieurs : les valeurs normales (quelques exemples)
- vitesse de conduction motrice : N médian et cubital =>50 m/s
- latence motrice distale : N médian < 5 ms
- latence sensitive distale : N médian < 3 ms
- potentiels sensitifs au poignet :
=> N médian : amplitude 15-50 µv
=> N cubital : amplitude 10-40 µv
 
Aux membres inférieurs : les valeurs normales (quelques exemples)
- vitesse de conduction nerf sciatique poplité externe : > 40 m/s
- latence motrice distale du SPE : < 7 m
- latence sensitive distale du saphène externe : < 3 ms
- potentiel sensitif saphène externe : > 10 µv
 
L'intérêt de cet examen est de différencier :
- les neuropathies démyélinisantes (effondrement des vitesses de conduction)
- des neuropathies axonales (vitesses de conduction peu ou pas abaissées).

2.3.2 L' Etude du L.C.R.

A surtout un intérêt étiologique. Il peut montrer l'existence d'une hyperprotéinorachie, parfois la présence de cellules en excès.

2.3.3 La biopsie nerveuse

Elle aide à préciser le mécanisme de l'atteinte : démyélinisation, dégénerescence axonale remyélinisation, régénerescence axonale, lésions vasculaires...
Elle est utile à la discussion étiologique : infiltrat inflammatoire intersticiel, dépôt d'immunoglobulines ...

3 Diagnostic différentiel

3.1 Dans les formes à prédominance motrice, éliminer :

3.1.1 Les paralysies centrales

S'opposent point par point : sont ou deviennent spastiques, sont dissociées (en particulier la motricité reflexe est exacerbée) et non amyotrophiantes.

3.1.2 Les myopathies

Sont motrices pures (absence de troubles sensitifs, de troubles des ROT), intéressent surtout les racines avec abolition précoce de la réponse idio-musculaire.
Intérêt du dosage des enzymes musculaires, de L'EMG (++), de la biopsie musculaire.

3.1.3 La myasthénie

Est motrice pure, responsable d'une fatigabilité à l'effort. Intérêt du test à la prostygmine (qui corrige le déficit), de l'examen de stimulo-détection montrant une diminution transitoire des potentiels après stimulation répétitive du nerf.

3.1.4 Une maladie de corne antérieure

Est particulière par la présence de fasciculations ; le syndrome moteur périphérique est pur (au cours de la poliomyélite antérieure aigue, de la sclérose latérale amyotrophique).

3.2 Dans les formes à prédominance sensitive :

lorsqu'une aréfléxie est associée, on peut être amené à discuter une atteinte radiculo- cordonnale postérieure (Tabès, maladie de Biermer par carence en vit. B12)

4. Diagnostic étiologique

Il est difficile en raison de la grande variété des processus pathologiques en cause et nécessite une démarche rigoureuse, prenant en compte :

4.1 Le contexte

- antécédents familiaux de neuropathies périphériques
- les risques professionnels (exposition à des toxiques)
- prises médicamenteuses neurotoxiques
- maladies métaboliques et générales

4.2 Les données chronologiques

- évolution aiguë (plusieurs jours, quelques semaines)
- évolution subaiguë (plusieurs semaines, quelques mois)
- évolution chronique (plusieurs mois, quelques années)

4.3 Les données topographiques

- atteinte bilatérale et symétrique
- atteinte asymétrique, succession d'atteintes anarchiques de disposition tronculaire.

4.4 Les données de l'examen de stimulo-détection

- neuropathie axonale
- neuropathie démyélinisante ou myélinique

4.5 L'étude du LCR

- hyperprotéinorachie avec dissociation albuminocytologique, parfois avec hypercellularité
- souvent normal

5 Les polyneuropathies aiguës

- sont dominées par les polyradiculonévrites aiguës inflammatoires
- plus rarement une porphyrie aiguë intermittente est discutée

5.1 Les polyradiculonévrites aiguës inflammatoires

La plus fréquente est le syndrome de Guillain Barré (SGB) ; c'est une neuropathie démyélinisante, d'apparence primitive, bilatérale, symétrique, extensive et d'évolution potentiellement régressive.
Sur le plan pratique, la clef du diagnostic est la dissociation albumino-cytologique dans le L.C.R.. La conduite thérapeutique et le pronostic sont dominés par la possibilité d'une atteinte rapide de la commande cardio-respiratoire imposant un transfert urgent en service de réanimation.

5.1.1 Généralités

- Le terrain : le SGB s'observe à tout âge de la vie avec une égale fréquence dans les deux sexes, est précédé dans environ 50% des cas d'une infection virale des voies aériennes supérieures ou gastro-intestinale. Sa prévalence est d'environ 1 à 2 pour 100 000 habitants.
- les lésions sont aspécifiques, dispersées dans le SNP, associent la présence d'infiltrats inflammatoires lympho-monocytaires dans l'endonèvre, une démyélisation segmentaire respectant l'axone et une remyélinisation secondaire.
-L'étiologie et la physiopathologie restent inconnues... A partir du modèle expérimental animal (la neuropathie allergique expérimentale), une origine autoimmune a été évoquée, dirigée contre un ou des constituants de la myéline. Des inconnues persistent concernant le ou les déterminants antigéniques de la myéline périphérique, le type d'immunité en cause : cellulaire (les lymphocytes T), humorale (les immunoglobulines).

5.1.2 Le diagnostic positif de SGB

5.1.2.1 L'évolution passe par trois stades :
 
La phase d'installation (1 à 4 semaines)
 
Le début est souvent marqué par l'apparition de paresthésies des extrémités associées parfois à des douleurs (rachialgies, myalgies, radiculalgies). Secondairement apparait le déficit moteur : fatigabilité à la marche, paraparésie. L'atteinte motrice peut rester cantonnée aux membres inférieurs ou évoluer de manière ascendante touchant les membres supérieurs, le tronc et la face (la diplégie faciale étant l'atteinte la plus évocatrice). Sont particulièrement redoutées les atteintes motrices :
=> axiales (muscles abdominaux, diaphragme, muscles cervicaux), exposant aux risques d'insuffisance respiratoire aiguë,
=> oro-pharyngées responsables de troubles de la déglutition et de fausses routes.
 
La phase en plateau  (une à plusieurs semaines)
 
Le déficit moteur est fixé selon une intensité variable allant de la paraparésie simple à la quadriplégie totale chez un patient intubé, ventilé et alimenté par sonde gastrique en réanimation . Des complications peuvent survenir à ce stade :
=> infections respiratoires et urinaires
=> accidents thrombo-emboliques fréquents
=> dysautonomie cardio-vasculaire : tachyarythmie, poussées HTA
 
La phase de récupération (un à trois mois )
 
Elle est observée dans environ 80% des cas, mais il faut savoir :
=> qu'une réanimation respiratoire est nécessaire dans 15% des cas
=> que cette maladie est mortelle dans 5 à 10% des cas
=> que des séquelles sont possibles : déficit moteur (steppage)
=> qu'une rechute peut survenir dans 5% des cas.
 
5.1.2.2 Les critères diagnostiques
 
Sont nécessaires au diagnostic :
=> une paralysie progressive de plus d'un membre,
=> une aréflexie,
=> une durée de progression inférieure à 4 semaines,
=> l 'absence d'autres causes de neuropathie aiguë.
 
 Sont fortement suggestifs :
=> certains signes cliniques :
  •  la symétrie relative de l'atteinte,
  •  la présence de symptômes et signes sensitifs discrèts,
  •  l'atteinte des nerfs crâniens ( VII dans 50%)
  •  la dysautonomie: tachycardie, arythmie, hypoT. orthostatique, HTA.
  •  l'absence de fièvre au début

  • => une dissociation albumino-cytologique du LCR avec hyperprotéinorachie sans cellule (moins de 10) habituelle après une semaine d'évolution
    => une diminution des vitesses de conduction évoquant une neuropathie démyélinisante.
     
    5.1.2.3 Les formes cliniques de polyradiculonévrite inflammatoire aiguë :
     
    formes symptomatiques : motrices pures, ataxiques (trouble de la marche)
    formes topographiques :
    => mésencéphaliques, parfois limitées à l'atteinte des paires craniennes avec diplégie faciale, ophtalmoplégie externe, paralysie vélo-pharyngée
    =>  le syndrome de Miller-Fisher : associe une ophtalmoplégie externe bilatérale ,un syndrome cérébélleux statique, une aréflexie.
    formes biologiques
    => avec LCR normal ou avec hypercytose (habituellement < à 50 cellules)
    => avec hyponatrémie.

    5.1.3 La Maladie de LYME

    Peut donner une polyradiculonévrite (PRN) aigue, est secondaire à une piqûre de tique ; ces PRN sont atypiques, hyperalgiques, peu symétriques ; l'interrogatoire recherche la notion d'erythème au point de piqure.Une hypercytose est observée dans le LCR .La sérologie de Borrelia-Burgdorferi (spirochète) fait le diagnostic.

    5.2 Les porphyries

    Les porphyries sont des maladies génétiquement déterminées, intéressant le métabolisme de l'hème . Les troubles neurologiques s'observent essentiellement dans la porphyrie aigue intermittente et variégata.

    5.2.1 L'histoire neurologique

    La polyneuropathie porphyrique s'installe en quelques heures. Le début peut être marqué par des paresthésies, des douleurs des membres ou du tronc, ou être d'emblée moteur. Il s'agit d'une polyneuropathie essentiellement motrice, extensive, touchant les quatre membres avec parfois une prédominance sur les membres supérieurs (paralysie pseudo-radiale), les nerfs crâniens. Elle laisse volontiers comme séquelle une amyotrophie.
    L'attaque de porphyrie entraine la mort dans environ 25% des cas du fait d'arrêts cardiaque ou respiratoire. Chez les survivants, la neuropathie régresse après 2 à 3 semaines mais la récupération est lente et souvent incomplète. De nouvelles attaques peuvent survenir (en règle moins graves) si des mesures de prévention vis à vis des facteurs déclenchants ne sont pas rigoureusement suivies (cf ci-dessous).

    5.2.2 Les critères diagnostiques

    - Le déclenchement par la prise de certains médicaments, appartenant à toutes sortes de classes médicamenteuses (sédatifs, anticonvulsivants, sulfamides, antibiotiques, oestro-progestatifs), dans certaines situations : infection, grossesse, excès d'alcool.
    - L'existence d'autres manifestations cliniques : Troubles psychiques (confusion, troubles du comportement), crises d'épilepsie, crises douloureuses abdominales.
    - L'EMG montre une atteinte axonale sans ralentissement des vitesses de conduction.
    - La couleur brun-rouge des urines lorsqu'elles sont laissées à l'air pendant 24 H.
    - Les tests biologiques : élévation dans les urines des concentrations des précurseurs de l'hème
    (porphobilinogène, uroporphyrines, acide delta-amino-lévulinique) et baisse de l'activité uro-synthétase dans les globules rouges.

    5.3 Autres polyneuropathies aiguës

    5.3.1 Botulinique (claustridium botulinum)

    Due à une toxine qui se développe électivement dans les conserves et provoque initialement des troubles digestifs (paralysie du pharynx, bouche oesophagienne), des signes neuro-végétatifs (sécheresse des muqueuses), une paralysie de l'accommodation (mydriase aréflexique), puis une polyneuropathie motrice.

    5.3.2 Diphtérique (bacille de Loeffler)

    Un à trois mois apres l'angine, apparition d'une paralysie du voile du palais, puis de l'accommodation puis une neuropahie démyélinisante sensitive des membres inférieurs régressive sur 3 mois.

    6 Les polyneuropathies subaguës (PNS)

    Elles peuvent être symétriques : les polynévrites
    Elles peuvent être asymétriques : les multinévrites

    6.1 Les polynévrites

    Elles doivent faire rechercher une cause carentielle ou toxique. La topographie de l'atteinte et les déficits dominants dépendent de l'étiologie.

    6.1.1 Les polynévrites carentielles

    6.1.1.1 Avant tout la polynévrite alcoolique
     
    Elle réalise une polynévrite distale sensitivo-motrice et trophique des membres inférieurs (douleurs distales, hypoesthésie superficielle en chaussette, déficit des muscles de la loge antéro-externe entrainant un steppage à la marche, troubles trophiques importants, rétraction tendineuse) par dégénérescence axonale.
     
    Les critères diagnostiques :
    - la reconnaissance de l'alcoolisme : aveux d'intempérance, l'habitus (varicosités des pommettes, parotidose bilatérale, Dupuytren), la biologie (gamma GT, VGM augmentés)...
    - l'existence d'autres complications de l'éthylisme : Neurologiques (atrophie optique, psycho-polynévrite de Korsakoff), Digestive (pancréatite chronique, cirrhose du foie).
    - l'élévation de la pyruvicémie traduisant la carence en vit. B1
     
    Elle est lentement réversible au début après sevrage en boissons alcoolisées et vitaminothérapie
     
    6.1.1.2 Les autres carences en vitamines B1
     
    Donnent des tableaux similaires :
    - le béri-béri par carence d'apport
    - déplétion par vomissements prolongés
     
    6.1.1.3 Les autres carences vitaminiques
     
    - carence en vit.PP = pellagre = polynévrite sensitive avec syndrome confusionnel, diarrhée, troubles cutanés (érythème, éruption bulleuse).
    - carence en vit.B6 (pyridoxine) = polynévrite sensitive des patients traités par de fortes doses d'INH.

    6.1.2 Les polynévrites toxiques

    Peuvent être professionnelles, médicamenteuses ou accidentelles.
     
    6.1.2.1 Professionnelles
     
    Elles peuvent être dues :
    - au plomb, réalisant une neuropathie démyélinisante, se traduisant par une paralysie motrice pure, pseudo-radiale bilatérale, associée à des signes évocateurs : coliques, liseré gingival, HTA, anémie à hématies ponctuées, élévation de la plombémie et plomburie.
    - à l'acrylamide (ciment chimique, chez les ouvriers du batiment) responsable de troubles sensitifs avec ataxie et aréflexie dus à une dégénérescence axonale
    - au mercure : neuropathie motrice (ou sensitivo-motrice) associée à des lésions nerveuses centrales (délire, hallucination, syndrome pyramidal)
    - au sulfure de carbone (vulcanisation du caoutchouc, soie artificielle) se traduisant par une neuropathie sensitivo-motrice avec troubles psycho-intellectuels.
    - mais aussi aux insecticides (DDT), aux solvants (trichloro-éthylène)
     
    6.1.2.2 médicamenteuses
     
    Classiquement :
    - L'izoniazide (RIMIFON) par carence en vitamine B6
    - Nitrofurantoïne (FURADOINE) responsable d'une PN sensitivo-motrice favorisée par l'insuffisance rénale.
    - Les alcaloïdes de la pervenche : vincaleucoblastine (VELBE) et surtout vincristine (ONCOVIN) entraînant une neuropathie axonale avec paresthésies et aréflexie et secondairement une atteinte motrice.
     
    Plus rarement en cause les médicaments :
    - anticancéreux : cisplatine (CYSPLATYL), procarbazine (NATULAN)
    - cardio-vasculaires : maléate de péhexilline (PEXID), amiodarone (CORDARONE)
    - en rhumatologie : sel d'or , chloroquine
    - anti-infectieux : métronidazole (FLAGYL), chloramphénicol, éthambutol, streptomycine
    - anti-épileptiques : barbituriques, hydantoïnes ( souvent limité à une aréfléxie)
    - respiratoires : almitrine (VECTARION)
     
    6.1.2.3 accidentelles
     
    - La neuropathie arsenicale réalise une PN sensitivo-motrice des membres inférieurs associée à des troubles trophiques de la peau (hyperkératose palmo-plantaire) et des phanères.
    - Au thallium, la PN hyperalgique et extensive fait suite à une diarrhée profuse, est associée à une alopécie et perlèche (usage de dépilatoire).
    - Aux organo-phosphorés : (alcool frelaté, huiles alimentaires contaminées), la neuropathie est précédée de céphalée et de troubles digestifs et accompagnée d'un syndrome pyramidal.
     
    Au total l'enquête étiologique de ces polynévrites toxiques doit s'effectuer en collaboration avec :
    - le service de médecine du travail (origine professionnelle)
    - le service de pharmacovigilance (origine médicamenteuse)
    - le service de toxicologie (origine accidentelle).

    6.2 Les multinévrites

    Les multinévrites sont des neuropathies périphériques caractérisées par une distribution topographique tronculaire, multiple, asymétrique et non synchrone. Les atteintes de la micro-angiopathie diabétique et les lésions artériolaires des vascularites en sont un bon exemple.

    6.2.1 Les neuropathies diabétiques

    Il est plus juste de parler des neuropathies diabétiques que de la neuropathie diabétique tant est grande la diversité des symptômes, signes et formes cliniques que peuvent revêtir les manifestations neurologiques périphériques de la maladie diabétique. Elles sont favorisées par l'ancienneté du diabète (qu'il soit insulino ou non insulinodépendant), le mauvais équilibre glycémique ( qui multiplie par 2 sa prévalence par comparaison à un diabète bien équilibré). Une néphropathie y est associée dans 15% des cas et une rétinopathie dans 40% des cas.
     
    6.2.1.1 Les symptômes et signes neurologiques
     
    - Les troubles sensitifs sont habituellement au premier plan , avant tout subjectifs à type de douleurs et de paresthésies, de siège variable, mais prédominant aux membres inférieurs.
    - Les troubles moteurs sont moins fréquents réduits à un déficit discret dans le territoire névralgique
    - Les troubles trophiques sont remarquables par leur localisation au niveau des pieds et leur évolution sans manifestation douloureuse (entrainant ostéo-arthropathie, maux perforants plantaires)
    - Les troubles végétatifs sont évocateurs du diabète et peuvent affecter le tractus gastro-intestinal (diarrhée), l'appareil génito-urinaire (dysfonctionnement vésical, impuissance), le système nerveux autonome (hypotension orthostatique..)
    - Les examens neurophysiologiques montrent volontiers un ralentissement des vitesses de conduction sensitivo-motrices et l'étude du LCR une hyperprotéinorachie sans cellule.
     
    6.2.1.2 Les formes cliniques
     
    En fonction du tableau clinique rencontré, on distingue :
    - Les neuropathies distales et symétriques :
  • La plus fréquente est la neuropathie mixte sensitivo-motrice et autonome
  • La neuropathie sensitive pure
  • Exceptionnelles sont les neuropathies symétriques et distales à prédominance motrice ; les neuropathies à prédominance autonome

  • - Les neuropathies symétriques proximales motrices ("amyotrophie diabétique")
    - Les neuropathies focales et multifocales (Multinévrite diabétique)
  • La neuropathie motrice proximale asymétrique ( ex : affectant le nerf crural)
  • La neuropathie des nerfs crâniens ( III, IV, VII), parfois multiple,volontiers régressive
  • Les autres mononeuropathies se traduisant par des manifestations douloureuses intéressant un territoire tronculaire ou radiculaire.
  • 6.2.2 Les vascularites

    La neuropathie peut s'intégrer dans le cadre :
    - d'une artérite nécrosante ;
    - d'une vascularite lymphocytaire.
     
    6.2.2.1 Les artérites nécrosantes
     
    Sont liées à la formation de complexes immuns circulants, peuvent survenir de novo (le chef de fil est la périartérite noueuse) ou être secondaires à une maladie générale. Elles sont caractérisées par une nécrose de la paroi vasculaire avec infiltration leucocytaire, hémorragie, dépôts fibrinoïdes, et entraînent une neuropathie par un mécanisme ischémique.
     
    Le contexte :
    - est celui d'une maladie systémique (2/3 des cas) avec fièvre, perte de poids, asthénie, manifestations articulaires, cutanées et rénales, syndrome douloureux...
  • soit dans le cadre d'une PAN classique avec atteinte polyviscérale : rénale (80% des cas : protéinurie, cylindrurie, hématurie) ; cardiaque (70% des cas HTA, insuffisance cardiaque) ; cutanée (50% des cas : purpura, nécrose cutanée, nodule) ; gastro-intestinales (50% des cas : douleurs abdominales, troubles du transit). Une hyperéosinophilie est présente dans 30% des cas.
  • soit dans le cadre d'une autre connectivite : Polyarthrite rhumatoïde (complication fréquente), connectivite mixte, syndrome de Sjögren, lupus...
  • soit dans le cadre d'une autre vascularite nécrosante : Granulomatose de Wegener, artérites à cellules géantes, angiopathie de Churg et Strauss...

  • - parfois la neuropathie est isolée (1/3 des cas)
     
    Le tableau neurologique :
    - est habituellement celui d'une mononévrite multiple d'installation brutale (multinévrite dans les 2/3 des cas) avec une atteinte dans les territoires du sciatique poplité externe (75%), du cubital (25%), des nerfs sciatique poplité interne, médian, crural et radial (10% pour chacun de ces territoires). Les examens neurophysiologiques orientent vers une neuropathie axonale et l'étude du LCR est normal.
    - parfois le tableau est plus trompeur, se traduisant par une mononévrite, voire une neuropathie distale et symétrique sensitive ou sensitivo-motrice...
     
    Les critères diagnostiques reposent sur :
    - les aspects artériographiques au niveau de certains territoires lésés (rénal, cérébral...) montrant de multiples lésions sur les artères de petit et moyen calibre : anévrismes, irrégularités de calibre, thrombose.
    - la biopsie d'un organe lésé (nerf périphérique muscle,...) ; lorsque la neuropathie est isolée, la biopsie musculaire permet de reconnaître les lésions évocatrices dans 80% des cas et la biopsie nerveuse dans 50% des cas (lésions inflammatoires segmentaires des artères épi et périneurales, dégénérescence axonale aiguë, atteinte axonale prédominant sur les fibres myélinisées de gros calibre, asymétrie des lésions d'âge différent.)
     
    6.2.2.2 Les vascularites lymphocytaires
     
    Elle peut accompagner certaines maladies parasitaires ou infectieuses comme la maladie de Chagas, la lèpre, la maladie de Lyme, des infections à rétro-virus. Leur rôle dans le développement de la neuropathie est moins clairement établi......

    7 Les polyneuropathies chroniques

    Elles regroupent les polyneuropathies dont l'évolution se fait sur plusieurs années
    On distingue :
    - Les polyneuropathies chroniques acquises
    - Les polyneuropathies chroniques héréditaires

    7.1 Les polyneuropathies chroniques acquises

    Elles conduisent à considérer plusieurs cadres pathologiques :

    7.1.1 Les PNC avec paraprotéinémie

    La paraprotéine est mise en évidence sur l'électrophorèse des protéines ; son caractère monoclonal est reconnu grace à l'immunoélectrophorèse. Parfois il s'agit d'une cryoglobuline, soit polyclonal (cryoglobuline mixte), soit monoclonal. Ces paraprotéines peuvent se rencontrer dans le cadre :
    - d'une gammapathie monoclonale de cause inconnue (gammapathie monoclonale "bénigne", sans syndrome tumoral ) ; il s'agit habituellement d'une IgG, rarement d'une IgA, parfois d'une IgM Kappa (ayant volontiers une activité anti-MAG).
    - d'un myélome multiple où la neuropathie peut être la conséquence d'une amylose secondaire ou directement liée à l'activité anticorps de la paraprotéine ; il s'agit le plus souvent d'une IgG lambda. Un syndrome particulier a été rapporté sous le sigle "POEMS", associant P pour polyneuropathie (progressive, sensitivo-motrice, démyélinisante), O pour organomégalie (hépato-spléno-adénomégalie), E pour endocrinopathie (gynécomastie, impuissance, aménorrhée), M pour myélome, S pour "skin changes" (mélanodermie, hypertrichose). Le pronostic est sombre malgré l'amélioration transitoire obtenue par les corticoïdes et la cyclophosphamide.
    - d'une macroglobulinémie de Waldenström ; le tableau neurologique peut être variable fonction du mécanisme physiopathologique : rarement un syndrome de Guillain Barré, parfois un tableau de multinévrite (par infiltration multifocal du SNP), enfin réaliser une neuropathie progressive sensitivo-motrice (possiblement secondaire à une activité anticorps antimyéline)

    7.1.2 Les neuropathies paranéoplasiques

    Désignent les neuropathies en rapport avec une néoplasie maligne, mais non liées à l'envahissement direct du SNP par la tumeur. Leur diagnostic est souvent difficile car elles peuvent précéder de plusieurs mois ou années la découverte du processus tumoral. Leurs mécanismes physiopathologiques demeurent inconnus même si une origine auto-immune a pu dans certains cas être évoquée. Elles sont suspectées surtout chez les sujets âgés de 50 à 60 ans.
    Elles sont le plus souvent en relation avec un cancer pulmonaire (habituellement à petites cellules), plus rarement à d'autres cancers solides, exceptionnellement accompagnent un lymphome, une leucémie .
    Elles peuvent réaliser des tableaux neurologiques divers : une polyradiculonévrite aiguë type Guillain Barré, une neuropathie aiguë sensitive, une dysautonomie, une neuropathie chronique progressive ou à rechute .

    7.1.3 Les neuropathies chroniques de causes diverses

    Où le diagnostic est fonction du contexte :
    - accompagnant une affection générale chronique : maladie coeliaque, sarcoïdose, amylose primitive, cirrhose biliaire primitive, alvéolite fibrosante...
    - complicant une affection métabolique : outre le diabète, l'insuffisance rénale chronique, le myxoedème, l'acromégalie...

    7.1.4 Les neuropathies chroniques acquises de cause indéterminée

    Elles occupent une place importante puisque leur incidence est évaluée selon les séries entre 30 et 60%. On distingue :
     
    - Les NCA de cause indéterminée avec dégénérescence axonale
    Représentent environ 15 à 20% des cas. Elles réalisent un tableau de polyneuropathie sensitivo-motrice symétrique à prédominance distale, habituellement peu invalidante, survenant chez un adulte de 50 à 60 ans. Les études longitudinales ont montré qu'une cause était reconnue secondairement une fois sur trois ( carcinome, toxique, paraprotéine), que la maladie deumeurait apparemment primitive dans les 2/3 des cas posant le problème de l'existence d'une neuropathie chronique axonale essentielle.
     
    - les polyneuropathies chroniques inflammatoires démyélinisantes
    Représentent environ 20 à 30% des NCA . Le mode évolutif est variable : à rechute dans 1/3 des cas, le plus souvent continu progressif. Le tableau clinique est celui d'une polyneuropathie sensitivo-motrice distale et proximale conduisant à une invalidité notable dans 1/3 des cas. Le caractère démyélinisant est affirmé par les examens neurophysiologiques ( ralentissement des vitesses de conduction) ; une hyperprotéinorachie autour de 1,5 gr est observée dans 90% des cas et une hypercytose discrète dans le LCR une fois sur 10. La biopsie nerveuse montre la présence de cellules inflammatoires dans l'endonèvre une fois sur deux, des lésions de démyélinisation et de remyélinisation (bulbes d'oignon) mais aussi des lésions de dégénerescence axonale.

    7.2 Les polyneuropathies chroniques héréditaires

    Elles sont une des causes principales des neuropathies dans l'enfance et chez l'adulte jeune.
    On peut distinguer :
    - Les PNC dues à un désordre métabolique spécifique
    - Les PNC de cause inconnue

    7.2.1 Les PNC dues à un désordre métabolique spécifique

    Peuvent être en relation avec :
     
    7.2.1.1 des anomalies du métabolisme lipidique
     
    Les leucodystrophies :
    - La leucodystrophie métachromatique (transmission autosomique récessive) se révèle dans l'enfance, parfois à l'age adulte. Le tableau neurologique est dominé par une tétraparésie progressive, une détérioration intellectuelle, des myoclonies, une surdi-mutité. La neuropathie est au second plan. Elle est secondaire au dépot de sulfatides dans le nerf périphérique en relation avec un déficit de l'aryl-sulfatase A (que l'on peut mesurer au niveau des leucocytes et des fibroblastes)
    - La leucodystrophie à cellules globoïdes (maladie de Krabbe à transmission autosomale récessive). Le tableau neurologique est proche du précédent. Elle est secondaire aux dépots de cérébrosides en relation avec un déficit en galacto-cérébroside béta galactosidase.
    - L'adrénomyéloneuropathie (transmission récessive lié à l'X) est une leucodystrophie apparaissant chez l'adulte dont le tableau clinique lentement progressif associe une insuffisance surrénale, une paraparésie spastique, une polyneuropathie distale, une ataxie cérébelleuse, une détérioration intellectuelle variable ; elle est secondaire à une surcharge en ester de cholestérol à chaine longue (en relation avec un déficit des enzymes péroxyzomales perturbant la béta oxydation des acides gras à chaine longue (C26 à C22).
     
    L'abétalipoprotéinémie de Bassen-Kornsweig (transmission autosomale récessive).
    La neuropathie est également associée à d'autres signes neurologiques et systémiques : ataxie cérébelleuse, déficit musculaire diffus (ptosis, ophtalmoplégie, parésie faciale, déficit distal), neuropathie sensitivo-motrice, babinski, nystagmus, dégénérescence rétinienne, myocardiopathie. Le diagnostic est reconnu sur la présence d'une acanthocytose des hématies, de l'hypolipidémie par malabsorbtion en relation avec un défaut de synthèse de l'apoprotéine B.
     
    La maladie de Refsum (transmission autosomale récessive)
    Débutant entre 10 et 30 ans, la neuropathie distale à prédominance motrice est associée à une surdité, une rétinite pigmentaire (qui précède parfois l'atteinte neurologique), une ataxie cérebelleuse, une myocardiopathie. Elle peut évoluer par poussées. Elle est secondaire à un défaut de l'alpha-oxydation de l'acide phytanique dont la signature est une élévation de l'acide phytanique dans le sang.
     
    7.2.1.2 des neuropathies amyloides familiales :
     
    Plusieurs formes ont été rapportées (Portugaise-type I ; Indienne-type II...). Cette affection autosomique familiale débute autour de 30 ans ; elle réalise une neuropathie sensitivo- motrice et végétative évoluant vers la cachéxie et la mort en une quinzaine d'années. Le diagnostic repose sur la biopsie cutanée qui objective les dépots amyloïdes.
     
    7.2.1.3 plus rarement et en fonction d'un contexte particulier seront évoqués :
     
    - une maladie de Tangier (A alpha lipoprotéinémie)
    - une maladie de Fabry ( déficit en céramide trihexosidase)
    - les myopathies mitochondriales
    - les défauts de réparation du DNA (une Xéroderma pigmentosum, une ataxie télangiectasie, un syndrome de Cockayne)

    7.2.2 Les PNC héréditaires de mécanisme non élucidé

    7.2.2.1 Les neuropathies motrices et sensitives héréditaires (NMSH)
     
    Le tableau clinique est identique. L'atteinte motrice touche les membres inférieurs de façon symétrique : les pieds puis les jambes (atrophies péronières). L'atrophie ne remonte pas plus haut que le 1/3 inférieur de la cuisse et intéresse tardivement les membres supérieurs . L'évolution est très lente. On distingue :
    La NMSH de type I (forme hypertrophique de la Maladie de Charcot-Marie et Tooth)
    La plus fréquente, débutant à l'adolescence, de transmission le plus souvent autosomale dominante, associée à une hypertrophie des troncs nerveux et un ralentissement des vitesses de conduction nerveuse ;
    La NMSH de type II (forme axonale de la maladie de Charcot-Marie-Tooth) se différencie du type I par un début plus tardif et l'absence de ralentissement des VCN ;
    La NMSH de type III (Maladie de Déjerine-Sottas) est une forme sévère du type I à début plus précoce et génétiquement hétérogène.
     
    7.2.2.2 Les neuropathies héréditaires sensitives et autonomes (NHSA)
     
    NHSA de type I (Maladie de Thévenard) est une affection autosomique héréditaire qui se manifeste vers la 3è décennie. Sa traduction essentielle est la présence de maux perforants plantaires et une hypoesthésie thermique et douloureuse en chaussette.
    NHSA de type II (Maladie de Morvan) est proche de la précédente mais de transmission autosomale récessive et à révélation plus précoce.
    NHSA de type III (dysautonomie familiale ou syndromle de Riley-Day) concerne surtout des enfants juifs ; elle est caractérisée par une atteinte prévalente du SNA avec dysrégulation thermique, hypotension orthostatique, troubles de la sudation et une insensibilité à la douleur.
     
    En réalité il est bien difficile de décrire l'ensemble des situations cliniques rencontrées dans ce cadre pathologique. Les diverses classifications proposées ne couvrent qu'imparfaitement les réalités complexes de ces neuropathies en attente d'une définition étiopathogénique.

    Conclusion

    Ainsi , par l'analyse de l'évolution et de la topographie, en séparant les maladies aiguës réversibles des maladies au long cours, les atteintes systématisées (bilatérales et symétriques) des atteintes localisées (tronculaires, de répartition capricieuse) une orientation peut être donnée généralement au diagnostic étiologique des polyneuropathies. Dans un certain nombre de cas cependant , aucune étiologie ne peut être décelée.



    Myopathies

    Dr. Véronique de Deburghgraeve, Dr. Serge Belliard

    Service de neurologie, CHU de Rennes, 2 rue Henri Le Guilloux, 35033 Rennes Cedex
     

    mis à jour le 14 octobre  1999

    1 Les myopathies héréditaires
    1.1 Dystrophies musculaires de l'enfant
    1.2 Dystrophies musculaires de l'adulte
    1.3 Les myopathies congénitales
    1.4 Les myopathies métaboliques
    2 Les myopathies acquises
    2.1 Myopathies endocriniennes
    2.2 Myopathies toxiques médicamenteuses
    2.3 Myosites

    1 Les myopathies héréditaires

    Ce sont des affections chroniques, pour lesquelles on retrouve le plus souvent des antécédents familiaux, et une évolution progressive vers l'aggravation.

    1.1 Dystrophies musculaires de l'enfant

    1.1.1 La maladie de Duchenne

    C'est la plus fréquente et la plus sévère des myopathies de l'enfant avec une prévalence de 2 à 3 cas pour 100 000 individus (1 naissance male pour 3500).
    C'est une affection récessive transmise par le chromosome X ; le locus responsable de maladie de Duchenne est situé sur le bras court du chromosome X (X p21) ; ceci se traduit sur le plan structural par un déficit en dystrophine ; cette protéine est normalement présente dans le muscle strié, le coeur et le système digestif et est indispensable au maintien de l'architecture cellulaire.
     
    Signes cliniques :
    - le début se fait avant 5 ans
    - l'atteinte de la ceinture pelvienne prédomine initialement avec des troubles de la marche qui est dandinante, une hyperlordose, des difficultés à monter les escaliers, à se relever de la position accroupie.
    - s'y associe une pseudohypertrophie des deltoïdes et des mollets d'où le nom de dystrophie musculaire pseudohypertrophique.
    - un retard intellectuel est possible ; des troubles cardiaques sont fréquents (trouble de la conduction, du rythme).
     
    L'EMG confirme l'atteinte myogène.
    Les enzymes musculaires sont très élevés en particulier les CPK
    La biopsie musculaire confirme l'atrophie myogène avec nécrose, prolifération conjonctive et lipomateuse.
     
    Evolution : la mache est perdue vers l'âge de 10 ans, avec à long terme atteinte de l'ensemble des muscles axiaux, des deux ceintures, atteinte cardiaque et respiratoire.
    Il n'existe pas de traitement curatif ; des espoirs sont placés dans la thérapie génique et les greffes de myoblastes ; le traitement est palliatif : prévention des rétractions, apport des aides techniques, kinésithérapie, surveillance cardiaque.
    Le recours au conseil génétique est donc capital.
    Après la naissance d'un enfant atteint d'une myopathie de Duchenne, une enquête familiale doit être faite avec recherche, en particulier, des femmes transmettrices ; dans environ 1/3 des cas il s'agit d'une mutation survenue au cours de l'embryogénèse et la mère n'est pas transmettrice ; pour les 2/3 des cas la mère est transmettrice. L'enquête se basera sur les antécédents, l'étude clinique (environ 10% des femmes transmettrices présentent de discrets signes cliniques), le dosage des CPK qui peuvent être augmentés chez les mères transmettrices. Surtout actuellement, c'est l'étude du génotype à la recherche de l'anomalie génique.
    En cas de grossesse d'une mère transmettrice, l'étude du liquide amniotique permet l'identification du sexe. S'il s'agit d'un garçon, la biopsie de trophoblaste permet de savoir s'il est ou non porteur de l'anomalie génique ; en fait actuellement on aura souvent recours directement à la biopsie de trophoblaste.

    1.1.2 La dystrophie de Becker

    Elle est considérée comme une variante bénigne de la myopathie de Duchenne. L'anomalie génique se situe sur le même locus C bras court du chromosome X (X p21) avec une transmission récessive liée à l'X.
    Sur le plan strucural il n'existe pas, comme dans le dystrophie de Duchenne, un déficit complet en dystrophine ; la dystrophine est présente mais en quantité insuffisante ou de structure anormale.
    Le début de la symptologie est plus tardive (entre 5 et 15 ans) avec une évolution plus lente.
    Il existe en fait de nombreuses formes intermédiaires entre ces deux entités de dystrophie.

    1.2 Dystrophies musculaires de l'adulte

    1.2.1 Dystrophie myotonique de Steinert

    Affection relativement fréquente. Début : adulte jeune.
    Transmission autosomique dominante (chromosome 19)
    La clinique associe :
    - un déficit musculaire prédominant en distal (main, avant bras) avec atrophie, atteinte de la face (visage, émacié, mâchoire tombante, ptosis), des muscules du cou ; dans les formes anciennes, trouble de la déglutition, dysarthrie.
    - une myotonie, c'est-à-dire, une lenteur anormale à la décontraction musculaire (recherche en faisant serrer la main du malade). Elle est souvent discrète.
    Les signes associés : cataracte - calvitie - atteinte cardiaque avec anomalie de la conduction - déficit intellectuel - stérilité par insuffisance gonadique.
    L'EMG retrouve des signes myogènes et des salves myotoniques
    La biopsie confirme le diagnostic.
    Les enzymes musculaires sont normales.
    L'évolution est variable mais peut conduire à une invalidité importante.
    Il n'existe pas de traitement curatif : traitement palliatif et surveillance cardiaque, ophtalmologique.
    Le recours au conseil génétique est important.

    1.2.2 Dystrophie facioscapulo-humérale de Landouzy-Déjerine

    Maladie assez rare, d'expression clinique variable. Transmission autosomique dominante.
    Début à l'adolescence, l'adulte jeune (<30 ans). Atteinte faciale et de la ceinture scapulaire, avec mobilité faciale réduite, difficulté à siffler, à occlure les paupières.
    L'évolution est lente mais une invalidité importante est possible.
    Les enzymes musculaires sont normales.

    1.2.3 Myopathies des ceintures

    Elles sont caractérisées par un début entre 20 et 30 ans ; une hérédité variable, le plus souvent autosomique récessive, avec une atteinte de la ceinture pelvienne initiale puis scapulaire. Les enzymes sont normales ou peu augmentées. L'évolution est lente.
    Il s'agit en fait d'un groupe dont l'individualisation correspond plus à une description clinique ; l'étiopathogénie n'étant pas encore clairement élucidée.

    1.3 Les myopathies congénitales

    Elles correspondent à un groupe de myopathies hétérogènes dont l'individualisation repose sur la mise en évidence, grâce aux techniques histoenzymologiques et ultrastructurales, d'anomalies structurales définies : on distingue ainsi par exemple, la myopathie à batônnets avec mise en évidence de batônnets sur la biopsie musculaire, la myopathie à core centrale.
    Sur le plan sémiologique on distingue : un tableau d'hypotonie infantile qui peut être grave avec détresse respiratoire ; une forme de l'enfant ou de l'adulte jeune avec une atteinte progressive des deux ceintures pouvant s'associer à une atteinte oculomotrice externe.
    L'évolution est en générale assez lente, nettement moins grave que celle des dystrophies musculaires.
    La transmission est variable suivant le type de myopathie.

    1.4 Les myopathies métaboliques

    Elles sont dues à des déficits enzymatiques qui siègent sur les voies métaboliques permettant au muscle de produire de l'énergie. Ainsi les voies qui peuvent être touchées sont la glycolyse et la glycogénolyse (glycogénose), mais aussi celles intervenant dans le transport et l'oxydation des acides gras dans la mitochondrie (myopathies mitochondriales).

    1.4.1 Les glycogénoses

    La glycogénose de type 2 : maladie de Pompe. Correspond à un déficit en maltase acide ; la transmission est autosomique récessive.
    Deux tableaux possibles :
    - chez l'enfant un tableau d'hypotonie généralisée avec atteinte cardio-respiratoire d'évolution rapidement fatale.
    - chez l'adulte, un tableau de myopathie des ceintures avec atteinte respiratoire, macro-glossie.
     
    La glycogénose de type 5 : maladie de Mac-Ardle. Déficit en phosphorylase ; la transmission est autosomique récessive. Débute à l'adolescence ou dans l'enfance.
    Patient se plaignant de douleurs musculaires à l'effort avec crampes. Peut être suspectée par l'absence d'élévation de l'acide lactique à l'effort.

    1.4.2 Myopathies mitochondriales

    Elles forment un groupe d'affections hétérogènes qui ont en commun la mise en évidence d'anomalies de la mitochondrie sur la biopsie musculaire, avec présence de fibres rouges, déchiquetées, qui correspond à l'accumulation de ces mitochondries anormales.
    L'âge de début est très varié, de la naissance à l'âge adulte.
    Les signes cliniques sont variables ; il faut y penser devant une intolérance à l'effort avec myalgie, une atteinte des mouvements oculaires isolée ou associée à une atteinte des ceintures.
    Ces myopathies mitochondriales peuvent aussi s'intégrer dans des tableaux plus complexes avec des signes neurologiques centraux (ataxie, crise comitiale ...) et signes sensoriels (rétinopathie, surdité).
    La transmission se fait par voie maternelle.
    Le diagnostic est porté sur :
    - des arguments anatomopathologiques avec mise en évidence de fibres rouges déchiquetée : ragged red fibers.
    - l'élévation anormale de l'acide lactique au repos et à l'effort.

    2 Les myopathies acquises

    2.1 Myopathies endocriniennes

    Elles se développent habituellement de façon lentement progressive avec atteinte de la musculature proximale et régressent avec la correction du trouble endocrinien ; elles peuvent être la seule manifestation de l'endocrinopathie.
    Hyperthyroïdie : elle s'intègre alors aux autres signes de la maladie de Basedow ; avec déficit proximal (signe du .tabouret) ; on peut aussi rencontrer des atteintes aiguës dues à une hypokaliémie.
    Hypothyroïdie : peut se compliquer de myopathie à forme soit hypotrophiante soit hypertrophiante, associée à des crampes, des phénomènes pseudo-myotoniques.
    Hypoparathyroïdie ; l'ostéomalacie.
    Hypercortissisme de la maladie de Cushing.

    2.2 Myopathies toxiques médicamenteuses

    L'alcool peut induire différentes formes de myopathie ; une myopathie chronique, une myopathie aiguë nécrosante, une myopathie par le biais d'une hypokaliémie.
    Les tableaux de myopathie chronique se rencontrent avec les traitements associants : corticoïdes au long cours, cyclosporine, chloroquine.
    Les myopathies peuvent survenir dans le cadre d'hypokaliémie iatrogène : diurétique, laxatif, réglisse.
    Les tableaux de myopathie subaiguë peuvent se rencontrer avec : clofibrate, lithium.
     
    Cas de la myopathie aiguë avec myoglobinurie. Ce sont les cas de rhabdomyolyse (destruction aiguë importante des fibres musculaires) ; elle s'accompagne d'une libération en excès de myoglobine (pigment des muscles striés) avec passage dans les urines, myoglobinuries ; les étiologies de ces rhabdomyolyses sont diverses : traumatique, toxique, inflammatoire, idiopathique.
    Le risque est celui de l'insuffisance rénale par nécrose tubulaire liée à la myoglobinurie, quelque soit l'étiologie.

    2.3 Myosites

    Ce sont des affections acquises caractérisées par :
    - une destruction des fibres musculaires
    - des lésions inflammatoires du tissu intersticiel.

    2.3.1 Polymyosites et dermato-myosites

    Les polymyosites appaissent comme des maladies auto-immunes ; elles sont fréquemment associées à d'autres affections :
    - aux collagénoses (LED, PAR ..)
    - aux néoplasies ; ainsi après 40 ans un cancer viscéral serait associé dans 5 à 25% des cas à des cas de polymyosite.
    - à d'autres affections comme la sarcoïdose.
    La fréquence de ces associations impose de les rechercher systématiquement avant de parler de polymyosites idiopathiques, en particulier la recherche d'une néoplasie profonde est capitale. Le début se fait en général après 40 ans ; la femme est plus souvent atteinte ; on individualise des formes aiguë, subaiguë et chronique.
    Au plan clinique elle associe :
    - une atteinte musculaire, touchant les racines, parfois la face avec dysarthrie; dysphagie douloureuse ; myalgies spontanées ou provoquées.
    - parfois une atteinte cutanée, on parle alors de dermato-myosite. Rash érythémateux du visage, dos des mains, des paupières ; favorisé par le soleil.
    La biologie retrouve :
    - une élévation inconstante de la VS.
    - une élévation des CPK
    L'EMG est myogène ; la biopsie musculaire confirme le diagnostic.
    Le traitement : corticoïdes, voire immunosuppresseurs.

    2.3.2 Autres myosites inflammatoires

    Traduits par un syndrome déficitaire, douloureux, musculaire, dans un contexte inflammatoire.
    Virale :
    - coxsachie : myalgie épidémique de Borholm avec céphalées, fièvre, douleurs diffuses pouvant être associée à une hépatite, une méningite, une myocardite.
    - influenza virus
    - HIV : s'observe à tous les stades de l'infection.
    Parasitaire :
    - trichinose
    - cysticercose.


    Myasthénie

    Dr. Véronique de Deburghgraeve, Dr. Serge Belliard

    Service de neurologie, CHU de Rennes, 2 rue Henri Le Guilloux, 35033 Rennes Cedex
     

    mis à jour le 3 août  1998

    1 Etiologie 
    1.1 Rappel 
    1.2 Cas de la myasthénie 
    2 Tableau clinique 
    2.1 le terrain 
    2.2 la sémiologie 
    2.3 L'examen clinique 
    3 Les examens complémentaires
    3.1 A visée diagnostique 
    3.2 Examen dans le cadre du bilan 
    4 Evolution 
    5 Diagnostic différentiel 
    6 Traitements 
    6.1 Traitement symptomatique 
    6.2 Traitements à visée étiologique 
    7 Conclusion

    La myasthénie est caractérisée par un déficit moteur apparaissant à l'effort ; c'est la notion de fatigabilité anormale à l'effort. Elle est due à un bloc de transmission neuro-musculaire.

    1 Etiologie

    1.1 Rappel

    La synapse neuromusculaire est le point de contact entre la terminaison nerveuse (région présynaptique) et la plaque motrice, région différenciée de la fibre musculaire. La terminaison nerveuse contient de nombreuses vésicules qui secrètent un neuromédiateur, l'acétylcholine ; ce neuromédiateur est normalement libéré au niveau de la synapse à l'arrivée de l'influx nerveux, et induit une dépolarisation au niveau de la plaque motrice, qui a son tour induit un potentiel d'action au niveau de la fibre musculaire.

    1.2 Cas de la myasthénie

    Dans la myasthénie, il existe un bloc de cette transmission neuromusculaire, ce bloc a été rapporté à une diminution du nombre des récepteurs post-synaptiques à l'acétylcholine (bloc post-synaptiques). Elle apparaît comme une maladie autoimmune en rapport avec des anomalies thymiques, le mécanisme étant encore mal précisé. Ainsi on retrouve des anticorps anti-récepteurs à l'acétylcholine chez la plupart des malades ayant une myasthénie évolutive.

    2 Tableau clinique

    2.1 le terrain :

    touche les deux sexes avec une prédominance fémininine ; peut débuter à tout âge avec un pic de fréquence entre 15 et 25 ans.

    2.2 la sémiologie :

    elle est variable, non systématisable.

    2.2.1 Atteinte de la musculature oculaire extrinsèque

    révélatrice 1 fois sur 2 :
    - diplopie transitoire, non systématisable
    - ptosis uni ou bilatéral, alternant
    - il n'y a pas d'atteinte de la musculature intrinsèque.

    2.2.2 Atteinte des muscles pharyngolaryngés ou de la face

    fréquente (20% des formes de début)
    - trouble de la phonation, voix nasonnée
    - trouble de la mastication et de la déglutition majoré au cours du repas
    - faciès inexpressif, impossibilité de souffler, siffler.

    2.2.3 Atteinte des membres

    révélatrice de la maladie dans 20% des cas
    - prédominance sur les membres supérieurs, aux racines (difficile de se coiffer, se raser ..).

    2.2.4 Atteinte des muscles respiratoires

    - tachypnée à l'effort pour les formes légères
    - insuffisance respiratoire aiguë aggravée par les troubles de la déglutition.

    2.2.5 Le déficit

    quelque soit sa topographie est caractérisé par sa variabilité au cours de la journée ; il apparaît à l'effort ou lors d'une contraction musculaire répétée et s'atténue ou disparaît au repos notamment le matin au réveil. La notion de fatigabilité musculaire à l'effort est très évocatrice.

    2.3 L'examen clinique :

    il peut être normal ou retrouver le déficit moteur fluctuant ; il n'y a pas d'amyotrophie, pas de trouble sensitif, les ROT sont présents. On peut recherche une fatigabilité (ex. accroupissements répétés) ; après une longue évolution on peut constater une amyotrophie, et un déficit moteur proximal permanent.

    3 Les examens complémentaires

    3.1 A visée diagnostique

    3.1.1 Tests pharmacologiques

    Ils montrent la disparition des symptômes sous anticholinestérasiques ; on utilise la prostigmine ou le tensilon (10 mg en IV lente). L'effet se produit quelques minutes après l'injection avec amélioration clinique transitoire (5 minutes pour la prostigmine, 1 minute pour le tensilon). Ceci représente donc un test diagnostique important, mais des faux négatifs sont possibles.

    3.1.2 Examens électriques

    Lors de la stimulation répétitive supramaximale à fréquence basse d'un nerf moteur (exemple stimulation nerf cubital ou poignet - recueil sur l'abducteur du Vème doigt) on retrouve une diminution d'amplitude du potentiel d'action de plus de 10% entre la 1ère et la 5ème réponse, c'est-à-dire un décrément. Ce test peut être négatif.

    3.1.3 Examen biologique

    Il faut rechercher et titrer le taux d'anticorps antirécepteurs à l'acétyl-choline; Il peut être négatif.

    3.1.4 La biopsie musculaire

    N'a pas d'intérêt ; dans les cas douteux elle pourrait éliminer une autre pathologie.

    3.2 Examen dans le cadre du bilan

    3.2.1 Recherche d'un thymome

    Systématique avec scanner thoracique.
    Une tumeur thymique est retrouvée dans 15 à 30% des cas de myasthénie ; inversement 2/3 des porteurs de thymome développent une myasthénie.
    Le thymome peut révéler des signes de malignité avec risque d'extension locale.
    Le plus souvent, on retrouvera une hyperplasie thymique sans thymome ; enfin le thymus peut être normal.

    3.2.2 Recherche d'une affection autoimmune associée

    Présente dans 10 à 15% des cas : anémie de Biermer, polyarthrite rhumatoïde, lupus ...

    4 Evolution

    Irrégulière et imprévisible, avec typiquement des "poussées" entrecoupées de périodes d'amélioration. On distingue 4 groupes :
    - Stade I : forme bénigne localisée à un groupe musculaire, oculaire en général.
    - Stade II : myasthénie généralisée d'installation progressive de gravité majeure sans atteinte respiratoire.
    - Stade III : grave aiguë, avec atteinte respiratoire et trouble de la déglutition
    - Stade IV : grave mais avec une évolution progressive.
    Le risque majeur vient de l'atteinte respiratoire avec possibilité d'insuffisance respiratoire aiguë conduisant à un transfert en réanimation en urgence ; se méfier des signes d'alerte (encombrement, fausse-route).
    L'atteinte respiratoire résulte le plus souvent d'une aggravation aiguë de la myasthénie (crise myasthénique) ; elle peut aussi être secondaire à une crise cholinergique par surdosage thérapeutique.
    L'aggravation de la maladie peut être favorisée par :
    - une infection intercurrente
    - une intervention chirurgicale
    - certains médicaments à proscrire : tétracycline, gentamicine, quinine et quinidine, phénythoïne, benzodiazépine, barbituriques, phénothiazine, béta bloquants.

    5 Diagnostic différentiel

    Le problème le plus difficile est d'évoquer le diagnostic de myasthénie devant les formes de début localisé : par exemple devant une diplopie, un ptosis, une dysphagie.
    Il existe une autre cause de bloc neuromusculaire qui s'intégre dans le cadre des syndromes paranéoplasiques, c'est le syndrome de Lambert-Eaton ; il est le plus souvent associé à un cancer bronchique à petites cellules. Il s'agit d'un bloc présynaptique avec un phénomène de potentiation surtout retrouvé lors des examens électriques (renforcement passager de la force musculaire lors d'un effort soutenu). Le tableau clinique est celui d'un déficit moteur proximal avec aréflexie.

    6 Traitements

    Il y a deux types de traitements ; ceux à visée symptomatique et ceux à visée étiologique. Il faut adapter le traitement à chaque cas, en sachant qu'il existe de nombreuses controverses, et que les modalités sont à envisager dans un service spécialisé.

    6.1 Traitement symptomatique

    Il fait appel aux anticholinestérasiques qui inhibent la dégradation de l'acétylcholine par la choline-estérase ; on obtient une accumulation d'acétylcholine au niveau des synapses.
    Les produits utilisés sont :
    - Néostigmine (prostigmine) : action brève et effets secondaires importants.
    - Pyridostigmine (Mestinon) : action un peu plus longue.
    - Ambemonium (Mytelase) : action plus prolongée.
    L'instauration du traitement doit se faire à dose lentement progressive.
    Les effets secondaires :
    - hypersalivation
    - sueurs
    - coliques - diarrhée
    - crampes - fasciculations
    - hypersécrétion bronchique
    - bradycardie
    Le patient doit connaître les signes de surdosage, le risque étant l'insuffisance respiratoire aiguë.

    6.2 Traitements à visée étiologique

    6.2.1 Thymectomie

    - systématique en cas de thymome.
    - discutée en l'absence de thymome : les indications sont néanmoins de plus en plus large depuis l'amélioration des techniques opératoires et de réanimation.
    - après thymectomie on observe une amélioration fréquente bien qu'inconstante de la symptomatologie mais qui peut être très retardée.

    6.2.2 Les autres traitements

    Les indications doivent être posées dans des milieux spécialisés ; sont réservés aux formes généralisées mal contrôlées par les anticholisistérasiques :
    - les corticoïdes : avec risque d'aggravation transitoire de la maladie en début de traitement. Ne doivent être instaurés qu'à proximité d'un centre de réanimation.
    - Immunosuppresseurs
    - Echanges plasmatiques
    - Immunoglobulines IV

    7 Conclusion

    C'est une maladie souvent grave. Le traitement est de maniement délicat, et doit se faire le plus souvent en milieu spécialisé ; le risque est en effet celui de l'insuffisance respiratoire aiguë dont il est quelquefois difficile de savoir si elle correspond à une aggravation de la maladie ou si elle est due à un surdosage en anticholinestérasiques.



    Maladie de Friedreich

    Pr. Gilles Edan

    Service de neurologie, CHU de Rennes, 2 rue Henri Le Guilloux, 35033 Rennes Cedex
     

    mis à jour le 30 juillet 1998

    1 Anatomo-pathologie 
    2 Etude clinique 
    2.1 Les formes typiques 
    2.1.1 Installation  
    2.1.2 Etat 
    2.1.3 Evolution
    2.2 Les formes cliniques 
    2.2.1 Des formes typiques 
    2.2.2 Les autres hérédo-ataxies 
    2.2.3 Les formes de passage 
    3 Diagnostic

    C'est la plus commune des hérédo-ataxies spino-cérébelleuses ; elle est familiale dans les 2/3 des cas, avec un pourcentage élevé de consanguinité chez les parents ; le mode de transmission est habituellement récessif ; elle s'observe dans toutes les races et atteint les deux sexes.

    1 Anatomo-pathologie

    La maladie de Friedreich se caractérise essentiellement par des lésions médullaires ; les lésions dégénératives atteignent par ordre d'importance décroissante les cordons postérieurs, les faisceaux spino-cérébelleux et le faisceau pyramidal ; elles s'étendent assez souvent aux racines postérieures et aux nerfs périphériques.
    Dans le tronc cérébral, les altérations dégénératives atteignent les noyaux de Goll et Burdach, les noyaux moteurs et végétatifs bulbaires, les noyaux vestibulaires, la substance réticulée.
    Dans les cas typiques, les hémisphères cérébraux sont intacts.

    2 Etude clinique

    2.1 Les formes typiques

    2.1.1 Installation

    Le début se situe entre les âges de 7 et 14 ans, très rarement après 20 ans. Ce sont des troubles de la marche qui attirent l'attention : peu à peu, la démarche devient instable avec élargissement de la base de sustentation, inégalité des pas, écarts, écartement excessif des menbres supérieurs ; il s'y associe un talonnement plus ou moins net (démarche tabéto-cérébelleuse ).

    2.1.2 Etat

    L'analyse sémiologique montre la combinaison :
    - D'une atteinte neurologique avec :
    un syndrome cérébelleux statique et dynamique atteignant outre les menbres inférieurs, l'axe corporel, les membres supérieurs, puis la parole
    un syndrome cordonal postérieur avec ataxie proprioceptive, troubles de la sensibilité pallesthésique, de la sensibilité tactile discriminative aux extrémités
    un syndrome moteur pyramidal avec un déficit moteur longtemps modéré, signe de Babinski
    une note périphérique avec abolition des ROTs aux membres inférieurs. Fait important, la distribution de l'atteinte évoque une affection systématisée (bilatérale et symétrique).
     
    - D' une atteinte extra-neurologique avec :
    des déformations ostéo-articulaires dans les 3/4 des cas au nombre de 2 : le pied creux et la cyphose ou cypho-scoliose dorsale plus tardive
    une atteinte cardiaque, présente dans 1/3 des cas, se manifestant après l'atteinte neurologique ; elle se réduit au début à des troubles du rythme : extra-systoles, déviation axiale droite, inversion de l'onde T dans les dérivations gauches. Son pronostic est sévère, aboutissant en 5 à 1O ans à une insuffisance cardiaque droite irréductible.

    2.1.3 Evolution

    Elle est variable ; elle entraine le plus souvent une invalidité sévère à partir de la 2Oème année. L'évolution est plus sévère en cas d'atteinte cardiaque.

    2.2 Les formes cliniques

    2.2.1 Des formes typiques

    - Les formes frustres sont fréquentes si on les recherche dans les familles de sujets atteints : elles se résument le plus souvent à la déformation des pieds et à une aréflexie.
     
    - Des formes extensives peuvent comporter, associées à la symptomatologie habituelle :
    des troubles psychiques : débilité, détérioration intellectuelle
    des crises d'épilepsie
    une atrophie optique
    des amyotrophies généralement tardives
    des troubles bulbaires dramatiques, cardio-respiratoires (dyspnée, collapsus), et digestifs (douleurs,vomissement, diarrhée) susceptibles de conduire à la mort
    des troubles endocriniens : diabète, hypopithuitarisme.

    2.2.2 Les autres hérédo-ataxies

    - L'hérédo-ataxie cérébelleuse de P. Marie : à début plus tardif, toujours familial, d'évolution plus lente ; il n'y a ni troubles sensitifs, ni aréflexie, ni déformations squelettiques, parfois une atrophie optique.
    - La dystasie aréflexique de Roussy et Lévy : elle ne diffère que par l'importance de l'amyotrophie des jambes du type Charcot-Marie et Tooph et la discrétion de l'atteinte cérébelleuse aux membres supérieurs.

    2.2.3 Les formes de passage

    Souvent difficiles à classer où l'on trouve associés aux stigmates cliniques ou anatomiques de la maladie de Freidriech :
    - des atrophies cérébelleuses
    - des syndromes Parkinsoniens
    - des dégénérescences tapéto-rétiniennes
    - des cataractes
    - des paralysies oculo-motrices
    - des dégénérescences cochléo-vestibulaires.

     3. Diagnostic

    Cf. cours sur la sclérose combinée de la moelle.

    Sclérose en plaques

    Pr. Olivier Sabouraud, Pr. Gilles Edan

    Service de neurologie, CHU de Rennes, 2 rue Henri Le Guilloux, 35033 Rennes Cedex
     

    mis à jour le 1er août 1998

    Généralités 
    1 Définition de la sclérose en plaques 
    2 Epidémiologie 
    3 Génétique 
    4 Etiologie 
    5 Clinique - principes du diagnostic 
    6 Modes de début 
    7 Tableaux constitués habituels 
    7.1 Une note paraplégique 
    7.2 Une note cérébelleuse 
    7.3 Une note proprioceptive 
    7.4 Un nystagmus 
    7.5 Une dysarthrie 
    7.6 Des anomalies du fond d'oeil 
    7.7 Autres symptomes
    8 Formes cliniques 
    9 Diagnostic positif 
    10 L'I.R.M. 
    11 Diagnostic différentiel 
    12 Physio-pathologie 
    12.1 L'auto-immunité 
    12.2 La génétique 
    12.3 Les facteurs d'environnement
     13 Traitement 
    13.1 Les corticoïdes 
    13.2 Les immuno-suppresseurs 
    13.3 L'Azathioprine (Imurel) 
    13.4 Le Cyclophosphamide (Endoxan) 
    13.5 Le Mitoxantrone 
    13.6 Le béta-Interféron 
    13.7 La rééducation

    Généralités

    La sclérose en plaques (SEP) est une maladie inflammatoire, une des maladies inflammatoires du système nerveux central, une leuco-encéphalomyélite.
    La pathologie inflammatoire du système nerveux central (S.N.C.) réunit :
    - des maladies infectieuses aiguës ; en dehors des abcès, ce sont surtout des encéphalites et des myélites à virus (herpès, rougeole, C.M.V. ..), liées à la présence du virus dans les cellules nerveuses ; atteignant en règle (générale ?) la substance grise, ce sont des polio-encéphalites et des polio-myélites (cf. la poliomyélite antérieure aiguë).
    - des encéphalomyélites post-infectieuses, qui font suite à une infection virale (vaccine, rougeole, oreillons, varicelle ...), après la phase de virémie, contemporaines de la réponse immunitaire et en rapport avec elle ; elles atteignent la substance blanche ; ce sont des leuco-encéphalites péri-veineuses
     
    Cette opposition simple est insuffisante :
    - il existe des encéphalites virales très tardives, liées à la persistance d'un virus, persistance latente pendant des années, dans les neurones et dans la glie, avant de se déclarer comme des pan-encéphalites sclérosantes subaiguës (virus de la rougeole, de la rubéole) ;
    - certains virus papova pouvant atteindre (en raison d'un déficit immunitaire) les cellules gliales de la substance blanche, donnent une leuco-encéphalopathie multi-focale progressive, d'évolution subaiguë.
     
    Expérimentalement, on peut produire des leuco-encéphalo-myélites par injection à certaines souches de souris avec un adjuvant adéquat, d'un extrait de myéline (ou de protéine basique de la myéline, ou de certains peptides de cette protéine) ; c'est le modèle de l'Encéphalite dite allergique expérimentale
     
    Dans le cadre de la pathologie inflammatoire, la SEP occupe une place particulière, du fait de sa fréquence (la principale maladie non tumorale du système nerveux chez l'adulte jeune), de son évolution prolongée sur des dizaines d'années, entraînant au fil du temps des déficits de plus en plus invalidants.
    (oedème, inflammation, démyélinisation en manchons péri-vasculaires) évoluant de façon monophasique. (EAE). On peut aussi produire par injection intra-cérébrale de certains virus (virus de Theiler ; hépatite murine) une maladie en deux temps, polio-encéphalite par infestation virale, puis leuco-encéphalite par auto-immunité.

    1. Définition de la sclérose en plaques

    La définition nosologique de la SEP reste anatomique ; la description des lésions lui a valu son nom (Charcot 1868).
    C'est une démyélinisation, destruction de la myéline dans la substance blanche de l'encéphale et de la moëlle, respectant les axones (dissociation myélino-axonale, au moins relative).
    C'est une démyélinisation inflammatoire comme en témoignent les lésions jeunes où l'oedème et l'infiltrat inflammatoire accompagnent la désintégration active des gaines de myéline. Dans les lésions moins jeunes, c'est à la périphérie des lésions, dans leur zone de progression qu'on trouve l'inflammation : lymphocytes T (CD4), puis macrophages et lymphocytes B ; sécrétion d'immuno-globulines (IGM puis IGG). Les lésions anciennes sont le siège d'une prolifération astrocytaire qui caractérise la sclérose du tissu nerveux ; ce que Charcot a décrit, c'est le stade cicatriciel des lésions.
    Ces lésions démyélinisantes ont une répartition et une topographie singulières, non pas diffuses, ni en nappes, ni en manchons, mais en plaques. Les zones de démyélinisation sont circonscrites, à la coupe arrondies ou ovalaires, dans l'espace ovoïdes, bien circonscrites, avec une frontière nette par rapport à la myéline saine. Ces plaques sont multiples et disséminées dans le système nerveux central (encéphale, nerf optique, moëlle épinière), pouvant toucher n'importe quel secteur de la substance blanche, mais avec des sites de prédilection : tronc cérébral, zones périventriculaires.

    2 Epidémiologie

    Elle montre une répartition géographique inégale de la maladie avec des zones de haute prévalenceprévalence moyenne (autour de 50), Europe centrale et de l'Ouest, Sud des Etats Unis, des zones de prévalence basse (inférieure à 20), autour de la Méditerranée et au Mexique. La maladie est exceptionnelle en Afrique dans la population noire. Un premier regard fait donc apparaître un gradient Nord-Sud, des climats tempérés humides aux pays chauds, mais ce principe de latitude n'est pas d'application générale : le Japon, dont l'extension Nord-Sud équivaut à celle des U.S.A. est uniformément en basse prévalence ; la répartition de la SEP dans l'hémisphère Sud ne présente pas un gradient aussi schématique.
    D'autre part, dans les zones de prévalence forte et moyenne, on observe une distribution inégale, avec des foyers, dans une ville ou une zone rurale (c'est le cas en Bretagne).
     
    L'analyse de ces données conduit à supposer l'interférence de deux facteurs au moins : un facteur d'environnement et un facteur génétique. L'hypothèse d'un facteur d'environnement est appuyée en particulier sur l'étude des migrations de populations entre des zones de prévalence inégale : très schématiquement, ceux qui migrent après l'âge de 15 ans ont le risque de la région d'origine, ceux qui migrent avant l'âge de 15 ans ont le risque de la région d'arrivée, comme si un évènement décisif se produisait, seulement, dans certaines contrées, à l'adolescence (plusieurs années avant le début clinique de la maladie).
     
    En faveur d'un facteur génétique, outre la faible prévalence de la SEP chez les Japonais, on relève la rareté chez les Noirs américains au Nord comme au Sud des USA. L'intervention du patrimoine génétique est confirmée par le dénombrement des familles multi-cas plus fréquentes que ne donnerait le hasard : on estime le risque à 2 p. 100 pour les frères et soeurs d'un patient, soit un facteur 50 par rapport aux sujets non apparentés. L'étude canadienne des jumeaux dont l'un est porteur de la maladie montre pour les dizygotes une concordance de 2 p. 100 (comme tous les germains), et pour les monozygotes de 40 p. 100. Ceci fait apparaître la fois l'importance du facteur génétique dans le déterminisme de la maladie et le fait qu'il ne s'agit pas d'une maladie héréditairement transmise (100 p. 100 de concordance chez les monozygotes). Il existe une susceptibilité d'origine génétique, mais qui ne suffit pas pour que se produise la maladie.
    (autour de 100 pour 100.000 habitants) en Scandinavie, Ecosse, Europe du Nord, au Canada et au Nord des Etats Unis, des zones de

    3 Génétique

    La notion de gènes de susceptibilité repose aujourd'hui sur la liaison entre SEP et système HLA. Des études nombreuses et confirmées ont montré, chez les patients atteints de SEP, une sur-représentation (une présence excessive par rapport aux témoins comparables) des allèles A3 et B7, et surtout de DRW15, DQ6 (correspondant au groupe DW2 en culture lymphocytaire mixte). Ces résultats, retrouvés dans les pays européens et en Amérique du Nord, paraissent correspondre principalement à l'apport génétique des populations d'origine scandinave. La liaison à HLA est retrouvée partout, mais les allèles sur-représentés ne sont pas partout les mêmes (exemples de l'Italie du Nord, des parsis en Inde). Si la présence de certains allèles sur le 2ème locus d'histo-compatibilité est responsable de, ou associée à une susceptibilité plus grande à la SEP, ce facteur génétique n'est sûrement pas le seul (ni même possiblement le plus important). Les autres polymorphismes génétiques étudiés (immuno-globulines, récepteur de la cellule T, protéines de la myéline) n'ont pas abouti pour l'instant à débrouiller la transmission certainement multi-génique de la susceptibilité.

    4 Etiologie

    La répartition par sexes indique une prédominance feminine : à peu près 3 femmes pour 2 hommes.
    L'étude des âges montre que le début clinique se situe entre 20 et 40 ans dans 70 p. 100 des cas.
    Il y a des débuts précoces :
    - 2 p. 100 avant 10 ans
    - 13 p. 100 entre 10 et 20 ans
    et des SEP de survenue tardive :
    - 11 p. 100 entre 40 et 50 ans
    - 3 p. 100 entre 50 et 60 ans
    - et même 0,3 p. 100 après 60 ans.
    L'argument d'un âge d'apparition habituel doit en pratique être relativisé.

    5 Clinique - principes du diagnostic

    Le diagnostic de SEP repose sur la mise en évidence par la discussion des syndromes cliniques et électro-physiologiques observés de plus d'un site lésionnel, l'obligation de retenir plusieurs localisations et sur le constat d'une évolution qui se prolonge ou se ranime au-delà de quelques mois. La plus caractéristique est l'évolution rémittente par poussées successives (65 p. 100 des cas), qui régressent en quelques semaines, avec ou sans séquelle, pour faire place à une accalmie ou une stabilité jusqu'à la poussée suivante. Quelquefois après une phase d'évolution rémittente de quelques années commence une aggravation de type continu progressif (formes rémittentes-progressives). L'évolution rémittente n'est pas un argument nécessaire : on évalue à 13 p. 100 les S.E.P. continues progressives d'emblée, formes dont le profil est très différent et le pronostic sévère.

    6 Modes de début

    Les lésions qui s'expriment en premier peuvent siéger en des points très divers du système nerveux central, entraînant une symptomatologie révélatrice, bruyante ou discrète, très variable d'un cas à un autre. Les premières manifestations peuvent être (pour ne citer que les plus fréquentes) :
    - une paraparésie,
    - une monoplégie brachiale ou crurale,
    - un déséquilibre en position debout (cérébelleux ? proprioceptif  ? vestibulaire ?)
    - des troubles sensitifs, paresthésies, dysesthésies, zones d'hypoesthésie cutanée,
    - une névrite optique rétro-bulbaire,
    - plus rarement la paralysie d'un nerf crânien, une paralysie faciale, un syndrome de Claude Bernard-Horner.
     
    Le diagnostic repose à ce stade, devant une manifestation fonctionnelle apparemment isolée, sur l'examen neurologique complet recherchant les signes objectifs d'une lésion d'autre localisation, en s'aidant de l'étude des PEV, PES, PEA, éventuellement en réveillant par l'épreuve du bain chaud des symptomes effacés. L'IRM, quand elle montre, avec un syndrome clinique uniloculaire, des lésions multiples de la substance blanche, contribue aussi à rendre le diagnostic probable. Seule l'évolution, indiquant qu'il ne s'agit pas d'un processus aigu monophasique permet un diagnostic affirmé.

    7 Tableaux constitués habituels

    Au bout d'un temps variable, typiquement après une succession de poussées régressives, la SEP entraîne un tableau déficitaire permanent. Du fait de la prédilection des lésions pour certains faisceaux, un tableau clinique peut être décrit qui, sans être univoque ni obligatoire, se retrouve dans une majorité de cas. Il comporte :

    7.1 Une note paraplégique :

    Spasticité (en position debout) ; déficit (en position debout) ; déficit modéré des raccourcisseurs ; exagération des ROT, polycinétiques, diffusés (cette exagération se retrouve aux membres supérieurs et s'accompagne précocément d'une abolition du réflexe du voile) ; signe de Babinski.
    Avec une paraparésie discrète à l'évaluation neurologique, on peut observer une perte de commande des membres inférieurs à la marche, véritable abasie.

    7.2 Une note cérébelleuse :

    Qui aggrave les troubles de statique et de démarche. Elle est évidente aux membres supérieurs, grossièrement incoordonnés, jusqu'à rendre l'écriture impossible.

    7.3 Une note proprioceptive :

    Ataxie ; signe de Romberg ; certains patients doivent contrôler par la vue la position de leurs pieds.

    7.4 Un nystagmus :

    Les plus fréquents sont le nystagmus latéral rotatoire dans les deux positions latérales du regard et le nystagmus multi-directionnel. A noter particulièrement le nystagmus monoculaire de l'oeil abducteur, témoignant d'une ophtalmoplégie inter-nucléaire. D'autres nystagmus plus rares sont possibles.

    7.5 Une dysarthrie :

    Où s'associent à divers degrés une composante cérébelleuse et une composante paralytique.

    7.6 Des anomalies du fond d'oeil :

    Pâleur du segment temporal de la papille, uni ou bilatérale, cicatrice d'une névrite optique dont l'interrogatoire retrouve quelquefois la phase aiguë, comme l'histoire d'un épisode d'amaurose unilatérale spontanément régressif. A la phase séquellaire, une névrite optique peut n'entraîner qu'un minimum de déficit fonctionnel, mais à l'opposé, chez quelques patients, l'amaurose est un des facteurs principaux d'incapacité.
     

    7.7 Autres

    A cet ensemble syndromique, lui-même très multiforme selon la sévérité relative des différents constituants, d'autres symptomes peuvent s'ajouter qui en modifient la présentation :

     7.7.1 des douleurs

    La SEP est une maladie chronique invalidante mais typiquement elle n'est pas douloureuse. Les exceptions prennent la forme :
    - de douleurs fulgurantes des membres inférieurs, dont on peut rapprocher le signe de Lhermitte provoqué par la flexion passive rapide du cou (signe d'atteinte cordonale postérieure)
    - de douleurs lancinantes diffuses dans la partie basse du corps
    - de douleurs faciales, soit à type de Névralgie du trijumeau (en décharge), soit de type continu (avec ou sans hypoesthésie du même territoire)
    - de douleurs articulaires et musculaires liées à la spasticité.

     7.7.2 des troubles des fonctionnements sphinctériens et sexuel

    Habituels à un stade tardif, après de nombreuses années d'évolution, ils apparaissent chez quelques patients précocément et dominent alors le tableau. Ils méritent une attention particulière, un bilan fonctionnel, des mesures rééducatives, des traitements pharmacologiques.

     7.7.3 des troubles psychiques

    Sur le plan thymique et affectif, on a décrit un état d'indifférence, de sérénité discordante par rapport à l'inconfort réel de vie (spes sclerotica) ; cet état existe mais il est rare et beaucoup plus souvent on observe une dépression plus ou moins révoltée, aggravant l'incapacité sociale et professionnelle.
    Sur le plan cognitif, un handicap modéré est fréquent mais non constant : défaut d'attention, de mémoire, de synthèse, de flexibilité. Les formes démentielles sont exceptionnelles, comme les évolutions marquées par des épisodes confuso-maniaques récidivant avec les poussées.

    7.7.4 des crises d'épilepsie

    Rares dans l'ensemble, elles sont plus souvent généralisées que partielles ; bien contrôlées par le traitement elles peuvent s'éteindre après quelques mois ou quelques années et permettre l'arrêt des anti-convulsivants.

     7.7.5 des phénomènes dystoniques

    Dans une maladie qui ne comporte pas de symptomes extra-pyramidaux, ils se résument en une contracture (avec des paroxysmes tétaniformes) d'un membre ou d'un hémicorps.

     7.7.6 des signes périphériques

    La SEP est une démyélinisation centrale ; cette formule lésionnelle explique toute la symptomatologie. Cependant, en fin d'évolution on peut observer une aréflexie dans certains territoires et une atrophie neurogène localisée (lésion des fibres radiculaires motrices dans leur trajet intra-médullaire ? participation de la myéline périphérique au processus de destruction ?).

     7.7.7 des signes végétatifs

    Très rares sont les dérèglements de la T.A., du pouls, de la vaso-motricité. L'hyperthermie accompagne des épisodes de coma qui, après régression, peuvent se répéter plusieurs fois.

    8 Formes cliniques

    Le polymorphisme que peuvent réaliser les associations entre les syndromes précédemment décrits permet de passer rapidement sur le chapitre des formes symptomatiques en mentionnant seulement quelques aspects atypiques ou peu habituels :
    - des formes hémiplégiques soit soudaines, pseudo-vasculaires, très rarement à bascule, soit progressives simulant une T.C.,
    - des formes médullaires, sous la forme d'un syndrome de Brown-Sequard, ou d'une myélite transverse, ou d'une sclérose combinée de la moëlle, d'une paraplégie en flexion ou d'un syndrome du cone terminal. A l'I.R.M. certains cas de lésions purement médullaires peuvent ne pas comporter d'images anormales au niveau de l'encéphale,
    - des formes cérébelleuses avec incoordination du tronc, de la tête et des membres ; ce sont des formes rapidement invalidantes chez des sujets jeunes.
     
    Formes évolutives :
    Le profil de la courbe évolutive distingue, nous l'avons dit, des formes rémittentes, rémittentes-progressives et progressives d'emblée.
    Le rythme des poussées et/ou de la progression des déficits individualise :
    - des formes aiguës graves qui installent très vite des handicaps sévères, complétés et remaniés en quelques mois de poussées ininterrompues. Après un ou deux ans elles peuvent finalement se stabiliser en laissant un état déficitaire majeur.
    - des formes moyennes, qui, en 10 ans, atteignent le niveau 4 sur une échelle en 10 points (= conserve une activité malgré de sérieuses difficultés), en 20 à 25 ans, le niveau 6 (= déplacements limités et difficiles).
    - des formes bénignes, sous forme de poussées espacées, faites de troubles sensitifs régressant chaque fois sans séquelle, ou bien débutant de manière quelconque mais cessant de se manifester après 2 à 3 poussées.
    - il y a même des formes muettes, entièrement latentes, découvertes d'autopsie (chez un sujet mort d'une autre affection).
     
    Il faut retenir l'extrême diversité de ces évolutions, bien différente de l'image univoque d'invalidité rapide habituellement attachée à la SEP (et qui correspond aux formes graves : environ 10 pour 100 des cas). Les formes bénignes doivent être connues car, pour elles, aucun risque thérapeutique n'est justifié.
     
    Quelques indications permettent de prévoir à quelle forme évolutive on se trouve confronté :
    - l'intervalle entre la première et la deuxième poussée
    - le nombre de poussées dans les 2 premières années
    - la date d'entrée dans une progression continue
    - le niveau atteint sur l'échelle d'invalidité à 5 ans, à 10 ans.
    Mais il ne s'agit jamais que de probabilité, la prévision pouvant se trouver démentie, en bien lorsqu'une très longue stabilisation complète intervient (même au cours d'une progression continue), en mal lorsqu'après des années de stabilité sans aucune manifestation de la maladie survient une grave poussée qui augmente sérieusement le déficit séquellaire.
    Il y a des formes éteintes de SEP. S'il est habituel de voir l'intervalle s'allonger entre les poussées avec les années, d'observer après 10, 15 ou 20 ans de longues périodes de stabilité, il arrive de rencontrer des patients âgés de 70 ans et plus, chez qui la maladie ne manifeste aucune activité depuis 20 ans et dont l'état neurologique ne changera plus.

    9 Diagnostic positif

    Il repose sur la clinique, l'électro-physiologie, l'évolution.
    L'étude du LCR peut compléter les critères du diagnostic, ce qui est important quand il manque soit la preuve d'une répartition multi-loculaire soit l'évolution polyphasique à rechutes. Elle montre :
    - l'élévation de la protéinorachie, toujours modérée (0,60), inconstante,
    - la présence anormale à l'électrophorèse d'IgG, produites dans le tissu nerveux , par sécrétion intra-thécale. Le caractère d'exsudat (inflammatoire) et non de transsudat (perméabilité aux protéines sanguines) est démontré par la comparaison du taux (normal) de l'albumine par rapport aux IgG ; comparaison effectuée selon diverses formules dont l'Index IgG de Link.
    - la répartition oligoclonale des IgG. Cette anomalie est la plus constante (> 90 p. 100 des cas), la plus caractéristique (elle ne s'observe que dans des encéphalites aiguës ou certaines infections chroniques), mais elle n'est pas révélée par la plupart des électrophorèses de routine.
    - une hypercytose, presque toujours modérée (< 20 cellules). Elle manque très souvent, notamment dans les premières années. Dépendant du siège des lésions actives, elle n'a pas de signification pronostique.

    10. L'I.R.M.

    C'est la seule méthode qui montre les lésions dans le système nerveux central. Elle confirme dès le début de la SEP ce que l'Ana Path. montrait tardivement : le grand nombre de lésions (sans commune mesure avec ce qu'indique la clinique) et leurs sièges de prédilection.
    La présence dans la substance blanche de zones d'hypersignal en T2 ne distingue pas : l'oedème, la démyélinisation, la sclérose (plaques anciennes) et, dans celle-ci l'éventuelle nécrose-axonale. L'usage du gadolinium, marquant les zones de perméabilité vasculaire anormale, montre les lésions - quelques plaques, ou la périphérie de quelques plaques, en anneau - actuellement en activité.
    Pour le diagnostic, l'IRM est remarquablement sensible, mais non spécifique. Les images d'hypersignal multiples et circonscrites sont fréquentes après la cinquantaine, surtout chez les hypertendus. De telles images s'observent dans la maladie de Behcet et dans les vascularites du SNC. Quelques sujets jeunes présentent un petit nombre d'hypersignaux circonscrits en-dehors de toute pathologie apparente (?). Néanmoins l'IRM apporte, devant un épisode neurologique de localisation unique chez un sujet jeune, l'argument de lésions multiples disséminées.
    L'IRM répétée nous a appris beaucoup sur l'histoire naturelle des lésions. Dans les SEP de gravité moyenne, d'évolution rémittente ou rémittente-progressive (les deux types sont ici indissociables), il y a 8 fois plus d'évènements repérables par l'IRM que par la clinique (apparition de nouvelles plaques, augmentation ou diminution de certaines zones d'hypersignal, prise de gadolinium).
    L'IRM confirme l'isolement des formes bénignes (images de petite taille, relativement peu nombreuses) et l'individualité des formes continues progressives (petit nombre d'images d'hypersignal, ou pas évolutives, quelques images volumineuses).

    11 Diagnostic différentiel

    Facile dans la mesure où il existe un tableau habituel, réalisant des associations syndromiques assez particulières, le diagnostic peut aussi être des plus difficile puisque de nombreux cas s'écartent du type par leur tableau et par leur évolution. Les erreurs sont fréquentes, par excès et par défaut. Elles concernent :
    - les tumeurs et les angiomes du tronc cérébral
    - les malformations de la charnière crânio-encéphalique et les tumeurs du trou occipital
    - la maladie de Friedreich
    - les syndromes neuro-anémiques
    - les myélopathies subaiguës et particulièrement les shunts artério-veineux (avec évolution récidivante)
    - les encéphalo-myélites aiguës disséminées (dont l'évolution cependant est monophasique).
     
    Dans le groupe des maladies qui provoquent des lésions multi-loculaires du SNC, on trouve encore :
    - la maladie de Whipple,
    - les angéites, la maladie de Behcet et les uvéo-névraxites, la maladie de Gougerot-Sjögren.
    - la sarcoïdose
    - les métastases cancéreuses
    - la leuco-encéphalopathie multi-focale progressive.
     
    Contrairement à la SEP, les affections précédentes s'accompagnent, à des degrés divers, d'un syndrome inflammatoire général.
    Devant le caractère fluctuant, flou, passager, de certaines manifestations de début (faiblesse, déséquilibre), le diagnostic d'hystérie est quelquefois retenu ; réciproquement des manifestations de nature hystérique peuvent être prises pour des poussées évolutives chez un patient porteur d'une SEP.
     
    Limites nosologiques
    La définition de la SEP étant non pas pathogénique mais anatomique et reposant sur la notion de démyélinisation inflammatoire circonscrite multiple, il existe des entités qui peuvent être considérées soit comme des formes anatomiques de la maladie, particulières par le siège, le volume des lésions, leur tendance nécrosante, soit comme des maladies différentes, telles que la Neuro-myélite optique de Devie, ou la forme inflammatoire de la maladie de Schilder. Ce que l'on désigne aujourd'hui comme formes progressives d'emblée de la SEP apparaîtra peut-être un jour comme une autre maladie.

    12 Physio-pathologie

    Il est faux de dire qu'on ignore tout de la cause de la SEP. Il n'y a pas vraisemblablement une cause unique ; mais on doit plutôt admettre une maladie multi-factorielle dont certains facteurs commencent à être débrouillés, d'autres non.

    12.1 L'auto-immunité

    Nous disposons d'un modèle expérimental de la SEP : l'encéphalite allergique expérimentale dans ses formes chroniques à rechutes (chez l'homme, les complications neurologiques de la vaccination anti-rabique de type pastorien réalisent une véritable maladie expérimentale très proche de l'EAE). Cette maladie provoquée par une injection unique d'extrait de myéline (ou d'autres antigènes mieux définis : la protéine basique et ses peptides encéphalitogènes ; le protéo-lipide) avec l'adjuvant de Freund complet, partage avec la SEP le fait :
    - d'être une démyélinisation inflammatoire
    - d'évoluer de façon rémittente et prolongée
    - de dépendre de restrictions génétiques, n'étant possible que dans certaines souches de souris
    - d'être liée au complexe majeur d'histo-compatibilité.
    Elle en diffère cependant du fait que les lésions sont essentiellement péri-veineuses, non en plaques, et surtout qu'aucun antigène n'a pu dans la SEP faire la preuve absolue de son rôle immunogène (responsable d'une auto-immunité).
    L'histoire du développement des lésions est très superposable jusque dans le détail entre le modèle animal et la SEP. Le premier phénomène est l'atteinte de l'endothelium des vaisseaux du SNC, avec rupture de barrière, passage de globulines, de lymphocytes et sécrétion de lymphokines. Contemporaine de ce début de la maladie ou du départ d'une poussée, on note dans le sang circulant une chute des cellules CD8 (qui entre autres ont une fonction suppressive). Ces premiers évènements vont induire localement l'activation des macrophages qui dissocient et détruisent les gaines de myéline, ainsi que l'attaque des oligodendrocytes (dans laquelle intervient le complément).
    La poussée est un phénomène local, où chaque site lésionnel évolue ou reste éteint de façon indépendante. L'interféron gamma est un des principaux activateurs du développement des lésions.
    Si l'on ne peut, en l'absence d'antigènes responsables, affirmer une maladie auto-immune, du moins a-t-on créé pour la SEP le concept de maladie à médiation immunologique.

    12.2 La génétique

    La susceptibilité à la SEP paraît, nous l'avons vu, déterminée par le patrimoine génétique de chacun. Cette donnée est tout à fait compatible avec l'intervention de mécanismes immunologiques, puisque les principales réponses immunitaires sont commandées et modulées par différents gènes. Dans ce cadre, la présence de certains allèles HLA n'est peut-être pas un simple marqueur de susceptibilité ; la molécule peut intervenir par elle-même dans son rôle de présentateur d'antigène au récepteur de la cellule T. De toute façon, d'autres gènes interviennent encore dans la susceptibilité ; ils sont l'objet d'une active recherche.

    12.3 Les facteurs d'environnement

    Pour qu'une susceptibilité devienne une maladie il faut la rencontre de facteurs déterminants ou au moins déclanchants. Depuis très longtemps le rôle possible de virus a été suspecté et chaque progrès dans la connaissance de la biologie des virus et des classes de virus a été sans délai testé par rapport à la SEP. La description, contestée, d'épidémies de SEP serait un argument indirect pour l'intervention d'un virus. Episodiquement un isolement (myxovirus, coronavirus, rétro-virus) à partir d'un cas ranime cette vieille discussion.
    On ne connaît pas aujourd'hui un virus de la SEP. On n'a pas d'arguments pour étayer l'hypothèse de virus multiples capables de déclancher de façon non-spécifique des réponses immunitaires pathogènes.

    13 Traitement

    Nous sommes à une période charnière entre un scepticisme buté et des essais thérapeutiques qui se multiplient.
    Les essais posent des problèmes difficiles qui ont été bien analysés pour être surmontés :
    - l'objectif recherché, définissant le paramètre mesuré (la durée des poussées et les symptomes évalués à 1,2,3,4 semaines ; le nombre de poussées annuelles ; l'augmentation du niveau d'incapacité après 2 ans de traitement). L'histoire naturelle de la maladie impose des conditions rigoureuses pour espérer obtenir des résultats significatifs,
    - les effectifs et les durées d'expérimentation,
    - le choix entre un essai sur des types déterminés de SEP et une évaluation sur des cas tous-venants, sachant qu'on hésite à proposer l'inclusion, avec une chance sur deux d'être sous placebo, à des patients qui aggravent rapidement leur invalidité, - et sachant que pour les formes bénignes il n'y aura aucune différence entre les patients traités et les témoins,
    - les problèmes éthiques tels que le maintien pendant plusieurs années, sous placebo d'une maladie grave (l'essai comparatif de deux traitements risquant davantage de n'être pas concluant et se prêtant rarement à un double insu).
    La durée d'un essai et l'effectif des patients inclus peuvent être grandement réduits en mesurant sur des IRM répétées le nombre des événements qui se produisent. On évalue une action efficace sur la maladie mais pas l'utilité pour les malades.
    Compte tenu de ces difficultés et des incertitudes qu'elles entraînent, quelques conclusions sont possibles. Les conduites thérapeutiques qui en découlent sont à revoir en fonction des résultats d'essais en cours.

    13.1 Les corticoïdes

    Ce sont des médicaments actifs sur les poussées (moins durables, moins graves). L'ACTH (naturel ou de synthèse) est remplacé par la prednisone et ses dérivés. Dans cette indication, on préfère aujourd'hui les cures brèves et intenses (1 gramme par jour de méthyl-prednisolone injectable pendant 3 jours). On discute l'utilité de faire suivre ce flash d'une cure de 15 à 20 jours de prednisone per os.
    La prise continue de corticoïdes per os ne donne pas d'avantages appréciables ; elle ne protège pas contre le retour des poussées. Elle expose à toutes les complications de la corticothérapie (dont l'amyotrophie, l'excès pondéral et l'ostéo-porose). Elle doit être déconseillée.

    13.2 Les immuno-suppresseurs

    13.3 L'Azathioprine (Imurel)

    Administré au long cours (3 mg/kg/j per os), il a peu d'intolérances et pratiquement pas d'accidents graves. La possibilité d'obtenir une stabilisation prolongée (dans les formes moyennes) est apparente en pratique, mais non définitivement prouvée.

    13.4 Le Cyclophosphamide (Endoxan)

    Influence l'aggravation spontanée de la maladie. Il est utilisé en cures par voie veineuse. Il peut arrêter ou freiner une évolution grave. Outre des complications (digestives, vésicales), il a un risque oncogène (dose-dépendant, imposant d'arrêter ce produit quand la dose totale administrée atteint un plafond).

    13.5 Le Mitoxantrone

    N'a pas le même risque oncogène mais une cardio-toxicité. Les résultats d'un essai contrôlé dans des formes très évolutives de SEP ont démontré sa capacité à arrêter le processus inflammatoire sur l'IRM et à réduire de 80% la survenue de poussées avec en conséquence une amélioration du handicap sur une période de six mois.

    13.6 Le béta-Interféron

    Son action sur la maladie est considérée comme établie par l'essai américain et canadien. Il a une capacité sur une période de 3 ans de réduire de 30% la fréquence des poussées et de réduire la progression de la charge lésionnelle sur l'IRM. Son efficacité réelle sur le handicap est en cours d'évaluation. Il s'administre soit par voie sous cutanée (1 injection tous les deux jours), soit par voie IM (1 injection/sem.) Les effets secondaires sont dominés par un syndrome pseudogrippal dans les heures qui suivent l'injection. Il est le seul médicament à avoir obtenu l'AMM pour la SEP. Son coût est élevé 8000 F environ par mois.

    13.7 La rééducation

    Même avec une maladie évolutive qui peut mettre en péril des résultats patiemment gagnés, elle mérite d'être pratiquée en permanence. Elle est difficile lorsqu'existent plusieurs déficits associés (pyramidal + cérébelleux + proprioceptif). Il faut mettre en garde contre l'immersion en eau chaude (l'élévation thermique aggrave les troubles de conduction dans des fibres démyélinisées).
    La rééducation vésico-sphinctérienne peut transformer le handicap social chez certains patients.
    L'intervention des ergothérapeutes facilite le maintien dans le cadre de vie habituel.


    Démences

    Dr. Serge Belliard

    Service de neurologie, CHU de Rennes, 2 rue Henri Le Guilloux, 35033 Rennes Cedex
     

    mis à jour le 2 août 1998

    1 Définition 
    2 Neuroanatomie de la démence 
    3 Diagnostic positif 
    3.1 Circonstances du diagnostic 
    3.2 Interrogatoire du patient, entretien avec la famille 
    4 Diagnostic différentiel 
    4.1 Confusion mentale 
    4.2 Pseudodémence dépressive 
    4.3 Lésions cérébrales focales ; syndrome amnésique isolé (Syndrome de Korsakoff...) 
    4.4 Troubles de mémoire bénins, liés à l'âge 
    5 Diagnostic étiologique
    5.1 Affections neurochirurgicales (5 à 10%) 
    5.2 Intoxications chroniques (5-10%) 
    5.3 Infections et inflammations (2 à 5%) 
    5.4 Maladie de Creutzfeld-Jakob 
    5.5 Désordres métaboliques, endocriniens et nutritionnels (< 1%) 
    5.6 Démences post-traumatiques et post anoxie cérébrale 
    5.7 Démences artériopathiques (10-20%) 
    5.8 Démences dégénératives avec signes neurologiques 
    5.9 Maladies dégénatives primaires 
    6 Traitement

    1 Définition

    Dans son acceptation médicale, le terme de démence recouvre l'état résultant d'une affection cérébrale acquise qui :
    - détériore progressivement le fonctionnement intellectuel.
    - compromet les facultés d'adaptation de l'individu à son environnement, en particulier face à des situations nouvelles, ce qui conduit à une perte de son autonomie.
     
    Le flou entourant cette définition a conduit les anglo-saxons à proposer des critères stricts de la démence. Pour parler de démence, selon le DSM III-R, il faut l'association de 5 critères :
    - Mise en évidence d'une altération de la mémoire à court et à long terme
    Altération de la mémoire à court terme (= impossibilité d'apprendre de nouvelles informations) peut se traduire par l'incapacité de se rappeler 3 objets après qu'ils aient été cités.
    Altération de la mémoire à long terme (= impossibilité de se rappeler des informations acquises antérieurement) peut se traduire par l'incapacité de se rappeler des informations personnelles (par ex. les évènements de la veille, le lieu de naissance, le métier exercé), ou des faits connus de tous (par ex. le nom des anciens Présidents de la République, des grandes dates historiques).
    - Au moins une des manifestations suivantes :
  •  Altération de la pensée abstraite comme en témoignent une incapacité à identifier des similitudes ou des différences apparentes entre des mots, une difficulté à définir des mots et des concepts, et à réaliser des tâches similaires.
  •  Altération du jugement comme le montre l'incapacité d'affronter de façon appropriée les difficultés ou les situations interpersonnelles, familiales et professionnelles.
  •  Autres perturbations des fonctions supérieures telle qu'une aphasie (trouble du langage), une apraxieagnosie (incapacité à reconnaître des objets malgré des fonctions sensorielles intactes) ou des troubles des fonctions constructives, se traduisant par une incapacité à recopier une figure en 3 dimensions, à assembler des cubes ou à placer des bâtons selon une configuration déterminée. (incapacité à réaliser une activité motrice malgré une compréhension et des fonctions motrices intactes), une
  • Altération de la personnalité, c'est-à-dire modification ou accentuation des traits prémorbides.

  • - Les perturbations en A et B interfèrent de façon significative avec les activités professionnelles ou sociales ou avec les relations avec les autres.
    - Ne survient pas de façon exclusive au cours de l'évolution d'un délirium.
    - Le trouble peut être raisonnablement relié à une pathologie organique.
     
    Commentaires sur les critères du DSM III R :
    - On voit que pour parler de démence, il faut l'atteinte de plusieurs fonctions cognitives et qu'un trouble de mémoire est indispensable.
    - Il faut que le trouble ait des répercussions dans la vie quotidienne et le diagnostic de démence ne doit pas être porté sur un simple échec à des tests cognitifs.
    - D : élimine la notion de "délirium" ou confusion mentale qui est un état transitoire, marqué par une fluctuation des symptômes, l'existence de troubles de la vigilance, d'apparition rapide et théoriquement réversible.
    - E : Elimine les "pseudo démences" d'origine psychiatrique, en particulier la dépression.
     
    La démence est un syndrome, d'origine et de modes évolutifs divers.

    2 Neuroanatomie de la démence

    Les lésions cérébrales susceptibles d'engendrer un tableau démentiel sont dans l'immense majorité des cas étendues, diffuses ou multiples.
    Elles peuvent être corticales et/ou sous corticales. Il s'agit essentiellement des cortex dits associatifs qui intègrent les informations traitées dans les cortex sensoriels primaires.

    3 Diagnostic positif

    3.1 Circonstances du diagnostic

    Il peut s'agir de l'apparition de difficultés cognitives, en particulier de troubles de la mémoire, d'installation insidieuse. Souvent le patient n'a qu'une conscience partielle de ses difficultés et c'est l'entourage qui demande la consultation.
    Parfois le tableau démentiel est découvert à l'occasion d'une décompensation aiguë, d'un trouble du comportement qui survient dans diverses circonstances : pathologie intercurrente ; hospitalisation ; prescription de certains médicaments, en particulier psychotropes...
    Il peut enfin s'agir d'un affaiblissement intellectuel découvert de façon fortuite et noyé dans une symptomatologie neurologique plus riche.

    3.2 C'est l'interrogatoire du patient et l'entretien avec la famille qui est le temps essentiel du diagnostic positif

    Le discours du patient est appauvri ou incohérent, manquant de toute organisation logique et donnant lieu à des digressions multiples. Il peut être hésitant, marqué par des pauses au cours desquelles le sujet cherche ses mots.
    L'orientation temporo-spatiale est souvent perturbée. Le patient peut donner sa date de naissance mais se trompe sur son âge et sur l'année en cours. Sa famille nous signale qu'il peut se perdre chez lui.
    Il existe des troubles de mémoire : le patient est incapable de critiquer les événements de l'actualité, de nous rappeler ce qu'il a fait la veille, ce qu'il a mangé le midi ... Il est incapable de se souvenir de 3 mots quelques minutes après qu'on les lui ait fournis. Il hésite sur le nom et même le nombre de ses petits enfants. Souvent la mémoire ancienne est mieux conservée que celle des événements récents.
    Les troubles du raisonnement et du jugement, de la pensée abstraite constituent pour certains le noyau du concept de démence : le patient est incapable de juger une situation, de trouver des moyens de compensation à son handicap, de trouver des solutions aux problèmes de la vie courante. Il ne critique pas les histoires absurdes. Il s'avère incapable de trouver les points communs ou les différences entre divers concepts ; de définir des proverbes.
    Les autres fonctions cognitives (reconnaissance des personnes ou des objets : agnosie ; utilisation des objets : apraxie) peuvent être perturbées.
    L'interrogatoire de la famille nous apprend également que son caractère a changé : il est devenu irritable ou au contraire doux comme un agneau. Son état thymique peut s'être modifié. Il ne s'exerce plus aux activités qui, auparavant, le motivaient. Il ne prend plus d'initiative.
    Il peut présenter des symptômes de nature "psychiatrique" : hallucinations, idées délirantes, agressivité...
    L'ensemble des perturbations sus-citées est responsable d'une perte des capacités d'adaptation et de l'autonomie. On note une moindre efficience au travail, une tendance à l'incurie avec difficultés à maintenir un niveau de propreté correct, à organiser une conduite, une difficulté à faire face aux problèmes quotidiens et finalement une dépendance vis à vis d'autrui.

    4 Diagnostic différentiel

    4.1 Confusion mentale

    - Caractère aigu ou subaigu des symptômes.
    - Altération du cycle veille-sommeil.
    - Troubles perceptifs souvent au premier plan : illusions, hallucinations à prédominance nocturne.
    - Etat émotionnel particulier : angoisse, perplexité, agressivité
    - Fluctuation des symptômes.
    Cependant un dément peut s'aggraver sous forme de bouffées confusionnelles et une confusion peut régresser mais laisser place à un état démentiel.

    4.2 Pseudodémence dépressive

    La dépression peut être responsable de symptômes proches de ceux de la démence. Cependant, on note alors :
    - Une humeur dépressive, des idées noires
    - Une prédominance des plaintes sur la baisse des performances aux tests, en particulier mnésiques.
    - Une installation relativement rapide des symptômes.
    - Des antécédents d'épisodes dépressifs
    - Des facteurs déclenchants
    - L'EEG du sommeil montre une diminution de la latence du sommeil paradoxal.
    - C'est en fait surtout la regression des symptômes après un traitement antidépresseur d'épreuve qui permet d'affirmer la pseudo-démence.

    4.3 Lésions cérébrales focales ; syndrome amnésique isolé (Syndrome de Korsakoff...)

    C'est la préservation de l' "intelligence", du raisonnement, du jugement qui fait la différence.

    4.4 Troubles de mémoire bénins, liés à l'âge

    La plainte mnésique est très fréquente après 50 ans, mais elle est alors isolée, sans répercussion dans la vie quotidienne. Il s'agit de difficultés à disposer de l'information au moment opportun sans oubli vrai.

    5 Diagnostic étiologique

    Il repose sur :
    - Les données de l'interrogatoire : ATCD personnels et familiaux, mode d'installation et d'évolution des troubles, symptômes neurologiques et extraneurologiques associés.
    - Un examen physique neurologique et extraneurologique.
    - La pratique d'examens complémentaires : Biologiques (NFS - VS - BH - Ionogramme sanguin. Horm. thyroïdiennes - cortisol plasmatique .Vit B12 - Folates. Sérologie syphilitique et HIV) ; EEG ; PL ; TDM crânien.
     
    Même si les étiologies dégénératives représentent 60 à 70% des cas, le clinicien doit s'efforcer de rechercher une cause curable.

    5.1 Affections neurochirurgicales (5-10% des cas) révélées par le scanner

    5.1.1 L'hydrocéphalie à pression normale

    Est due à un trouble de la résorption du LCR au niveau des granulations de Paccioni.
    Triade caractéristique (AKIM) :
    - détérioration intellectuelle
    - troubles de la marche : astasie-abasie avec rétropulsions
    - incontinence urinaire
    Diagnostic sur le scanner crânien : dilatation quadriventriculaire, sans atrophie corticale avec présence de houppes de résorption.
    Amélioration des symptômes par la ponction lombaire évacuatrice.
    Traitement : valve de dérivation ventriculopéritonéale.

    5.1.2 L'hématome sous dural chronique

    Fait suite à un traumatisme crânien, même bénin, chez un patient au terrain particulier (troubles de l'hémostase : alcoolisme chronique, traitement anticoagulant).
    Tableau démentiel progressif avec ou sans signes neurologiques.
    Diagnostic grâce au scanner crânien : hypodensité repoussant le parenchyme cérébral.
    Traitement par évacuation chirurgicale.

    5.1.3 Tumeurs intracrâniennes

    Tableau démentiel associé à des symptômes focaux et/ou des signes d'Hypertension Intracrânienne.

    5.2 Intoxications chroniques (5-10%)

    5.2.1 Médicaments en particulier psychotropes :

    - antiépileptiques (barbituriques), antiparkinsoniens.
    - benzodiazépines, neuroleptiques.

    5.2.2 Toxiques industriels

    5.2.3 Monoxyde de carbone

    5.2.4 L'intoxication alcoolique chronique

    Peut être responsable d'une démence par divers mécanismes :
    - carences vitaminiques (B1, PP)
    - HSD chronique
    - Syndrome de Machiafava Bignami : chez les buveurs de vin rouge italien et français, par nécrose du corps calleux.
    - Démence alcoolique primaire, liée à l'action propre de l'alcool sur les neurones et qui peut s'améliorer en cas de sevrage total et définitif.

    5.3 Infections et inflammations (2 à 5%)

    5.3.1 Paralysie générale syphilitique :

    Méningoencéphalite survenant 10 à 30 ans après une syphilis primaire non traitée.
    Signes intellectuels : démence avec troubles du jugement pouvant entrainer des actes délictueux.
    Signes psychiatriques :
    - mégalomanie
    - euphorie béate ou mélancolie
    Signes neurologiques :
    - tremblement fin des mains et de la bouche
    - dysarthrie
    - signe d'Argyll Robertson : abolition du réflexe photomoteur mais non à l'accomodation convergence
    La ponction lombaire met en évidence une méningite chronique (hypercytose, hyperprotéinorachie) et la présence d'une secrétion intrathécale d'immunoglobulines.
    Le diagnostic est porté sur la positivité de la sérologie dans le sang et surtout le LCR
    Traitement : Pénicilline

    5.3.2 Séquelles de méningoencéphalite virale, en particulier herpétique

    5.3.3 Panencéphalite sclérosante subaïguë

    Complication tardive et rare d'une infection par le virus de la rougeole. Elle doit être évoquée sur l'association, chez un enfant ou un adolescent, d'une détérioration intellectuelle et de signes neurologiques. La ponction lombaire met en évidence une secrétion intrathécale d'immunoglobulines et l'EEG présente un aspect caractéristique.

    5.3.4 Leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP)

    Infection opportuniste à Papovavirus survenant chez l'immunodéprimé (hémopathie ; traitement immunosuppresseur ; HIV). Diagnostic par TDM ou IRM mettant en évidence de vastes plages de démyélinisation. Pas de traitement.

    5.3.5 Encéphalopathie paranéoplasique

    5.3.6 Complexe SIDA-démence

    Complication neurologique la plus fréquente (= 20%)
    Possible à tous les stades de l'infection.
    Début par un ralentissement psychomoteur, des troubles de l'attention et de concentration, apathie et désintérêt. Possible début par des symptômes psychiatriques : hallucinations, idées délirantes.
    Signes moteurs fréquents, à type de troubles de la marche et de l'équilibre, de maladresse dans les mouvements fins.
    Evolution vers un état grabataire avec mutisme.
    Diagnostic par PL : sérologie, recherche d'antigènes viraux...

    5.3.7 SEP, Behcet, Sarcoïdose , Horton, LED, maladie de Whipple et autres maladies inflammatoires...

    5.4 Maladie de Creutzfeld-Jakob

    La maladie de creutzfeld-jakob fut au départ considérée comme d'origine infectieuse (virus lent) car l'on a pu prouver sa transmissibilité au singe. Il existe d'ailleurs des cas iatrogènes, secondaires à des injections d'hormones humaines (hormone de croissance) ou à certaines greffes (cornée), ce qui pose un véritable problème de santé publique. Récemment, plusieurs cas ont été rapportés comme secondaires à l'encéphalite spongiforme bovine ("maladie de la vache folle"). Actuellement, elle est considérée comme liée à la prolifération d'une protéine particulière (prion) normalement codée par le chromosome 20.
    Clinique :
    - Démence d'évolution rapide et fatale en moins de 2 ans chez des sujets de 50 à 70 ans.
    - Présence de signes neurologiques : myoclonies (+++), syndrome pyramidal, extrapyramidal et/ou cérébelleux.
    EEG : aspect évocateur : pointes périodiques.

    5.5 Désordres métaboliques, endocriniens et nutritionnels (< 1%)

    - Hypo ou hyperthyroïdie.
    - Hypo ou hyperparathyroïdie.
    - Cushing - Insuffisance surrénalienne.
    - Hypoglycémie chronique.
    - Insuffisance respiratoire, rénale, hépatique, pancréatique.
    - Encéphalopathies carentielles PP, B1,B12, folates.
    - Maladies métaboliques génétiques.

    5.6 Démences post-traumatiques et post anoxie cérébrale

    5.7 Démences artériopathiques (10-20%) : infarctus multiples ; état lacunaire et maladie de Binswanger

    - Notion de FdR vasculaires, en particulier Hypertension artérielle.
    - Démence d'apparition brutale et évoluant par à-coups partiellement régressifs.
    - Présence de signes à l'examen neurologique
    - TDM crânien : signes d'atteinte vasculaire : infarctus cérébraux, lacunes, leucoaraïose.

    5.8 Démences dégénératives avec signes neurologiques

    - Maladie de Parkinson et Maladie à corps de Lewy
    - Chorée de Huntington
    - Paralysie supranucléaire progressive

    5.9 Maladies dégénatives primaires

    Ici le tableau clinique se limite à un syndrome démentiel isolé, avec un examen neurologique normal.

    5.9.1 Maladie d'Alzheimer

    Epidémiologie : représente à elle seule 50% de l'ensemble des démences ; = 5% de la population de plus de 65 ans et 10 à 20% de celle de plus de 80 ans est touchée par la maladie ; prédomininance féminine et du bas niveau socio-culturel. S'il existe un facteur familial indéniable, il n'y a que 5% de formes autosomiques dominantes.
    Mécanisme supposé : Accumulation intracérébrale d'une protéine normale, la protéine amyloïde A4
    Lésions histologiques spécifiques : Plaques séniles et Dégénérescences Neuro-fibrillaires.
    Clinique : apparition et évolution progressive
    - Stade initial : tableau démentiel ou prédominent les troubles mnésiques. Syndrome aphaso-apraxo-agnosique. Examen neurologique normal
    - Evolution : apparition de symptômes neurologiques uniquement en phase avancée : syndrome extrapyramidal, myoclonies, crises convulsives.
    Examens :
    - EEG : ralentissement non spécifique
    - TDM, IRM : atrophie postérieure se majorant à quelques mois d'intervalle.
    - Biopsie : Diagnostic de certitude par la mise en évidence des lésions spécifiques.
    Traitement : Cognex (Tacrine), Aricept (Donepezil), Exelon (Rivastigmine) qui ont un rôle symptomatique.

    5.9.2 Maladie de Pick

    Tableau frontal avec :
    - troubles de l'attention
    - stéréotypies verbales et comportementales
    - tendance aux actes délictueux
    - pas de syndrome aphaso-apraxo-agnosique.
    TDM : atrophie antérieure fronto-temporale.
    Biopsie : présence de lésions spécifiques : neurones ballonés et inclusions intracytoplasmiques (boules argentophiles).

    6 Traitement

    Eviter les facteurs d'aggravation :
    - problèmes métaboliques (hypo ou hypernatrémie, déshydratation...).
    - hospitalisations
    - psychotropes, anesthésie générale.
    Prise en charge sociale : ALD ; protection juridique ; aide à domicile ; prise en charge de la famille.
    Traitement symptomatique :
    - troubles du sommeil : hypnotiques légers
    - agitation : sédatifs
    - Antidépresseurs non tricycliques éventuellement.
    Traitement étiologique si possible.


    Complications neurologiques de l'alcoolisme

    Dr. Véronique de Deburghgraeve, Dr. Serge Belliard

    Service de neurologie, CHU de Rennes, 2 rue Henri Le Guilloux, 35033 Rennes Cedex
     

    mis à jour le 2 août 1998

    1 Intoxication alcoolique aiguë 
    1.1 L'ivresse ordinaire 
    1.2 L'ivresse pathologique 
    1.3 Coma éthylique 
    2 Le syndrome de sevrage : delirium tremens 
    3 L'épilepsie alcoolique 
    4 Encéphalopathie de Wernicke
    5 Syndrome de Korsakoff 
    6 Pellagre 
    7 Polyneuropathie 
    8 Neuropathie optique 
    9 Atrophie cérébelleuse 
    10 Myélinolyse centro-pontique 
    11 Maladie de Marchiafava-Bignami

    L'alcoolisme provoque des troubles neurologiques d'évolution aiguë ou chronique ; les mécanismes étiopathogéniques sont variables, toxiques, carentiels et dans certains cas le mécanisme exact reste incertain.

    1 Intoxication alcoolique aiguë

    1.1 L'ivresse ordinaire

    Elle s'accompagne généralement d'une phase d'excitation avec euphorie, libération des freins sociaux, chez un patient logorrhéique quelquefois agressif ; à la phase d'ébriété la démarche devient instable, la parole devient bredouillante. Il existe également des troubles végétatifs : nausées, diarrhée, vomissements.
    Le traitement repose sur la surveillance simple et la recherche au moindre doute d'une hypoglycémie.

    1.2 L'ivresse pathologique

    Ivresse excitomotrice avec un comportement impulsif, violent, destructeur.
    Ivresse hallucinatatoire avec délire.
    Le traitement peut faire appel aux neuroleptiques (sédatifs).

    1.3 Coma éthylique

    Si l'intoxication est massive, on peut aboutir à un coma avec :
    - des signes neurologiques : coma calme, hypotonique sans signe de localisation.
    - des signes respiratoires : dépression ventilatoire avec encombrement, risque d'anoxie.
    - des signes circulatoires : hypotension artérielle : collapsus
    - une hypothermie.
    Le diagnostic sera évoqué devant :
    - la notion d'intoxication alcoolique (signes d'intoxication chronique, interrogatoire de l'entourage ..)
    - la mesure de l'alcoolémie.
    - surtout on se mefiera d'une autre cause de trouble de la conscience avec des pathologies souvent intriquées chez l'éthylique : hématome sous-dural ou extradural, hypoglycémie, hyponatrémie, abcès cérébral, hémorragies méningées, encéphalopathie hépatique ou carentielle, intoxication médicamenteuse.
    Le coma éthylique nécessite une prise en charge en milieu hospitalier avec surveillance des différents paramètres (pouls, tension, respiration), remplissage vasculaire avec rééquilibration hydroélectrolytique, apport vitaminique.

    2 Le syndrome de sevrage : delirium tremens

    Il est lié à la suspension brutale de l'intoxication ; des symptomes mineurs initiaux peuvent apparaître 6 à 8 heures après la dernière absorption : instabilité, anxiété, tremblements, nausées ; si le sevrage se poursuit les troubles se majorent et s'installe le delirium tremens avec : agitation, état confusionnel, hallucinations (zoopsie), tremblement rapide, trouble du sommeil, signes neurovégétatifs (sudation, fièvre,tachycardie, HTA ..) ; des crises comitiales sont fréquentes.
    Le traitement doit être mis rapidement en place avec :
    - réhydratation parentérale ; correction des troubles électrolytiques.
    - sédatifs.
    - apports plurivitaminés : Vit. B6, B12, nicotinamide PP, avec de fortes doses de thiamine B1 (500 mg à 1 g/j. par voie IM ou IV, mais risque d'allergie par voie IV).

    3 L'épilepsie alcoolique

    Des crises comitiales surviennent fréquemment chez l'alcoolique, c'est la première cause de crise d'épilepsie après 20 ans ; il existe différents types de crise.
    - les crises au cours du sevrage
    - les crises contemporaines d'une intoxication aiguë massive
    - les crises secondaires à un autre antécédent neurologique notamment traumatique
    - les crises survenant au cours d'une encéphalopathie
    - Enfin, l'alcoolisme chronique peut induire la survenue de crise généralisée tardive ; c'est l'épilepsie alcoolique proprement dite. Avant de s'arrêter à ce diagnostic il faudra toujours rechercher une cause favorisante autre (contusion, hématome sous-dural, néoplasie).

    4 Encéphalopathie de Wernicke

    Encéphalopathie carentielle liée à un déficit en thiamine (vitamine B1), secondaire à l'éthylisme chronique à la fois par défaut d'apport (dénutrition), par défaut d'absorption lié aux troubles gastro-intestinaux, défaut de stockage hépatique ; peut être favorisée par un apport de glucose important lors d'une réhydratation sans apport en vitamine B1 dans le même temps.
    En fait, cette encéphalopathie carentielle peut se voir dans d'autres circonstances : vomissements gravidiques, jeûne prolongé .. Les lésions siègent dans la région périaqueducale, dans le plancher du 3è et 4è ventricule et surtout on note une atteinte privilégiée des tubercules mamillaires (lésions mixtes neuronales, vasculaires et gliales).
     
    Phase de début : aggravation des troubles digestifs (nausées-vomissements), altération de l'état général avec amaigrissement souvent important, lenteur d'idéation avec tendance à la somnolence, début en quelques jours à quelques semaines, progressif, quelquefois début aigu favorisé par une surcharge glucidique.
     
    Phase d'état : 3 ordres de signes neurologiques sont associés à des degrès variables :
    * des troubles psychiques : confusion mentale, quelquefois ralentissement idéomoteur avec hypersomnie. L'existence de fabulations, troubles de la mémoire, avec fausses reconnaissances évoquant un syndrome de Korsakoff est évocateur.
    * troubles de la marche : liés essentiellement à un syndrome cérébelleux ; peuvent être aggravés par une polyneuropathie ; marche instable avec élargissement du polygone, déséquilibre.
    * signes oculaires :
    - nystagmus : symptome fréquent précoce.
    - paralysie du VI, plus rarement du III
    - paralysie de fonction, moins fréquent.
    * signes associés :
    - hypertonie oppositionnelle
    - signes végétatifs : tachycardie.
     
    Le diagnostic positif est clinique, on peut effectuer le dosage de la thiamine dans le sang, de l'activité transcétolasique qui est diminué ou de la pyruvicémie qui est élevée : ces dosages sont délicats.
    Deux problèmes se posent en fait :
    - évoquer systématiquement le diagnostic d'encéphalopathie carentielle devant une symptomatologie neurologique centrale chez un éthylique, ce qui impose un traitement d'urgence (vitaminothérapie).
    - savoir évoquer une pathologie associée sur ce terrain : hématome sous-dural, méningite.
     
    Traitement : vitaminothérapie B1 par voie parentérale ; 500 mg à 1 g/j. Association avec une polyvitaminothérapie (PP, B6), une réhydratation, régime équilibré.
     
    Evolution : le pronostic est lié à la précocité du traitement, régression assez rapide des troubles oculaires et ataxiques.
    Quand le traitement est trop tardif, risque de mort subite. Surtout on observe des séquelles à type de syndrome de Korsakoff.

    5 Syndrome de Korsakoff

    Il s'agit d'un syndrome clinique associant :
    - une amnésie essentiellement antérograde, sans démence associée.
    - des fabulations
    - des fausses reconnaissances
    - une anosognosie.
    Il est secondaire à des lésions bilatérales non nécessairement symétriques du circuit hippocampo-mamillo-thalamique ; l'étiologie la plus fréquente est l'alcoolisme chronique par le biais d'une carence en thiamine. La symptomatologie s'installe progressivement et dans 80% des cas il succède à une encéphalopathie de Wernicke traitée trop tardivement. Il existe d'autres étiologies : tumorale, ischémique, traumatique.
     
    Caractères cliniques :
    L'amnésie domine le tableau avec impossibilité d'enregistrer des faits nouveaux, un oubli à mesure caractéristique, il ne sait où il est ni quand il est : désorientation temporo-spatiale.
    En contraste la mémoire immédiate (répétition immédiate d'une série de chiffres) est conservée, les capacités de jugement, raisonnement sont à peu près conservés ; il ne s'agit pas d'une détérioration globale.
    Le patient est inconscient de son trouble, il répond aux questions en fabulant ; les fausses reconnaissances fréquentes sont du même ordre.
    La vigilance est normale.

    6 Pellagre

    Il s'agit d'un syndrome carentiel complexe dont la carence en vitamine PP (acide nicotinique) est un facteur essentiel ; c'est une complication rare de l'éthylisme chronique favorisée par une dénutrition importante. Le diagnostic est uniquement clinique avec une symptomatologie qui associe :
    - une confusion mentale progressive
    - une rigidité extrapyramidale très importante
    - des signes digestifs : vomissements, mais surtout diarrhée chronique
    - des signes cutanés.
    Le traitement est surtout préventif avec apport de la vitamine PP chez les éthyliques carenciés.

    7 Polyneuropathie

    Elle est secondaire à un mécanisme mixte de toxicité lié à l'éthylisme chronique et surtout de carence nutritionnelle en particulier polyvitaminique (B1, B2, PP). Elle touche environ 10% des alcooliques.
    Dans la forme habituelle, il s'agit d'une polyneuropathie sensitivomotrice d'installation chronique, mais on peut observer une décompensation aiguë à l'occasion d'une infection intercurrente, une diète alimentaire.
    Le déficit moteur intéresse les releveurs du pied de façon bilatérale, les troubles sensitifs sont le plus souvent présents avec une topographie en chaussette ; des douleurs à type de crampes, de brûlures sont fréquentes ; s'y associent des troubles trophiques. D'autres aspects cliniques peuvent être rencontrés avec des formes à prédominance sensitive ou à l'inverse motrice. Sur le plan électrophysiologique et histologique on retient une atteinte axonale prédominante.

    8 Neuropathie optique

    Le mécanisme est discuté, lié à une atteinte carentielle marquée polyvitaminique mais surtout B1 et à une atteinte toxique en particulier liée au tabagisme souvent associé.
    Sur le plan clinique on observe une baisse progressive sur quelques semaines, ou quelques mois de l'acuité visuelle.
    L'examen ophtalmologique confirme la baisse bilatérale et symétrique de l'acuité visuelle, avec un scotome centro-caecal, une pâleur papillaire.
    Le traitement consiste en une alimentation équilibrée associée à une vitaminothérapie et un sevrage.

    9 Atrophie cérébelleuse

    C'est une complication fréquente de l'alcoolisme dont le mécanisme n'est pas déterminé. Il s'agit d'une atrophie localisée intéressant le vermis et les hémisphères cérébelleux.
    Elle concerne surtout l'homme, autour de 50 ans, elle se manifeste par :
    - des troubles de la marche liés à une atteinte cérébelleuse statique ; l'atteinte cinétique est plus discrète.
    - d'installation insidieuse en quelques semaines, favorisée par les périodes de restriction alimentaire. La décompensation peut aussi être brutale favorisée par une infection intercurrente, un syndrome de sevrage.
    - aux membres supérieurs l'atteinte est plus discrète. De même la dysarthrie est rare et modérée.
    Le scanner montre une atrophie du cervelet souvent associée à une atrophie corticale.
    Evolution : on observe une stabilisation au bout de quelques mois, le traitement par vitaminothérapie a peu d'effet.

    10 Myélinolyse centro-pontique

    C'est une complication rare de l'alcoolisme en relation avec des désordres hydroélectrolytiques (hyponatrémie) et surtout leur correction trop rapide.
    La pathogénie est mal connue ; elle correspond à une atteinte de type démyélinisante située dans la protubérance.
    Les signes cliniques : s'observent le plus souvent chez un patient au décours d'un syndrome de sevrage ; avec un syndrome pseudobulbaire : rire et pleurer spasmodique, dysarthrie, dysphonie, astasie-abasie.
    L'évolution aboutit à un syndrome tétrapyramidal, la mort survenant rapidement.
    Le traitement est surtout préventif : éviter l'apparition et surtout la correction trop rapide de l'hyponatrémie.

    11 Maladie de Marchiafava-Bignami

    Maladie très rare. Homme éthylique chronique entre 30 et 70 ans. Pathogénie non connue; correspond à les lésions de démyélinisaton du corps calleux.
    On observe 2 formes cliniques :
    - une forme aiguë avec coma, crises comitiales, troubles psychiques.
    - une forme chronique : associant une démence progressive, une astasie-abasie, une hypertonie, des signes de dysconnexion interhémisphérique.
    L'IRM confirme l'atrophie du corps calleux.
     
    En conclusion, l'alcoolisme provoque de nombreux troubles neurologiques aussi bien centraux que périphériques, aigus ou chroniques. D'autres atteintes sont possibles non abordées ici (myopathies alcooliques - démences alcooliques) ; de la même façon l'alcoolisme est responsable de complications neurochirurgicales traumatiques, il serait aussi un facteur de risque important d'accidents vasculaires cérébraux.

    Compressions médullaires

    Dr. A. Hamlat

    Service de neuro-chirurgie, CHU de Rennes, 2 rue Henri Le Guilloux, 35033 Rennes Cedex
     

    mis à jour le 3 août 1998

    Généralités 
    1 Rappel anatomique 
    2 Rappel physiologique 
    3 Vascularisation de la moelle 
    4 Physiopathologie 
    5 Etude clinique 
    5.1 Le syndrome rachidien 
    5.2 Le syndrome lésionnel 
    5.3 Le syndrome sous-lésionnel 
    6 Evolution des manifestations cliniques 
    6.1 Phase de début 
    6.2 Stade de parésie spasmodique 
    6.3 Stade de parésie hyperspasmodique 
    6.4 Stade de plégie flasco-spasmodique 
    6.5 Stade de plégie flasque 
    7 Formes clinique
    7.1 Variétés topographiques en hauteur 
    7.2 Formes topographiques en largeur 
    8 Examens complémentaires 
    8.1 Biologie  
    8.2 Etude du L.C.R. 
    8.3 Les radiographies du rachis 
    8.4 Examen tomodensitométrique 
    8.5 Myélographie opaque 
    8.6 Imagerie par résonance magnétique I.R.M. 
    8.7 Les autres examens 
    9 Diagnostic différentiel 
    10 Diagnostic étiologique 
    10.1 Les lésions extradurales 
    10.2 Les lésions intradurales-extramédullaires 
    10.3 Les lésions intramédullaires 
    11 Bibliographie

    Généralités

    La multiplicité des causes pouvant provoquer une compression de la moelle, située dans un canal ostéo-fibreux inextensible, ainsi que la diversité du siège de cette compression et de son intensité expliquent le polymorphysme des tableaux cliniques réalisés. D'autre part le pronostic fonctionnel des compressions médullaires (risque de para ou tétraplégie) en fait toute la gravité.
    Les compressions d'origine traumatique ne seront pas abordées.

    1 Rappel anatomique

    La moelle s'étend du trou occipital (jonction bulbo-médullaire) jusqu'au niveau du disque L1L2.
    Elle présente :
    - un renflement cervical
    - un renflement lombaire
    - un cône terminal, d'où se détache le filum terminal.
    La croissance en longueur de la moelle est moins importante que celle du canal vertébral, au point qu'à la naissance, le cône médullaire (moelle sacrée) se termine au niveau du 2ème disque lombaire. Cette "ascension" apparente de la moelle explique :
    - Le décalage entre segment médullaire et vertèbre à partir de T6.
    - La formation de la queue de cheval.
    Ainsi si au niveau cervical, la moelle cervicale correspond segment pour segment au vertèbres cervicales, la moelle dorsale se décale progressivement vers le haut. Ainsi le 12° segment médullaire dorsal correspond à T10. La moelle lombaire se projette de T10 à L1, la moelle sacrée correspond à L1. A partir de L2 se trouvent les racines de L2 à Co1 correspondant à la queue de cheval formée donc par les 4 racines lombaires restantes (L2-L5) les racines sacrées (S1-S5) et une racine coccygienne Co1. L'enveloppe durale qui contient la moelle se prolonge jusqu'au sacrum, et contrairement à la dure mère encéphalique, la dure mère rachidienne n'adhère pas à l'os. Il existe donc un espace péridural, réduit vers l'avant mais plus large vers l'arrière et qui est occupé par de la graisse épidurale et les plexus veineux intra-rachidiens.

    2 Rappel physiologique

    La moelle épinière est un organe de conduction, fonction assumée par les faisceaux ascendants et descendants de la moelle, situés dans les cordons médullaires. La moelle est cependant aussi un centre réflexe, sous le contrôle à l'état normal des centres supra-segmentaires.

    2.1 Systématisation

    Sur une coupe de moelle, on distingue la substance grise formé par les corps cellulaires et la substance blanche formée par les fibres de passage.
    La substance grise présente 2 cornes antérieures, motrices et deux cornes postérieures sensitives. On décrit aussi 2 cornes latérales neurovégétatives. La substance grise est subdivisée en 10 couches selon la classification de REXED.
    La substance blanche est divisée en cordons. Les cordons antero-latéraux et les cordons postérieurs.

    2.2 La moelle organe de conduction

    2.2.1 Les cordons antéro-latéraux

    Renferment les voies descendantes (motrices) et ascendantes (sensitives).
    - Les voies descendantes sont motrices et sont représentées par :
    . les faisceaux pyramidaux croisés et directs
    . les faisceaux extrapyramidaux, que sont les faisceaux tecto-spinal, vestibulospinal, olivo-spinal, rubro-spinal.
    - Les voies ascendantes sont sensitives. On distingue :
    . les faisceaux spino-thalamiques qui vectent la thermo-algésie.
    . les faisceaux spino-réticulo-thalamiques où cheminent le tact protopathique.
    . les faisceaux spino-cérébelleux véhiculant la sensibilité profonde inconsciente.

    2.2.2 Les cordons postérieurs

    Sont formés par les faisceaux de GOLL et BURDACH (faisceaux gracile et cunéiforme) et vectent la sensibilité profonde consciente, ainsi que le tact épicritique.

    2.3 La moelle centre réflexe

    Un arc réflexe fait intervenir : un récepteur périphérique, une voie afférente, un centre, une voie efférente, un effecteur périphérique.
    Cet arc réflexe est sous la dépendance, à l'état normal des centre supra-segmentaires.

    3. Vascularisation de la moelle

    La moelle est vascularisée par le biais des artères radiculo-médullaires. Les artères radiculo-médullaires antérieures suivent la face antérieure de la racine nerveuse antérieure et rejoignent l'axe spinal antérieur sur la ligne médiane.
    Les artères radiculo-médullaires postérieures suivent la face antérieure de la racine nerveuse postérieure et rejoignent l'axe spinal postérolatéral dans le sillon collatéral postérieur. Globalement il existe 6 à 8 artères radiculo-médullaires antérieures dont les plus importantes sont l'artère du renflement cervical et l'artère du renflement lombaire ou artère d'ADAM KIEWICZ. Il existe en moyenne 20 artères radiculomédullaires postérieures.

    4 Physiopathologie des compressions médullaires

    L'ensemble des manifestations cliniques des compressions médullaires traduisant une souffrance de l'axe nerveux peut être secondaire à :
    - Des phénomènes compressifs mécaniques purs, des cordons médullaires, à l'origine d'une perturbation des fonctions assumées par les faisceaux renfermés dans ces cordons.
    - Des phénomènes vasculaires. La compression des vaisseaux médullaires (artères ou veines) sera à l'origine d'une ischémie médullaire, surtout en cas d'atteinte artérielle.
    D'autre part, il faut remarquer que plus le processus compressif évolue lentement, plus la moelle s'adapte à cette compression lente, car dans un premier temps la moelle est simplement refoulée (phase asymptomatique) puis comprimée (début des manifestations cliniques). Cette lenteur d'évolution explique le caractère insidieux des manifestations cliniques. Si la compression touche d'abord une racine, longtemps les manifestations radiculaires seront seules en cause, avant que n'apparaissent les manifestations médullaires, si le diagnostic n'a pas été fait.

    5 Etude clinique

    Le tableau clinique commun, des compressions médullaires associe :
    - un syndrome rachidien
    - un syndrome lésionnel
    - un syndrome sous lésionnel.

    5.1 Le syndrome rachidien

    Il traduit la souffrance des éléments ostéo-disco-ligamentaires du canal rachidien. On comprendra aisément qu'il soit surtout marqué dans les affections extradurales prenant naissance au niveau d'un de ces éléments constitutifs. Il sera aussi mieux mis en évidence au niveau cervical ou lombaire qu'en région dorsale en raison de la grande mobilité des premiers segments sus-cités. Il peut s'agir d'une douleur rachidienne localisée, spontanée ou provoquée, d'une attitude anormale, d'une limitation des mouvements du rachis.

    5.2 Le syndrome lésionnel

    Il traduit la souffrance du métamère directement comprimé par la lésion en cause. Il peut s'agir de l'atteinte d'une racine ou de l'interruption des voies sensitivo-motrices métamériques. La symptomatologie de ce syndrome est radiculaire et en principe le premier en date. Son importance et son intensité sont variables.
    Ce syndrome comprend :

    5.2.1 Un tableau radiculaire subjectif

    La douleur est souvent le seul élément, elle est fixe, tenace, unilatérale au début, de topographie métamérique radiculaire, d'intensité variable, souvent nocturne ou à recrudescence nocturne. Parfois il s'agit de paresthésies à type de fourmillements d'engourdissements dans un territoire radiculaire.

    5.2.2 Un tableau radiculaire objectif

    Ce tableau peut comporter :
    - des troubles sensitifs à type d'hypo ou d'anesthésie en bande radiculaire.
    - des troubles moteurs avec une paralysie flasque avec amyotrophie, fasciculations, troubles neuro-végétatifs en bande.
    - des troubles des réflexes, diminution, abolition ou inversion d'un réflexe dans le territoire correspondant.
     
    L'importance et la netteté de ce syndrome lésionnel radiculaire dépendent :
    - Du siège en hauteur de la compression
    Le syndrome radiculaire sera plus net en région cervicale où le territoire radiculaire est bien individualisé et mieux explorable et surtout l'existence à ce niveau de réflexes ostéo-tendineux, alors qu'en région thoracique, il peut se résumer à uniquement des douleurs intercostales en hémiceinture ; car à ce niveau la paralysie segmentaire est impossible à mettre en évidence.
    - De l'étendue en hauteur de la compression qui peut ainsi léser plusieurs racines.
     
    La mise en évidence de ce syndrome lésionnel est capitale car elle permet sans contexte de situer le niveau à explorer.

    5.3 Le syndrome sous-lésionnel

    Il traduit la souffrance des voies longues sensitives et motrices, conséquence de leur interruption physiologique plus ou moins complète ; il va se constituer dans toute la portion du corps sous-jacente à la compression des troubles moteurs sensitifs et sphinctériens.
    Le syndrome sous-lésionnel au début peut être discret ; à la phase d'état il comprend :
    * Des troubles moteurs avec :
    - une paralysie plus ou moins importante
    - une hypertonie de type pyramidale
    - une exagération des réflexes qui sont vifs, diffus, polycinétiques
    - une inversion du réflexe cutané plantaire (signe de Babinski).
    * Des troubles sensitifs touchant la sensibilité profonde tactile et thermoalgésique. Lorsque ces troubles sensitifs sont nets, ils donnent avec précision le siège en hauteur de la compression
    * Des troubles sphinctériens consistent d'abord en des mictions fréquentes et difficiles "impérieuses" plus tardivement rétention avec impuissance, ou incontinence.
    * Des troubles trophiques, troubles vasomoteurs, sudoripares, troubles trophiques, escarres.
    L'importance de l'atteinte des différents faisceaux n'est pas nécessairement la même, elle dépend du siège en largeur de la compression.

    6 Evolution des manifestations cliniques d'une compression medullaire

    6.1 Phase de début

    Le tableau clinique est pauvre. On peut retrouver un syndrome lésionnel fruste avec surtout des troubles sensitifs subjectifs : essentiellement des douleurs radiculaires, parfois un signe de LHERMITTE (douleur en éclair irradiant le long de la colonne vertébrale jusqu'aux membres inférieurs lors de la flexion du cou).
    Mais une fois constitué, et que les troubles moteurs sous-lésionnels sont apparus, on va décrire schématiquement 4 stades évolutifs successifs.

    6.2 Stade de parésie spasmodique

    L'atteinte motrice est minime, il peut s'agir d'une simple fatigabilité à la marche qui va s'aggravant progressivement plus ou moins vite avec réduction du périmètre de marche.
    Par contre on notera déjà une hypertonie avec un syndrome d'irritation pyramidale, hyperréflexie ostéo-tendineuse, signe de Babinski. Les troubles sensitifs sont discrets, ou atteinte de la sensibilité profonde proprioceptive. Le syndrome lésionnel lui est complet.

    6.3 Stade de parésie hyperspasmodique

    A l'hypertonie qui est majeure s'associe une faiblesse musculaire évidente, révélée par la manoeuvre de BARRE-MINGAZINI. Les troubles de la sensibilité sont nets, les troubles sphinctériens s'installent, à type de rétention.

    6.4 Stade de plégie flasco-spasmodique

    La diminution de la force musculaire est totale, on peut percevoir une contraction musculaire sans déplacement contre pesanteur. L'hypertonie est moindre. Les réflexes sont moins vifs, le signe de Babinski moins évident; les troubles de la sensibilité sont évidents, les troubles sphinctériens et neurovégétatifs sont installés. Les troubles trophiques s'installent.

    6.5 Stade de plégie flasque

    Il traduit un syndrome de section médullaire. La paralysie sensitivo-motrice est totale. Apparaissent alors les réflexes d'automatismes médullaires, réflexe de triple retrait.
    Cette évolution progressivement aggravative constitue pour les compressions médullaires, un élément essentiel, opposant l'étiologie compressive et tumorale à l'étiologie vasculaire. Mais parfois, l'évolution va se faire avec une brutalité telle qu'elle fait penser à un syndrome ischémique, secondaire à une compression d'un vaisseau médullaire. Dans ce cas le tableau clinique est celui d'une paralysie flasque avec abolition des réflexes.

    7 Formes cliniques

    7.1 Variétés topographiques en hauteur

    7.1.1 Compressions cervicales hautes

    Elles ont la particularité de provoquer une tétraplégie, évoluant en U, selon les auteurs classiques ; leur niveau est difficile à préciser entre C1 et C2.
    Les lésions cervicales se développant au voisinage du trou occipital peuvent s'accompagner d'un syndrome sus-lésionnel comportant :
    - une hydrocéphalie par blocage de l'écoulement du L.C.R.
    - un trouble de la sensibilité de la face dans le territoire du nerf ophtalmique ou du nerf mandibulaire par atteinte du noyau trigéminal spinal, voire une névralgie faciale.
    Le syndrome lésionnel peut s'exprimer par une névralgie d'ARNOLD (C2) s'exprimant par une douleur occipitale pouvant irradier vers l'oreille ou l'angle de la machoire ou par une atteinte de la musculature diaphragmatique unilatérale si la lésion se développe en regard de C4.

    7.1.2 Compressions cervicales basses

    Elles sont à l'origine d'une atteinte des racines du plexus brachial et à l'origine d'un syndrome lésionnel franc avec atteinte sensitivo-motrice et réflexe. On peut ainsi décrire :
    - Un syndrome de la racine C5 : la douleur irradie de la base de la nuque et suit l'axe de l'avant bras et du bras à la face palmaire et s'arrête en dehors à la naissance du poignet. Le déficit moteur touche l'abduction et la rotation externe de l'épaule. Le réflexe bicipital est diminué ou aboli.
    - Un syndrome lésionnel C6 : La douleur et l'hypoesthésie intéresse la face supérieure du bras et de l'avant bras, débordant sur leurs faces dorsale et palmaire, la tabatière anatomique l'éminence thénar et le pouce. Le déficit moteur touche la flexion du coude, la prosupination de l'avant bras et le long suppinateur. Le réflexe styloradial est diminué ou aboli.
    - Un syndrome lésionnel C7 : La douleur et l'hypoesthésie concerne la face postérieure de l'épaule et la face dorsale de l'avant bras et du bras, la face palmaire et dorsale de l'index et du médius. Le déficit moteur touche l'extension du coude, du poignet et des doigts. Le réflexe bicipital est diminué, aboli ou inversé.
    - Un syndrome lésionnel C8 : Les phénomènes subjectifs touchent la moitié inférieure de la face dorsale de l'avant bras et du bras et déborde l'annulaire et l'auriculaire en passant par le bord cubital de la main. Le déficit moteur touche les petits muscles de la main (mouvements du pouce, abduction-adduction des doigts). Le réflexe cubito-pronateur est atteint.
    - Un syndrome lésionnel D1
    : La douleur irradie du manubrium sternal et se prolonge à la face antérieure du bras et de l'avant bras dont elle parcourt la moitié inférieure pour se terminer au niveau des plis du poignet. Le déficit moteur est similaire à l'atteinte C8.

    7.1.3 Compressions dorsales

    Les troubles moteurs sont difficiles à mettre en évidence. Le niveau sensitif quand il est retrouvé est un bon repère clinique ainsi :
    - le mamelon correspond au métamère D4.
    - l'apophyse xyphoïde au métamère D6
    - l'ombilic au métamère D8
    - le pubis à D12.

    7.1.4 Compressions du cône terminal

    Elles se caractérisent par des troubles génito-sphinctériens, un syndrome lésionnel déficitaire sensitivo-moteur avec abolition du réflexe crémastérien (L1L2), rotulien (L3L4) ou achilléen (S1) pouvant imposer pour une atteinte périphérique d'autant plus que le signe de Babinski peut ne pas être retrouvé. L'atteinte du cône terminal peut être associé à une atteinte de la queue de cheval, ce qui rend parfois la distinction de ces deux entités difficile.

    7.2 Formes topographiques en largeur

    7.2.1 Les compressions antérieures

    Les compressions médullaires antérieures peuvent se présenter sous une forme motrice pure, pouvant simuler une maladie de Charcot. Les troubles sphinctériens sont précoces, et ces lésions peuvent être responsables d'accidents ischémiques dans le territoire de l'artère spinale antérieure.

    7.2.2 Les compressions postérieures

    Les lésions se développant en arrière de la moëlle se révèlent parfois par des troubles sensitifs profonds associés à des douleurs de type "cordonales postérieures" pouvant faire évoquer un tabes ou une sclérose combinée de la moelle surtout lorsqu'un syndrome pyramidal est retrouvé.

    7.2.3 Les compressions latéro-médullaires

    Ce type de compression peut au cours de l'évolution être responsable d'un syndrome de Brown Sequard plus ou moins net. Il traduit une compression d'une hémi-moelle. Il se traduit cliniquement par :
    - des troubles moteurs et de la sensibilité profonde du côté de la compression
    - des troubles de la sensibilité épicritique et thermoalgésique du côté opposé à la compression.

    8 Examens complémentaires

    8.1 Biologie

    Outre les examens biologiques habituels certains examens spécifiques peuvent être demandés (marqueurs tumoraux ...). Ils seront signalés avec les pathologies correspondantes.

    8.2 Etude du L.C.R.

    Prélevé par ponction lombaire.
    - Epreuve de QUECKENSTEDT-STOOKEY : actuellement peu usité, permettait de rechercher un blocage manométrique du L.C.R.
    - Dissociation albumino-cytologique : témoigne d'une compression médullaire et se traduit par une augmentation de la protéinorachie contrastant avec une cellularité liquidienne normale (2-3 cellules). La protéinorachie est souvent supérieure à 1 gr/l. Parfois elle atteint plus de 12 gr/l. réalisant un syndrome de FROIN, ou une coagulation massive du liquide jaunâtre.
    - La recherche de cellules malignes est très souvent négative. Dans quelques rares cas, il a été noté une aggravation du tableau neurologique après la ponction lombaire, traduisant un "engagement" de la tumeur, surtout dans les lésions intradurales et extramédullaires.

    8.3 Les radiographies du rachis

    L'examen radiologique standard reste de principe. L'analyse des clichés doit être rigoureuse.
    On peut découvrir :
    - des lyses osseuses localisées ou diffuses, limitées ou non.
    - un tassement vertébral, avec ou sans angulation scoliotique, une rectitude.
    - un scalloping, un élargissement de la distance interpédiculaire signe d'
    ELSBERG, une vertèbre borgne, un élargissement d'un trou de conjugaison.
    - une atteinte discovertébrale témoignant d'un processus infectieux avec modifications des parties molles paravertébrales.

    8.4 Examen tomodensitométrique

    Il peut être efficace pour apprécier les lésions osseuses et l'envahissement locorégional périvertébral, mais sa fiabilité est faible pour les lésions intracanalaires, même quand il est réalisé à la suite d'une myélographie = myéloscanner.

    8.5 Myélographie opaque

    Sa disponibilité lui conserve une place importante dans les techniques d'explorations des compressions médullaires, car elle permet une exploration du contenu du fourreau dural dans toute sa hauteur. On peut la réaliser par voie lombaire, latérocervicale entre C1C2 ou par voie sous occipitale.
    Cet examen permet de situer le siège et parfois d'approcher le diagnostic étiologique :
    - Les lésions extradurales donnent une image d'arrêt en "dents de peigne".
    - Les lésions intradurales extramédullaires donnent un arrêt en dôme ou en cupule.
    - Les lésions intramédullaires donnent un aspect fusiforme à la moëlle ou un aspect de grosse moelle.

    8.6 Imagerie par résonance magnétique I.R.M.

    C'est l'examen essentiel en pathologie médullaire ou rachidienne entraînant une compression médullaire. Cet examen permet une "analyse anatomique" des éléments du canal rachidien. Il va permettre de définir la morphologie médullaire, l'espace périmédullaire et la zone péridurale et osseuse. Le rachis est exploré en séquence T1, T2 et T1 après injection intraveineuse de Gadolinium.
    En T1 le L.C.R se traduit par un hyposignal, en T2 le L.C.R. se traduit par un hypersignal.

    8.7 Les autres examens

    - L'artériographie médullaire n'est réalisée que si l'on suspecte des lésions vasculaires médullaires.
    - La scintigraphie osseuse permet de visualiser la dissémination métastatique.

    9. Diagnostic différentiel

    La gravité fonctionnelle des compressions médullaires impose devant toute suspicion de ce diagnostic la réalisation d'examens complémentaires ; c'est la normalité de ces explorations qui fera évoquer d'autres diagnostics neurologiques tels que :
    - la sclérose latérale amyotrophique
    - les atteintes médullaires vasculaires, inflammatoires
    - la maladie de Charcot ...
    - la syringomyélie.

    10 Diagnostic étiologique

    Les lésions à l'origine des compressions médullaires peuvent être classées en 3 groupes :
    - Les lésions extradurales
    - Les lésions intradurales et extramédullaires
    - Les lésions intramédullaires

    10.1 Les lésions extradurales

    Les compressions extradurales sont dues soit à des tumeurs le plus souvent malignes, d'origine osseuse ou épidurale, primitives ou secondaires, soit à un processus infectieux, soit d'une protrusion mécanique discale ou discarthrosique.

    10.1.1 Les tumeurs osseuses

    10.1.1.1 Les tumeurs primitives du rachis
     
    Elles recouvrent des entités très différentes de par leur nature, leurs difficultés thérapeutiques ainsi que leur pronostic. Généralement avant 18 ans ces tumeurs primitives sont préférentiellement bénignes (ostéoblastome, kyste anévrismal). Dans cette tranche d'age la tumeur maligne la plus fréquente est le sarcome d'Ewing, alors que chez l'enfant les neuroblastomes et les ganglioneuroblastomes font partie des causes les plus citées des compressions médullaires. L'extension directe dans l'espace péridural à travers le trou de conjugaison est le mécanisme le plus fréquent.
    Après 18 ans, les tumeurs malignes prédominent (chordomes, chondrosarcomes, plasmocytomes). Les tumeurs bénignes de l'adulte sont surtout les chondromes et les hémangiomes. Si les tumeurs bénignes siègent préférentiellement sur l'arc postérieur au niveau cervical et sur le corps vertébral au niveau thoracique, par contre les tumeurs malignes intéressent surtout le corps vertébral ou l'ensemble de la vertèbre et sont plus fréquentes au niveau thoracolombaire.
    La symptomatologie clinique ne présente pas de particularisme en dehors d'une évolution plus longue pour les tumeurs bénignes.
     
    10.1.1.1.1 Les tumeurs primitives malignes du rachis
     
    - Chondrosarcome : il se développe à partir des cellules cartilagineuses, touche l'homme adulte et se localise préférentiellement en région thoracique moyenne ou lombosacrée. Son évolution est lente.
    - Sarcome d'EWING : atteint les sujets jeunes, siège au sacrum et peut donner des métastases osseuses ou pulmonaires.
     
    10.1.1.1.2 Les tumeurs primitives bénignes du rachis
     
    - Granulome éosinophile : c'est une prolifération de cellules histiocytaires, touche surtout le rachis cervical et thoracique du sujet jeune avant 20 ans. L'atteinte se focalise au corps vertébral.
    - Kyste anévrismal : c'est une cavité intraosseuse pleine de sang touchant l'arc postérieur du rachis cervicothoracique.
    - Ostéome ostéoïde : touche l'enfant et l'adulte jeune au niveau du rachis lombaire et atteint l'arc postérieur d'une seule vertèbre. Les douleurs sont sensibles aux salicylés.
    - Hémangiome vertébral : C'est une tumeur vasculaire bénigne qui se voit entre 20 et 50 ans et se caractérise par un aspect grillagé de la vertèbre aux radiographies standard.
     
    10.1.1.2 Les tumeurs secondaires et les épidurites métastatiques
    Elles sont réunies dans le même chapitre car souvent à la métastase osseuse s'associe l'épidurite métastatique.
    Le tableau clinique est généralement celui d'une paraplégie d'évolution rapide assez souvent précédée d'une période plus ou moins longue de douleurs de plus en plus importantes, rebelles à toutes les thérapeutiques.
    Ces métastases surviennent souvent chez le sujet de plus de 50 ans et touchent préférentiellement la région thoracique. Il n'est pas rare que cette métastase soit révélatrice du néo-primitif. Les cancers pourvoyeurs de métastases rachidiennes sont ceux du sein chez la femme et les néos du poumon et de la prostate pour l'homme. Dans 25% le néo primitif est non retrouvé et il y a absence d'orientation histologique. L'atteinte vertébrale est souvent multiple.
    La valeur des marqueurs tumoraux doit être relativisée selon leur type. Les radiographies standard sont souvent positives mettant en évidence des lyses vertébrales, des tassements, des condensations (vertèbre en ivoire). Le scanner est particulièrement utile, mais n'est réalisable que si le niveau atteint est localisé. L'IRM est un examen précieux offrant la possibilité d'analyser le rachis, la moelle et les tissus environnants. La scintigraphie osseuse au Technetium 99 permet d'explorer la totalité de la charpente osseuse et de déceler des foyers multiples cliniquement muets.

    10.1.2 Les processus infectieux

    10.1.2.1 La spondylodiscite tuberculeuse
     
    Elle était naguère une cause très fréquente de compression médullaire, s'observe encore dans les pays du tiers monde. La compression médullaire se fait par constitution d'un abcès pottique associé parfois à une épidurite. Le recul du mur postérieur secondaire au tassement vertébral peut aggraver la compression.
    Le tableau clinique est celui d'une paraplégie d'installation assez rapide chez un sujet aux antécédents tuberculeux.
    Le diagnostic peut être évoqué sur des radiographies simples devant l'association :
    - d'un pincement discal avec aspect irrégulier des plateaux vertébraux
    - une image en fuseaux paravertébrale
    - l'existence de géodes dans les corps vertébraux adjacents.
     
    10.1.2.2 Les spondylodicites et épidurites non tuberculeuses
     
    Le germe le plus souvent en cause est le staphylococcus aureus. Le tableau clinique typique comporte un syndrome rachidien majeur dans un contexte fébrile suivi rapidement de signes déficitaires.
    Les images radiologiques classiques ne sont guère différentes de celles du mal de Pott. Dans certains cas il s'agit uniquement d'une épidurite infectieuse, les signes radiologiques manquent alors et c'est l'IRM qui met en évidence l'épidurite.

    10.1.3 Les discopathies et la discarthrose

    La hernie discale cervicale est rarement à l'origine d'une compression médullaire, elle provoque surtout une compression radiculaire à l'origine d'une névralgie cervicobrachiale. Par contre la cervicarthrose ou discarthrose est souvent à l'origine d'une myélopathie. Cette discarthrose est parfois associée à un canal lombaire étroit.
    La myélopathie cervicarthrosique. Nous utiliserons ici le terme de myélopathie, car le mécanisme de la souffrance médullaire n'est pas uniquement compressif, et nous incluons cette pathologie dans les compressions médullaires car sa clinique y est comparable.
    La cervicarthrose est un processus de dégénerescence articulaire et de vieillissement de la colonne cervicale quasi constant. Les lésions arthrosiques deviennent visibles radiologiquement vers 40 ans. Après 50 ans, la moitié de la population a des signes radiologiques d'arthrose cervicale muet cliniquement. Les complications neurologiques sont plus fréquentes et plus graves en cas de canal cervical étroit.
    L'expression clinique de ces myélopathies débute entre 40 et 60 ans plus souvent chez l'homme. Les premiers symptomes de l'atteinte médullaire s'installent progressivement. Il s'agit souvent de troubles de la marche, à type de fatigabilité anormale d'enraidissement. Une faiblesse d'un bras, un engourdissement des doigts ou une impression de main lourde en fin de journée peuvent inaugurer le tableau clinique. Il n'est pas rare de retrouver une notion de torticolis épisodique.
    L'examen clinique peut retrouver des signes radiculaires, à type de paresthésies des doigts, une amyotrophie localisée aux petits muscles de la main. Les signes d'atteinte médullaire se caractérisent par un syndrome pyramidal où prédomine la spasticité, des troubles sensitifs superficiels et des troubles de la sensibilité profonde. Les troubles sphinctériens sont habituellement discrets. Le syndrome rachidien est modéré. Les myélopathies cervicarthrosiques génèrent un handicap de plus en plus marqué au fil de l'évolution pouvant aboutir à une quadriplégie spasmodique.

    10.2 Les lésions intradurales-extramédullaires

    Parmi ces lésions, les deux plus fréquentes sont le neurinome et le méningiome.Ces lésions se caractérisent par leur bénignité histologique, la fréquence des douleurs révélatrices, la discordance entre la modestie des signes cliniques et le volume tumoral, ce qui témoigne de leur lente évolution.

    10.2.1 Les neurinomes rachidiens

    Ce sont des tumeurs bénignent qui se développent à partir des cellules de Schwann des racines rachidiennes. Ils représentent près d'un tiers des tumeurs intradurales. En règle ils sont uniques, mais peuvent être multiples dans le cadre d'une neurofibromatose de type I ou II. Une très longue période initiale radiculaire pure caractérise le neurinome. Celui-ci se développe le plus souvent sur une racine postérieure ce qui explique l'importance et la fréquence élevée des douleurs inaugurales. Si le diagnostic n'est pas fait à cette phase alors s'installera une paraplégie d'évolution très lente.
    Les radiographies standard peuvent être normales ou alors on notera un élargissement du trou de conjugaison, aspect assez évocateur de neurinome en "bissac" ou en "sablier", un signe d'
    ELSBERG, signe commun à tous les processus intra-rachidiens, ainsi que le scaloping. Dans tous les cas la corticale est respectée. L'examen idéal est évidemment l'IRM, il apparaît en isosignal au parenchyme médullaire en T1 et en iso en hypersignal en T2. Il est rehaussé par l'injection de gadolinium.

    10.2.2 Les méningiomes

    Ce sont des tumeurs bénignes qui se développent à partir des cellules arachnoïdiennes, contrairement aux méningiomes intracraniens, ils n'induisent pas de réactions osseuses au voisinage de la tumeur. Ces méningiomes prédominent chez la femme et se développent préférentiellement en région thoracique. Leur histoire clinique est celle d'une compression médullaire très lentement progressive chez une femme de plus de 40 ans ayant présenté des douleurs radiculaires avec des épisodes d'exacerbation entrecoupés de rémissions.
    A l'IRM le méningiome apparait en isosignal par rapport à la moelle en T1 et T2 mais l'injection de gadolinium le rehausse de façon homogène et intense. Il peut renfermer des calcifications.

    10.2.3 Les autres lésions intradurales extramédullaires

    Elles sont rares, on peut citer entre autre le kyste arachnoïdien, les métastases leptoméningées des médulloblastomes.

    10.3 Les lésions intramédullaires

    Le tableau typique des tumeurs intramédullaires est celui d'un syndrome centromédullaire d'évolution progressive avec un syndrome lésionnel caractéristique fait :
    - de troubles sensitifs dissociés et suspendus
    - de troubles moteurs à type de paralysie flasque avec amyotrophie.
    Ce syndrome est celui d'une lésion intramédullaire d'évolution progressive qui peut être soit une syringomyélie soit une tumeur intramédullaire. En fait les tumeurs intramédullaires ne réalisent pas toujours ce tableau caractéristique et très souvent la clinique est atypique car le syndrome lésionnel centromédullaire est discret et se traduit par des douleurs dont la topographie et les caractéristiques sont peu différentes de ceux des douleurs radiculaires de sorte que rien ne permet de penser à un site intramédullaire de la lésion.

    Les tumeurs gliales

    - L'épendymome. Les aspects cliniques de ces tumeurs sont identiques à ceux des autres T.I.M. avec la particularité d'une évolution très lente, dans la plupart des cas le délai moyen séparant le début des troubles et le diagnostic est de 36 mois en moyenne, par ailleurs cette évolution est entrecoupée de rémissions souvent prolongées, liées aux remaniements kystiques. Les kystes intratumoraux à contenu xantochromique et les kystes satellites sus et/ou sous jacents à contenu clair.
    L'I.R.M. met en évidence un élargissement du cordon médullaire, la tumeur est hypointense en T1. En T2 elle est intense ou hétérogène et se réhausse de façon homogène le plus souvent après injection de gadolinium.
     
    - L'astrocytome. Les tumeurs astrocytaires sont plus volontiers infiltrantes. Elles prédominent au niveau cervicodorsal et sont souvent étendues en hauteur, plus de 3 segments. L'âge moyen de survenue est 30 ans, l'évolution de la maladie est plus courte que pour les épendymomes 17 mois en moyenne.
     
    - L'oligodendrogliome. Il est extrêments rare mais peut se révéler brutalement par un accident hémorragique intratumoral, à l'origine d'une paraplégie flasque.
     
    - Les autres tumeurs intramédullaires. Elles sont plus rares encore, on peut citer les kystes dermoïdes et épidermoïdes, les lipomes intramédullaires, les métastases médullaires, l'hémangioblastome.

    11 Bibliographie

    [1] DECQ P., PALFI S., RICOLFI F. Compressions médullaires lentes. Editions techniques. Encycl. Med. Chir. (Paris France) - Neurologie 17 665 A 10 1993 12 p.
     
    [2] MATHE J.F. Syndromes médullaires. Encycl. Med. Chir. (Paris France) - Neurologie 17 044A 10 4.12.06 4 p.
     
    [3] PARKER F., COMOY J., CARLIER R., DUFFAU H. Myélopathies cervicales. Editions techniques. Encycl. Med. Chir. (Paris France) - Neurologie 17 660 A 10 1993 14 p.
     
    [4] CAMBIER J., DEHEN H., POIRIER J., RIBADEAU-DUMAS. Propédeutique neurologique. Ed. Masson.
     
    [5] LAINE E. Compressions radiculaires pures. Encycl. Med. Chir. (Paris France) - Neurologie 17 675 A 10 6.1954
     
    [6] LAINE E. Compressions monoradiculaires (suite). Encycl. Med. Chir. (Paris France) - Neurologie 17 675 A 30 6.1954
     
    [7] LAINE E. Compressions pluriradiculaires. Encycl. Med. Chir. (Paris France) - Neurologie 17 680 A 10 6. 1954
     
    [8] BRASSIER G., ROLLAND Y., GANDON Y. Tumeurs rachidiennes et intrarachidiennes. Editions techniques Encycl. Med. Chir. (Paris France) - Neurologie 17 275 A 10. 1992 15 p. 


    Syndromes de la queue de cheval

    Dr. A. Hamlat

    Service de neuro-chirurgie, CHU de Rennes, 2 rue Henri Le Guilloux, 35033 Rennes Cedex
     

    mis à jour le 3 août 1998

    Généralités
    1 Rappel anatomique
    2 Classification
    3 Séméiologie
    3.1 Le syndrome complet de la queue de cheval
    3.2 Les formes partielles
    4 Evolution
    5 Examens complémentaires
    5.1 Radiographies standards
    5.2 La ponction lombaire
    5.3 Les examens de contraste
    5.4 Le scanner rachidien
    5.5  L'I.R.M.
    6 Diagnostic différentiel
    6.1 Le syndrome du cône terminal
    6.2 Polynévrites
    6.3 Polyradiculonévrites
    7 Diagnostic étiologique
    7.1 Les lésions intra-durales
    7.2 Les lésions intra-durales non tumorales
    7.3 Les compressions extra-durales
    8 Bibliographie

    Généralités

    Le syndrome de la queue de cheval traduit une atteinte pluriradiculaire sans atteinte médullaire. Cette entité anatomoclinique n'est possible que pour des lésions se développant au voisinage immédiat de L2 ou au-dessous, car les lésions en regard de la vertèbre L1 se traduisent par un syndrome du cône terminal.

    1 Rappel anatomique

    La moelle se termine en regard du disque L1-L2 par le cône terminal qui se prolonge par le film terminal. Ce dernier se présente sous la forme d'un fin cordon dont le diamètre est voisin de celui d'une racine nerveuse. Le filum amarre le cône au coccyx. La dure mère se prolonge elle jusqu'au niveau de S2 ; ainsi à partir de L2, le cul de sac dural ne renferme plus que les quatre dernières racines lombaires, les cinq racines sacrées et la racine coccygienne, ainsi que le filum terminal, qui lui est médian. La première paire des racines lombaires L1 quitte le canal rachidien au niveau du cône terminal et de ce fait par définition elle ne fait plus partie de la queue de cheval.
    Au niveau de S2, le filum terminal traverse la dure mère et va former le ligament coccygien. Au niveau de la partie intradurale du filum, il est possible de retrouver des îlots de cellules épendymaires, ce qui explique la possibilité de développements d'épendymome du filum terminal. Au delà de S2, le filum est désormais extradural et ne comporte normalement plus de cellules épendymaires.
    L'ensemble de ces éléments est contenu dans le canal rachidien lombaire, qui a une forme triangulaire. Normalement le diamètre de ce canal croit régulièrement de L1 à L5.
    A l'état pathologique, on peut constater des canaux rétrécis segmentairement ou globalement et pouvant être à l'origine de ce syndrome. A l'inverse certaines tumeurs se développant lentement à ce niveau, vont élargir ce canal, ceci correspond à une érosion osseuse lentement progressive comme l'atteste le respect des corticales osseuses.

    2 Classification des syndromes de la queue de cheval

    PERON distingue 4 variétés de syndromes de la queue de cheval :
    - Un type complet touchant toutes les racines de L2 à S5.
    - Un type lombosacré moyen touchant la racine L5 et les racines sacrées.
    - Un type sacré pur où seules les 4 dernières racines sacrées sont atteintes.
    - Un type unilatéral, ou hémi-syndrome de la queue de cheval.

    3 Séméiologie des syndromes de la queue de cheval

    Le syndrome de la queue de cheval peut se révéler par des douleurs lombaires d'allure mécanique évocant une pathologie discale ou arthrosique. Parfois ces douleurs ont d'emblée un caractère nocturne, tenace, mal calmé par les antalgiques et le repos évoquant une pathologie tumorale. A ces douleurs lombaires peuvent s'associer des douleurs radiculaires de type mécanique ou tumorale, essentiellement nocturnes, réveillant le malade et soulagées par la marche. Dans certains cas ces algies sont pluriradiculaires d'emblée ; les algies périnéales ou génitales peuvent faire errer le diagnostic. Mais il n'est pas rare que le syndrome de la queue de cheval ne soit inaugural, sans phase douloureuse prodromique. Les signes neurologiques sont présents dès le début.

    3.1 Le syndrome complet de la queue de cheval

    Il se caractérise par :
    - Une paraplégie flasque des 2 membres inférieurs. Tous les muscles du pied, de la jambe et de la face postérieure de la cuisse sont touchés. Le quadriceps est relativement conservé, le psoas est toujours respecté. Cette paraplégie peut s'accompagner d'une amyotrophie de ces groupes musculaires.
    - Des troubles de la sensibilité, à type d'hypo ou d'anesthésie touchant le pied, la jambe, la face postérieure des cuisses, les deux tiers inférieurs de sa face antérieure ; le périnée et la région fessière interne sont aussi atteints réalisant la classique anesthésie en selle des syndromes de la queue de cheval.
    La sensibilité profonde est aussi atteinte, ainsi que la sensibilité des muqueuses anorectale, génitale, urétrale, avec perte de la sensation de passage des urines lors des mictions et des selles lors de la défécation.
    - Des troubles des réflexes. Les réflexes rotulien, tibio et peronéo-fémoraux, achilléen, médio-plantaire, anal sont abolis. Les réflexes cutanés abdominaux, cremastérien et médio-pubiens sont conservés.
    - Des troubles sphinctériens. Ils sont précoces et d'intensité variables. Au début il peut s'agir d'incontinence des urines et d'une incontinence anale relative pour les gaz et les matières liquides. Par la suite la paralysie de la musculature vésicale et rectale va être responsable d'une rétention vesicale et d'une constipation opiniâtre. Au stade ultime, l'atteinte complète du sphincter anal sera la cause d'une incontinence anale totale, de pronostic péjoratif.
    - Des troubles génitaux. Chez l'homme on notera une impuissance avec perte de l'éjaculation, chez la femme l'anesthésie de la vulve et du vagin est à l'origine d'une frigidité. Dans les deux cas on notera une perte des sensations voluptueuses par anesthésie génitale.
    - Des troubles trophiques peuvent compliquer précocement le tableau clinique. Ce sont surtout les escarres graves sacro-coccygiennes et talonnières.

    3.2 Les formes partielles

    3.2.1 Syndrome moyen lombo-sacré

    Les 4 premières racines lombaires sont respectées. L'atteinte concerne les muscles du pied et de la face postérieure de la jambe et de la cuisse. La marche reste néanmoins possible mais le patient talonne, il ne peut lever la plante du pied.
    Les réflexes achilléens, médio-plantaires et anal sont abolis.
    Le rotulien est présent, ainsi que les réflexes dépendant des racines sus-jacentes.
    Les troubles sensitifs concernent le territoire du sciatique (L5-S1) et le périnée.
    Les troubles sphinctériens sont parfois discrets, mais constants.

    3.2.2 Syndrome sacré

    L'atteinte concerne les 3 ou 4 dernières racines sacrées.
    L'examen clinique ne décèlera aucun trouble moteur évident hormis l'atteinte des fessiers.
    Les réflexes anal et bulbo-caverneux sont supprimés, les autres réflexes sus-jacents sont présents.
    Les troubles sensitifs se focalisent au périnée et l'anesthésie en selle intéresse surtout le périnée, les muqueuses urétrale et rectale sont insensibles.
    La miction est pénible avec rétention. Les troubles sexuels sont permanents.

    3.2.3 Hémisyndrome de la queue de cheval

    Selon le niveau de l'atteinte il représent une atteinte unilatérale du côté de la lésion associée à une hémianesthésie en selle, homolatérale à la lésion aussi.

    4 Evolution

    Le pronostic des syndromes de la queue de cheval dépend essentiellement de l'étiologie, et de la gravité des signes cliniques car les troubles moteurs, génitaux et sphinctériens sont les plus lents et les plus inconstants à récupérer, d'où l'importance d'un diagnostic et d'une cure étiologique, le plus souvent chirurgicale, précoce.

    5 Examens complémentaires

    5.1 Radiographies standards

    Elles peuvent orienter le diagnostic en objectivant un élargissement du canal rachidien (signe d'EISBERG, SCALLOPING, vertèbre borgne ...). Mais il n'est pas rare de noter un aspect normal des radios.

    5.2 La ponction lombaire

    L'étude du L.C.R. garde une certaine valeur, surtout si l'allure évolutive fait évoquer le diagnostic d'une affection médicale à type de polynévrite. Mais l'hyperprotéinorachie fera rapidement redresser le diagnostic. Dans les tumeurs géantes de la queue de cheval la P.L. est blanche.

    5.3 Les examens de contraste

    Leur importance diagnostique a régressé depuis l'avènement de l'IRM, examen de choix pour le diagnostic étiologique et topographique. Mais la myélographie et la sacco-radiculographie gardent leur place en l'absence de cet examen.

    5.4 Le scanner rachidien

    Il reste performant pour les lésions osseuses et discales mais peu efficace pour le diagnostic des lésions intra-canalaires. Il est alors très souvent couplé à la sacco-myélographie.

    5.5  L'I.R.M.

    C'est l'examen de choix pour l'exploration de l'axe spinal que la lésion soit vertébrale, intra ou extra-durale.

    6 Diagnostic différentiel

    6.1 Le syndrome du cône terminal

    Ce syndrome associe des signes de souffrance médullaire souvent très discrets, Babinski, abolition du crémastérien, mais surtout il y a atteinte de la première racine lombaire qui se traduira cliniquement par une atteinte du psoas et des adducteurs et l'atteinte sensitive remonte vers la région du pli de l'aine. C'est une erreur vénielle.

    6.2 Polynévrites

    Elles peuvent semer parfois le doute, quand elles s'installent progressivement. Mais dans ce cadre on ne retrouve pas d'anesthésie en selle et de troubles sphinctériens.

    6.3 Polyradiculonévrites

    Peuvent encore plus prêter à confusion, d'autant qu'elles peuvent s'accompagner d'une légère dissociation albumino-cytologiques, mais l'évolution clinique et les examens électriques permettent de redresser le diagnostic.

    7 Diagnostic étiologique

    Les causes essentielles du syndrome de la queue de cheval sont les tumeurs intradurales.

    7.1 Les lésions intra-durales

    7.1.1 Les tumeurs de la queue de cheval

    Elles se caractérisent le plus souvent par une évolution longue et insidieuse, dont le début est marqué par des douleurs lombaires ou sacrées ou parfois coccygiennes ou par des douleurs radiculaires, qui ont pour particularité de se révéler à des horaires nocturnes pour devenir progressivement tenaces, résistant de plus en plus aux antalgiques habituels.
     
    7.1.1.1 Les méningiomes :
     
    Les méningiomes de la queue de cheval sont rares. Les méningiomes lombaires représentent 3% de l'ensemble des méningiomes rachidiens, les localisations sacrées sont exceptionnelles.
     
    7.1.1.2 Les neurinomes :
     
    Ce sont les tumeurs les plus fréquentes au niveau de la queue de cheval. La localisation lombaire représente 33% des neurinomes intra-rachidiens. Il se présente cliniquement par des douleurs monoradiculaires qui peut simuler une sciatalgie d'origine discale, mais elles s'en distinguent par l'absence d'effort déclenchant, la non impulsivité à la toux, son caractère nocturne, l'absence d'un signe de Lasègue.
     
    7.1.1.3 Les épendymomes de la queue de cheval :
     
    Ils représentent 80% des tumeurs primitives du filum terminal et du cône. Ils touchent habituellement l'adulte ou l'enfant (16,5% ont entre 2 et 15 ans dans la statistique de GOUTELLE et FISCHER). Les épendymomes vont se caractériser par la survenue soit :
    - d'un syndrome d'hypertension intracrânienne, dont le mécanisme n'est pas encore totalement élucidé.
    - d'une hémorragie sous-arachnoïdienne, relativement fréquente 12% des cas, se traduisant par une lombalgie aigue en coup de poignard.
    Du point de vue histologique on leur distingue 4 stades, le grade I et II sont bénins, les grades III et IV ou épendymoblastomes sont malins et leur pronostic plus sombre malgré la radiothérapie et la chimiothérapie.

    7.1.2 Les autres tumeurs intra-durales

    7.1.2.1 Les cholestéatomes ou kystes épidermoïdes
     
    Siègent préférentiellement en région lombaire dans leur localisation intra-rachidienne.
     
    7.1.2.2 Les lipomes de la queue de cheval
     
    S'intègrent le plus souvent dans le cadre d'une malformation congénitale telles qu'un spina bifida, une diastématomyélie, une moëlle fixée basse, une myéloméningocèle.
     
    7.1.2.3 Les métastases arachnoïdiennes
     
    Sont surtout le fait du médulloblastome ou les épendymomes de la fosse postérieure. Dans certains cas de cancers généralisés on retrouve une méningite carcinomateuse.

    7.2 Les lésions intra-durales non tumorales

    Les malformations artério-veineuses. Elles sont rares. Il s'agit soit d'un angiome du filum terminal, soit d'une fistule artério-veineuse durale. Les malformations artério-veineuses se traduisent habituellement par une clinique évoquant une souffrance du cône terminal, expliqué par l'hémodétournement.

    7.3 Les compressions extra-durales

    7.3.1 Les lésions osseuses

    Il s'agit le plus souvent d'un canal lombaire étroit. Il se manifeste cliniquement par un syndrome de claudication neurogène intermittent, douleur radiculaire, faiblesse musculaire, trouble de la sensibilité apparaissent ou s'exacerbent à la marche pour céder au repos, il en résulte dès lors une réduction du périmètre de marche. A ces signes peuvent s'associer des signes permanents traduisant une souffrance radiculaire permanente.

    7.3.2 Les lésions épidurales et vertébro-épidurales

    7.3.2.1 Les tumeurs
     
    Ce sont le plus souvent des métastases vertébrales de cancers systématiques ou hématologique. La compression de la queue de cheval est liée soit à la propagation de la tumeur dans le canal rachidien soit à un effondrement de la vertèbre avec recul du mur postérieur réduisant la lumière du canal. Il peut s'agir aussi de tumeur primitive, mais rare.
     
    7.3.2.2 Les hernies discales lombaires
     
    C'est la cause la plus fréquente des compressions de la queue de cheval. Le syndrome de la queue de cheval.peut être inaugurale ou succèder à un tableau de sciatique à répétition. Les hernies les plus en cause sont souvent les hernies L3 L4 ou L2 L3.
    Le facteur pronostic est représenté essentiellement par le délai de temps séparant le diagnostic (installation des troubles) du geste chirurgical.

    8 Bibliographie

    [1] Guyen N. Gaston JP. Keravel A. Djindjian M. Syndrome de la queue de cheval. Encycl. Med. Chir. 1987; Neurologie 17044 F 10 10., 13 p.
     
    [2] Lainé E. Compressions pluriradiculaires. Encycl. Med. Chir.; Neurologie 170680 A 10 6.1954 
     

    Syndromes canalaires

    Pr. Y. Guégan

    Service de neuro-chirurgie, CHU de Rennes, 2 rue Henri Le Guilloux, 35033 Rennes Cedex
     

    mis à jour le 30  juillet 1998

    Généralités 
    1 Le syndrome du canal carpien 
    1.1 Rappel anatomique 
    1.2 Mécanismes de la neuropathie 
    1.3 Clinique 
    1.4 Traitement 
    2 Le syndrome du tunnel cubital au coude 
    2.1 Rappel anatomique 
    2.2 Mécanismes de la neuropathie 
    2.3 Clinique 
    2.4 Explorations complémentaires 
    2.5 Evolution - Pronostic 
    2.6 Traitement 
    3 Le syndrome du canal radial 
    3.1 Rappel anatomique 
    3.2 Mécanismes de la neuropathie 
    3.3 Clinique 
    3.4 Explorations complémentaires 
    3.5 Traitement 
    4 Le S.P.E. au col du péroné 
    4.1 Rappel anatomique 
    4.2 Mécanismes de la neuropathie 
    4.3 Clinique 
    4.4 Diagnostic 
    4.5 Traitement 
    5 La méralgie paresthésique 
    6 Syndromes canalaires plus rares 
    6.1 Le syndrome du nerf sus-scapulaire à l'étroit 
    6.2 Le syndrome du canal de Guyon 
    6.3 Le nerf median au coude 
    6.4 La névralgie obturatrice 
    6.5 Le syndrome du tunnel tarsien 
    6.6 La métatarsalgie de Morton

    Généralités

    Le Syndrome canalaire (Entrapment neuropathy des auteurs anglo-saxons) se définit comme la traduction clinique d'un conflit contenant - contenu entre :
    - d'une part un tronc nerveux périphérique
    - et d'autre part une région anatomique particulière de son trajet, où les conditions locales peuvent être responsables de multiples microtraumatismes aboutissant à des phénomènes irritatifs et inflammatoires conduisant à la souffrance progressive du nerf.
    L'exemple le plus classique de ces syndromes canalaires est représenté par le syndrome du CANAL CARPIEN.
     
    Ces syndromes canalaires ont en commun certaines caractéristiques :
     
    Sur le plan Histologique, ces phénomènes inflammatoires aboutissent progressivement à la constitution d'un épaississement localisé du nerf réalisant un véritable névrome de continuité, où la production lente de fibrose cicatricielle entraîne une dégénérescence des fibres nerveuses avec association fréquente de complications vasculaires au niveau de la microcirculation intraneurale responsable de lésions ischémiques.
     
    Sur le plan Etiologique, plusieurs facteurs communs peuvent être retrouvés :
    - Profession exposée [carreleur (SPE),marteau piqueur (Canal Carpien)...]
    - Antécédents traumatiques [Cubital au coude]
    - Facteurs endocriniens [Canal Carpien]
    Mais la plupart de ces syndromes restent idiopathiques, sans cause retrouvée et en rapport uniquement avec les conditions anatomiques locales.
     
    Sur le plan Clinique, ces syndromes partagent également certains traits séméiologiques : la douleur, de siège typiquement tronculaire, au niveau du territoire sensitif du nerf intéressé ; la prédominance de dysesthésies et paresthésies dans ce même territoire ; leur survenue, ou leur accentuation, le plus souvent nocturne ; la longueur d'évolution de ces phénomènes douloureux qui restent longtemps isolés et l'existence fréquente d'un signe de Tinel au niveau de la zone conflictuelle.
     
    Sur le plan Paraclinique, il faut souligner l'importance de l'examen électromyographique avec recherche d'un bloc de conduction qui représente un élément très important du diagnostic.
     
    Enfin, sur le plan Thérapeutique, il faut insister sur la bénignité de l'acte chirurgical (le plus souvent sous anesthésie loco-régionale) et son efficacité remarquable sur les phénomènes douloureux.
     
    Nous allons évoquer quelques syndromes canalaires périphériques dont l'ordre de présentation est agencé selon leur fréquence de rencontre en pratique médicale courante.

    1 Le syndrome du canal carpien

    Il s'agit là, du syndrome canalaire le plus fréquent et de ce fait, le plus connu.
    La première description clinique de ce syndrome est attribuée à HUNT en 1909 et c'est quelques années plus tard que MARIE et FOIX, en 1913, en font la première description anatomique chez un malade dont le médian, écrivaient-ils, formait, immédiatement au dessus du ligament annulaire, un renflement ayant l'aspect d'un névrome.
    Ce syndrome se rencontre essentiellement chez l'adulte et plus souvent chez la femme.

    1.1 Rappel anatomique

    Le canal carpien représente une région étroite et de grand passage où le nerf médian se trouve associé aux tendons fléchisseurs des doigts dans leur gaine.
    Rappelons que le nerf médian est moteur pour le court abducteur, le court fléchisseur et surtout l'opposant du pouce.
    Son territoire sensitif intéresse la face palmaire des 3 premiers doigts et la moitié du 4ème, ainsi que la face dorsale des 2ème et 3ème doigts au niveau de la dernière phalange.
    Les limites du canal carpien sont représentées par en arrière la gouttière osseuse du carpe et en avant le ligament annulaire antérieur tendu d'une berge à l'autre de la gouttière osseuse.

    1.2 Mécanismes de la neuropathie

    Il s'agit essentiellement d'une lésion mécanique dans un canal ostéofibreux inextensible rendu trop étroit par hypertrophie de l'un des éléments des parois du canal ou de l'un des éléments qui le traversent.
    Le plus souvent, il s'agit d'un syndrome canalaire primitif. Les lésions nerveuses initiales résulteraient d'un obstacle au retour veineux qui provoquerait un œdème du nerf et une anoxie qui atteint en premier les fibres sensitives de gros diamètre.
    Il existe un certain nombre d'étiologies classiques parmi lesquelles des facteurs traumatiques récents ou anciens, certaines anomalies congénitales (corps musculaire du fléchisseur commun superficiel ou du petit palmaire trop volumineux ou trop long, descendant au poignet: non rare chez le travailleur manuel), certaines causes générales comme les dialyses rénales au long cours (amylose).

    1.3 Clinique

    Il s'agit d'une affection qui prédomine chez la femme de plus de cinquante ans.
    Les douleurs siègent de façon caractéristique au niveau de la face palmaire des trois premiers doigts de la main, mais peuvent atteindre toute la main et même irradier au niveau de la face antérieure de l'avant bras. Plus que de véritables douleurs, il s'agit plus volontiers de fourmillements, de picotements extrêmement gênants.
    La recrudescence nocturne de ces douleurs est habituelle, réveillant la malade la nuit, souvent aux mêmes horaires.
    Certains gestes calment la douleur, en agitant la main ou en la laissant pendre en dehors du lit.
    Des troubles vasomoteurs sont fréquents, avec hypersudation ou œdème de la main.
    D'abord nocturnes, ces phénomènes douloureux persistent le jour, handicapant ainsi la malade dans les activités ménagères courantes.
    Les formes bilatérales sont fréquentes avec alors, nette prédominance d'un côté.
    L'examen peut être normal, limitant alors la symptomatologie aux phénomènes subjectifs ; c'est le stade I. Il peut montrer l'existence de troubles sensitifs objectifs dans le territoire du médian, et particulièrement au niveau de la pulpe des trois premiers doigts ; c'est le stade II.
    Il peut révéler la présence de troubles moteurs au niveau de l'opposant du pouce, avec volontiers une amyotrophie de l'éminence thénar ; c'est le stade III.
    Dans tous les cas, il faut rechercher un signe de Tinel au niveau de la face antérieure du carpe ainsi qu'une voussure, souvent douloureuse à la pression, à la face antérieure du poignet.
     
    Le Diagnostic repose sur :
    - L'étude clinique des phénomènes douloureux, et en particulier leur survenue nocturne caractéristique
    - L'EMG qui met en évidence un allongement de la latence motrice distale du nerf médian, alors que la vitesse de conduction motrice entre le coude et le poignet est normale. Quand cela est possible, l'étude des vitesses de conduction sensitive montre également un ralentissement significatif.

    1.4 Traitement

    Lorsque le syndrome du canal carpien est en rapport avec une pathologie générale, le traitement de cette pathologie est impératif en première intention.
    De même, le syndrome survenant pendant la grossesse régresse habituellement après l'accouchement ou le "retour de couches".
    Dans les autres cas :
    Au stade I, purement sensitif subjectif, il est possible de se contenter des petits moyens médicaux (immobilisation de la main et du poignet par attelle au minimum la nuit avec prescription d'antalgiques et d'anti-inflammatoires), mais leur action est le plus souvent très transitoire.
    Il faut alors recourir alors aux infiltrations locales de corticoïdes. La première est le plus souvent efficace et ce parfois de manière prolongée. La deuxième est moins efficace et de plus brève durée.
    Il n'est guère raisonnable de réaliser plus de trois infiltrations mais plus pragmatique de passer à la chirurgie (section complète du ligament annulaire antérieur du carpe +/- neurolyse en fonction des constatations opératoires) dont la bénignité et l'efficacité sont remarquables.
    Aux stades II et III, avec troubles sensitifs et à fortiori moteurs objectifs, l'indication opératoire est formelle.
    Il faut noter que l'importance de l'allongement des latences distales ne représente pas isolément un critère opératoire.
    Les résultats de la chirurgie sont dans l'ensemble excellents (80%) à condition que la souffrance du nerf n'ait pas été prolongée par la continuation inutile d'un traitement médical peu ou pas efficace.

    2 Le syndrome du tunnel cubital au coude

    Il s'agit sûrement du syndrome canalaire le plus fréquent en pathologie neurologique après le syndrome du canal carpien. Cette fréquence s'explique par l'extrême vulnérabilité du nerf à la jonction brachiale - antébrachiale. Cette vulnérabilité découle de plusieurs notions :
    - il s'agit d'une zone anatomique de transition où le nerf est pratiquement sous-cutané
    - il emprunte un tunnel ostéo-fibreux
    - il existe enfin une véritable anatomie "dynamique" variable avec les mouvements du coude permettant de définir un certain nombre de gestes ou de positions "dangereuses" et de professions "exposées".

    2.1 Rappel anatomique

    Au niveau du coude, le nerf cubital est situé dans un véritable tunnel constitué par la gouttière épitrochléo-olécranienne. Cette gouttière est formée par en avant : la face postérieure de l'épitrochlée, déprimée en gouttière verticale en dehors : la face interne de l'olécrane tapissée du ligament latéral interne et en arrière et en dedans :
    - A la partie supérieure l'aponévrose brachiale renforcée par la bandelette épitrochléo-olécranienne
    - A la partie inférieure l'arcade du cubital antérieur réunissant les deux chefs du muscle.
    Les parois de ce tunnel sont par ailleurs en perpétuel mouvement. Par exemple, la bandelette épitrochléo-olécranienne est lâche quand le coude est en extension et au contraire tendue quand le coude est en flexion, position au cours de laquelle le nerf tend à bomber en dehors.
    Dans ce canal ostéo-fibreux, le nerf cubital est donc extrêmement vulnérable.

    2.2 Mécanismes de la neuropathie

    2.2.1 Les syndromes post traumatiques (Tardy Ulnar Palsy des Anglosaxons)

    Ils sont les plus fréquents, en rapport avec des traumatismes directs ou indirects.
    Il existe un angle physiologique, entre le bras et l'avant-bras, le cubitus valgus.
    Tout traumatisme du coude ou de l'extrémité inférieure de l'humérus (en particulier chez l'enfant) va perturber cet angle en l'accentuant.
    Le nerf ainsi étiré par l'ouverture de cet angle va subir de multiples traumatismes sur le relief de l'épitrochlée.
    La sommation de ces microtraumatismes va finalement aboutir à la constitution d'une neuropathie parfois de nombreuses années après le traumatisme initial (30 ans maximum dans notre expérience).

    2.2.2 La "luxation" du nerf cubital

    Forme particulière de neuropathie du nerf cubital. Il s'agit presque du contraire d'un syndrome canalaire dans son interprétation "compressive".
    La pathogénie en est soit l'existence d'une gouttière épitrochléo-olécranienne très aplatie, soit une déficience de la bandelette épitrochléo-olécranienne.
    A chaque mouvement de flexion et d'extension du coude, le nerf se luxe littéralement en avant de l'épitrochlée, entraînant autant de microtraumatismes à ce niveau.
    La répétition de ces microtraumatismes aboutit progressivement à la neuropathie.

    2.2.3 Parmi les autres causes

    Plus rares, on retiendra l'arthrose du coude, le kyste synovial ou une anomalie d'insertion musculaire.

    2.2.4 Les paralysies cubitales "idiopathiques" au niveau du coude

    Elles représentent 10 à 30% des cas selon les auteurs.
    Aucune étiologie ne peut être rapportée à cette pathologie cubitale qui doit être essentiellement due à la vulnérabilité particulière du nerf dans sa gouttière (cf). Il en existe quelques exemples tels que le coude sur la table ou le bureau, ou la contention en mauvaise position (anesthésie).

    2.3 Clinique

    Plutôt que de décrire la paralysie cubitale évoluée classique et caricaturale, il est beaucoup plus intéressant d'insister sur les signes de début :
    - dysesthésies et paresthésies dans les 2 derniers doigts et le bord cubital de la main. Sensation fréquente de brûlures.
    - apparition progressive d'une hypoesthésie.
    - Les signes moteurs les plus précoces sont caractérisés par une maladresse, une faiblesse dans les mouvements fins de la main et des doigts, une difficulté croissante à écarter les doigts, déficit de l'adduction de l'auriculaire, une ébauche de signe de Froment.
    Différents signes d'examen doivent être recherchés :
    - la palpation du nerf cubital, dans la gouttière, son degré d'empâtement, sa mobilité en comparant avec le côté opposé ;
    - le "point cubital", véritable zone gâchette se situant à l'entrée de l'arcade du cubital antérieur (signe de Tinel).
    - la "manœuvre cubitale" sensibilisant la symptomatologie en pliant le coude en flexion forcée, épaule en abduction et rotation externe, position de tension maximum.

    2.4 Explorations complémentaires

    2.4.1 Radiographies du coude

    Systématiques, à la recherche d'une cause (traumatique, arthrose).
    Etudient la conformation anatomique de la gouttière E.O.

    2.4.2 Explorations électriques

    Mesure de la vitesse de conduction qui permet de dépister précocement l'atteinte du nerf en objectivant un bloc de conduction, précise le siège exact de la lésion et entre toujours en ligne de compte dans la décision opératoire à un stade précoce où les signes moteurs sont inexistants.
    Ce n'est parfois qu'après épreuve d'effort que le bloc de conduction se confirme et parfois même seule se modifie la morphologie du potentiel évoqué.

    2.5 Evolution - Pronostic

    On distingue 3 stades de gravité différente et conditionnant la qualité du résultat post-opératoire.
    STADE I (forme minime) caractérisé par uniquement des dysesthésies et paresthésies, sans troubles moteurs, de pronostic toujours favorable.
    STADE II (forme intermédiaire) avec troubles sensitifs subjectifs et objectifs (mineurs), troubles moteurs discrets (à l'effort), de bon pronostic à condition que le traitement soit précoce.
    STADE III (forme sévère) avec troubles sensitifs nets, troubles moteurs évidents et amyotrophie qui peut être subdivisé en 2 formes :
    - avec troubles sensitifs subjectifs : bon résultat sur ces troubles ; aucun sur le déficit moteur
    - sans troubles sensitifs subjectifs : mauvais pronostic.

    2.6 Traitement

    Chirurgical
    Le plus précoce possible car la décompensation est rapide
    Il comporte au minimum l'ouverture de la gouttière épitrochléo-olécranienne avec le plus souvent une neurolyse sous magnification optique.

    3 Le syndrome du canal radial

    Les atteintes du nerf Radial au niveau du coude et de l'avant bras dans sa partie supérieure représentent une variété peu fréquente mais particulièrement intéressante de la paralysie radiale.
     
    Sur le plan étiologique, il convient de distinguer les compressions traumatiques bien connues et les compressions non traumatiques de loin les plus intéressantes: réalisant le plus souvent le tableau clinique d'une paralysie radiale basse, leur survenue spontanée et leur symptomatologie fruste peuvent poser un problème diagnostic difficile.

    3.1 Rappel anatomique

    Le nerf radial est une des deux branches de division du tronc secondaire postérieur du plexus brachial. Il descend dans la loge postérieure du bras s'enroulant autour de la gouttière radiale de l'humérus (région exposée lors des fractures de l'humérus).
    Arrivé au niveau du coude, il se divise en ses deux branches terminales antérieure sensitive et postérieure motrice.
    Au niveau du coude, c'est la branche postérieure motrice qui peut être lésée, soit au niveau du deuxième radial, ou essentiellement du court supinateur (Arcade de FROHSE).

    3.2 Mécanismes de la neuropathie

    3.2.1 Les compressions par bride fibreuse

    Ce sont les plus intéressantes. Elles sont en rapport avec l'existence d'un défilé fibro-musculaire où le nerf radial est littéralement "piégé".
    Au niveau du deuxième radial, la compression peut être exercée soit par l'épaississement du bord externe du muscle surtout au cours des mouvements de pronation forcée, soit par une arcade fibreuse tendue entre l'épicondyle et l'aponévrose des fléchisseurs de l'avant bras.
    Au cours de son passage entre les deux faisceaux du court supinateur la compression est exercée par l'épaississement du bord supérieur du faisceau superficiel du muscle (arcade de FROHSE). Ici, l'élément dynamique est important en particulier au cours de la prono-supination où le canal radial (surtout au niveau de l'arcade de Frohse) se rétrécit pendant la pronation par enroulement du court supinateur et saillie de la tête radiale.

    3.2.2 Les compressions tumorales

    En dehors des tumeurs nerveuses, hors de notre propos, il s'agit essentiellement de tumeurs de voisinage situées sur le trajet du nerf.
    Ces tumeurs se développent le plus souvent à partir d'éléments conjonctifs des parties molles :
    - Essentiellement des lipomes entre les deux chefs du court supinateur
    - Plus rarement fibromes
    - Parfois des kystes synoviaux faisant hernie à travers la capsule articulaire.

    3.2.3 La polyarthrite rhumatoïde

    Le mécanisme invoqué est double associant une compression nerveuse à la fois par dislocation articulaire et luxation de la tête radiale et des facteurs inflammatoires locaux.

    3.3 Clinique

    3.3.1 Les compressions tumorales

    Elles réalisent le plus souvent un tableau clinique déficitaire marqué par une faiblesse des extenseurs des doigts et parfois, de façon inconstante, par un "capotage" du poignet d'évolution progressive. L'examen va s'efforcer de retrouver une tuméfaction située sur le trajet du nerf. Dans certains cas, le diagnostic n'est porté que lors de l'exploration chirurgicale.

    3.3.2 Dans la polyarthrite rhumatoïde

    Le diagnostic est difficile. Il s'agit, le plus souvent d'un déficit progressif de l'extension des doigts. Le diagnostic différentiel se discute avec une rupture des tendons extenseurs se rencontrant également dans cette étiologie.

    3.3.3 Dans les compressions fibreuses

    Il est possible d'individualiser deux tableaux cliniques :
    - le premier, rare, est caractérisé par une symptomatologie motrice pure : faiblesse de l'extension active des doigts et capotage progressif des métacarpo-phalangiennes, sans atteinte de l'extension active du poignet ni de la supination, sans cause déclenchante, d'aggravation progressive.
    - le second tableau, plus fréquent, est celui d'une parésie radiale basse dans le cadre d'une épicondylalgie qui présente certains caractères particuliers: recrudescence nocturne, caractère tenace, chronique, reproduction de la douleur provoquée par la pression du radius, et surtout l'extension du 3ème doigt et la supination contrariées.
    Problème du rapport entre cette lésion et le Tennis Elbow :
    - Affirmé par certains auteurs qui accordent une valeur très importante à la douleur à l'extension contrariée du 3ème doigt (insertion du deuxième radial sur la base du 3ème métacarpien).
    - Infirmé par d'autres auteurs se basant sur des constatations opératoires négatives.
     
    Il semble qu'il faille être plus nuancé et accorder de la valeur à l'existence d'une douleur musculaire de la loge postérieure de l'avant-bras rebelle et à recrudescence nocturne ainsi qu'au siège de la douleur provoquée, plus en regard du col du radius que de l'épicondyle.

    3.4 Explorations complémentaires

    1) Radiographies du coude à la recherche de lésions traumatiques anciennes ou de calcifications
    2) Explorations électriques : mesure des vitesses de conduction à la recherche d'un bloc.
    Valeur ++ de l'EMG dans les Tennis Elbow douteux et d'allure rebelle.

    3.5 Traitement

    Toujours chirurgical a fortiori dans les lésions tumorales avec exploration du nerf radial au minimum et ouverture large de l'arcade de FROHSE dans les compressions fibreuses.
     
    --------------------------------------------------------------
     
    Mention particulière doit être faite à une neuropathie spécifique du nerf radial au niveau de la gouttière radiale de l'humérus, c'est la paralysie dite des amoureux.
    Il s'agit le plus souvent de la constatation brutale, au réveil, d'une paralysie complète du nerf radial, en dessous du triceps qui est respecté, avec une main en col de cygne. Ce déficit est isolé, sans aucun phénomène douloureux.
    Le mécanisme en est une fragilité du nerf au niveau de la gouttière radiale contre la face postérieure de l'humérus. On invoque pour expliquer cette neuropathie, un mécanisme de compression (par la tête du partenaire sur le bras), associé très vraisemblablement à des phénomènes vasculaires.
    Il n'existe pas de traitement spécifique en dehors de la rééducation. Le pronostic n'est pas toujours favorable avec seulement environ 60% de récupération spontanée.

    4 Le S.P.E. au col du péroné

    Il s'agit, de loin, de la plus fréquente des neuropathies du membre inférieur.
    Son étiologie habituelle est une compression du nerf lorsqu'il contourne la tête du péroné, lors du sommeil, du maintien prolongé d'une position accroupie ou jambes croisées, du port de bottes serrées.

    4.1 Rappel anatomique

    Au niveau de la tête du péroné, le nerf sciatique poplité externe traverse la cloison intermusculaire externe, et passe, de la loge postérieure de la jambe dans la loge externe. A ce niveau, le nerf est situé dans un véritable tunnel ostéo-musculaire. Il repose directement sur la face externe du col du péroné.
    Le muscle long péronier latéral recouvre le nerf et forme avec ses deux insertions supérieure épiphysaire et inférieure diaphysaire un tunnel , une arcade, dans laquelle le nerf s'engage et se divise en ses deux branches terminales : le nerf tibial antérieur qui se dirige dans la loge antérieure et le nerf musculo-cutané qui se dirige dans la loge externe.

    4.2 Mécanismes de la neuropathie

    4.2.1 Les Paralysies Médicales " Traumatiques "

    Il s'agit de la cause la plus fréquente.
    La neuropathie survient à la suite de positions prolongées, accroupie (vendeuse de chaussures, carreleur...) ou jambes croisées. Le mécanisme est le plus souvent compressif associé très probablement à des facteurs vasculaires de type ischémique.
    En dehors de causes véritablement "idiopathiques", l'existence d'une cause anatomique locale au niveau du tunnel ostéo-musculaire est probablement plus fréquente qu'il n'est classique de le dire et justifie sans aucun doute l'exploration chirurgicale.

    4.2.2 Causes Traumatiques

    Essentiellement au cours des fractures du col du péroné.

    4.2.3 Les Kystes du S.P.E.

    Il s'agit d'une étiologie rare mais importante à connaître.
    L'origine même du kyste est difficile à affirmer et parmi les hypothèses, on évoque soit un kyste synovial issu de l'articulation péronéo-tibiale et accompagnant le nerf articulaire, soit un kyste neurogénique vrai, intraneural.
    Le diagnostic en est généralement facilité par la palpation d'un gros nerf au niveau de la région du col du péroné.

    4.3 Clinique

    Il est possible de distinguer deux tableaux cliniques :

    4.3.1 Une symptomatologie motrice pure ou largement prédominante

    C'est le tableau habituellement rencontré dans les paralysies médicales "traumatiques", caractérisé par la survenue, souvent brutale (au décours de la malposition) ou rapidement progressive d'un déficit moteur intéressant les releveurs du pied, l'extenseur des orteils et les péroniers latéraux.

    4.3.2 Une symptomatologie mixte, motrice et sensitive

    Au cours de laquelle, on rencontre l'existence de douleurs ou plus volontiers de dysesthésies et paresthésies à la face externe de la jambe et à la face dorsale du pied. Comme pour les autres syndromes canalaires, l'atteinte motrice apparaît plus tardivement et de façon plus progressive.
    L'examen objectif local est le plus souvent pauvre, hormis la constatation d'un signe de Tinel au niveau du col du péroné, ou l'existence d'un gros nerf à ce niveau, évocateur d'un kyste du S.P.E.

    4.4 Diagnostic

    Le diagnostic repose essentiellement sur les données cliniques et l'EMG à la recherche d'un bloc de conduction du nerf au niveau du col du péroné.

    4.5 Traitement

    La constatation d'un gros nerf, évocatrice d'un Kyste du S.P.E., impose l'exploration chirurgicale.
    Cette exploration chirurgicale sera également proposée devant tout diagnostic de paralysie médicale "traumatique" n'évoluant pas spontanément vers la récupération clinique ou électromyographique dans l'hypothèse (souvent vérifiée) d'un conflit contenant-contenu dû aux conditions anatomiques locales. La récupération post-opératoire est très souvent spectaculaire.

    5 La méralgie paresthésique

    Décrit pas ROTH en 1895, ce syndrome est dû à une anomalie du nerf fémoro-cutané à sa sortie du bassin au niveau de l'épine iliaque antéro-supérieure (EIAS) au moment où le nerf traverse l'extrémité externe de l'arcade fémorale.
     
    Les mécanismes de la neuropathie peuvent être traumatiques (locaux : microtraumatismes par corsets, vêtements trop serrés ; déformation du bassin ou des membres inférieurs : retentissement local secondaire) ou "spontanés" (anomalies anatomiques locales entraînant une compression du fémoro-cutané).
     
    La symptomatologie clinique est uniquement caractérisée par l'existence de troubles sensitifs :
    - Subjectifs, à type de douleurs, dysesthésies, paresthésies (sensation de brûlures) de topographie très particulière , en raquette à la face externe de la cuisse, dans le territoire du nerf fémoro-cutané.
    - Objectifs, avec à l'examen une hypoesthésie ou une anesthésie avec parfois une dépilation.
     
    Le traitement : supprimer la cause quand elle existe
    Médical [ anti-inflammatoires généraux et locaux (infiltrations au niveau de l'EIAS ) ]
    Il est cependant important de savoir que la guérison spontanée est fréquente. Si persistance et échec du traitement médical ------------> chirurgie

    6 Syndromes canalaires plus rares

    6.1 Le syndrome du nerf sus-scapulaire à l'étroit

    L'étranglement, la distension ou les micro-traumatismes du nerf sus-scapulaire (branche postérieure du tronc primaire supérieur (C5 C6) ; nerf exclusivement moteur pour les muscles sus et sous-épineux qui sont essentiellement des muscles rotateurs externes de l'épaule) à l'étroit dans l'échancrure coracoïdienne sont à l'origine d'une neuropathie canalaire souvent longtemps méconnue.
     
    Un certain nombre de circonstances peuvent être reconnues comme causales.
    1) Choc direct sur l'épaule avec ou sans fracture des éléments osseux de l'épaule.
    Le début de la neuropathie peut être retardé par rapport au traumatisme initial.
    2) Luxation acromio-claviculaire : le déplacement de l'omoplate au cours de cette lésion peut être suffisant pour aboutir à une neuropathie.
    3) Microtraumatismes itératifs du nerf liés à la répétition de certains gestes professionnels; surtout ceux qui associent antépulsion et adduction (Menuisiers, Secrétaires, Haltérophiles, Boxeurs ...)
    4) Variantes anatomiques de l'échancrure coracoïdienne, en particulier étroitesse congénitale ou épaisseur anormale du ligament coracoïdien.
     
    La description clinique est habituellement stéréotypée et associe un syndrome douloureux de l'épaule et une atteinte motrice des muscles sus et sous épineux.
    La douleur est le plus souvent permanente, sourde, pouvant devenir lancinante et très intense, de topographie imprécise, souvent décrite comme profonde à la face postérieure et latérale de l'épaule. Les mouvements du bras qui étirent le nerf et le décubitus latéral du coté atteint sont douloureux.
    L'atteinte motrice est habituellement très modérée, intéressant la rotation externe du bras. Une amyotrophie des fosses sus et sous épineuses est parfois retrouvée; elle n'apparaît que tardivement dans les formes évoluées.
     
    Le diagnostic, souvent difficile, repose essentiellement sur la reproduction de la douleur spontanée :
    - par la pression de l'échancrure coracoïdienne, derrière la clavicule, au bord supérieur de l'omoplate,
    - par certains mouvements extrêmes de l'épaule susceptibles d'étirer le nerf, surtout l'adduction forcée du bras porté en avant et en dedans à l'horizontale qui entraîne en avant et en dedans le moignon de l'épaule.
     
    Le traitement est d'abord médical : Injection d'un mélange "corticoïdes + anesthésiques" au niveau de l'échancrure coracoïdienne. Cette injection est proposée comme test diagnostic à condition que la disparition de la douleur soit franche et rapide. Puis chirurgical : Proposé en cas d'échec des infiltrations et surtout dans les formes chroniques comportant une atteinte motrice. Il comporte une neurolyse avec section du ligament coracoïdien. Les résultats sont le plus souvent spectaculaires lorsque l'indication est bien posée.

    6.2 Le syndrome du canal de Guyon

    La loge de Guyon, de par son étroitesse, peut entraîner une neuropathie cubitale caractérisée par un tableau clinique souvent discret et polymorphe. De forme grossièrement prismatique, on peut y décrire un plancher constitué par le pyramidal et l'os crochu recouverts par les insertions cubitales du ligament annulaire antérieur du carpe ; un toit formé du robuste ligament unco-pisiforme et d'une lame aponévrotique superficielle fusionnant en dehors avec le ligament annulaire antérieur du carpe et une paroi cubitale comportant de haut en bas le tendon du cubital antérieur puis le pisiforme.
    A l'intérieur de cette loge, le cubital décrit un trajet sinueux vertical puis oblique en dehors et en arrière. Il divise à ce niveau en ses 2 branches terminales :
    - superficielle sensitive innervant les deux derniers doigts
    - profonde motrice pour : les muscles hypothénariens, les deux derniers lombricaux, tous les interosseux et l'adducteur du pouce. Avec le nerf, l'artère et la veine cubitales.
     
    Les causes de la paralysie cubitale basse sont multiples On distingue schématiquement 3 groupes
    1) A l'intérieur du canal
    - Le nerf cubital : formations tumorales (Schwannomes) ; œdème traumatique ou microtraumatique (professions exposées : travailleurs manuels, tournevis, pinces, etc…)
    - Les vaisseaux: maladie de système (thrombo-angéite, PAN)
    - Le tissu adipeux quelquefois en excès (quelques cas de lipome ont été décrit)
    - Les anomalies anatomiques: muscles surnuméraires qui cravatent le nerf ou cheminent avec lui dans la loge
    2) Les parois de la loge
    - Le kyste synovial
    - Modifications du cadre osseux surtout traumatiques
    3) Les lésions de voisinage : fractures basses de l'avant-bras, du carpe ou du métacarpe donnant une paralysie cubitale basse souvent retardée.
     
    Sur le plan clinique, on décrit classiquement trois syndromes :
    - un syndrome moteur pur (atteinte de la branche profonde)
    - un syndrome sensitif pur (atteinte de la branche superficielle)
    - un syndrome mixte d'intensité variable.
    Les troubles sensitifs intéressent le territoire cubital mais respectent celui de la branche sensitive dorsale (diagnostic différentiel avec l'atteinte au niveau du coude).
     
    Le traitement est médical (repos, attelles, infiltrations en cas de syndrome sensitif subjectif) et chirurgical lorsque les symptômes ne régressent pas ou peu après quelques semaines de traitement médical.
    selon la topographie :

    6.3 Le nerf median au coude

    Une neuropathie canalaire du médian peut se rencontrer au niveau du coude là où le nerf passe à travers le rond pronateur =>" pronator syndrome " ; " syndrome du rond pronateur ".
    Après avoir quitté la gouttière bicipitale interne, le nerf médian s'engage entre les deux chefs huméral et cubital du rond pronateur puis sous l'arcade du Fléchisseur Commun Superficiel pour cheminer dans l'avant-bras entre FCS et FCP.
    Il existe ainsi 2 zones potentielles de neuropathies :
    - entre les deux chefs du rond pronateur ;
    - sous l'arcade du FCS.
     
    Parmi les mécanismes de la neuropathie on distingue des causes traumatiques ou microtraumatiques (professions) et certaines anomalies anatomiques au niveau du RP ou du FCS, au dessus du coude par un éperon osseux (supra condylar process) ou au dessus de l'épitrochlée (existence d'un ligament de STRUTHERS (1%))
     
    La clinique est caractérisée par l'existence de troubles sensitifs et moteurs dans le territoire du nerf médian. Il s'agit surtout d'une douleur à la face antérieure de l'avant-bras diminuée au repos et augmentée par l'activité. L'examen retrouve une douleur provoquée à la pression de la région du rond pronateur.
    Les difficultés diagnostiques sont fréquentes avec le syndrome du canal carpien et pour beaucoup d'auteurs, le diagnostic se pose surtout chez les malades déjà opérés de canal carpien avec échec.
    Valeur de l'EMG avec recherche d'un bloc de conduction localisé.
     
    Le traitement est médical : repos + infiltrations. Si échec : chirurgie

    6.4 La névralgie obturatrice

    Il s'agit d'une neuropathie canalaire rare, en rapport avec une compression du nerf obturateur au niveau du canal obturateur.
    Le nerf obturateur est issu des racines L2, L3, L4 et représente la branche terminale interne du plexus lombaire. Il sort du pelvis par le canal obturateur. Le canal obturateur ou canal sous-pubien, long de 3 cm environ est limité par :
    - en haut le rebord osseux de la gouttière sous-pubienne
    - en bas, d'arrière en avant par le bord supérieur du muscle obturateur interne, le bord supérieur de la membrane obturatrice interne (ligament de Gunse), la membrane obturatrice interne renforcée par la bandelette sous-pubienne (ligament de Vinson), le bord supérieur épais du muscle obturateur externe.
    Au niveau de ce canal, le nerf obturateur, accompagné des vaisseaux obturateurs, se divise en ses deux branches terminales antérieure et postérieure.
    Il est moteur pour les muscles adducteurs de la cuisse et sensitif pour la face interne de la cuisse.
     
    Parmi les mécanismes de la neuropathie : causes traumatiques (fracture du pubis) ; au cours des hernies obturatrices ; complication parfois de la chirurgie génito-urinaire ; neuropathie idiopathique par rétrécissement du canal obturateur.
     
    Le tableau clinique est fait de douleurs au niveau de l'aine et de la face postéro-interne de la cuisse.
    Ces douleurs sont volontiers augmentées par les efforts de poussée abdominale, en particulier au cours des hernies obturatrices. Elles ne sont pas calmées par le repos.
    L'examen peut mettre en évidence un déficit moteur intéressant l'adduction de la cuisse.
     
    Le traitement est médical (anti-inflammatoires locaux et généraux) et chirurgical par section intra-pelvienne du nerf.

    6.5 Le syndrome du tunnel tarsien

    Décrit en 1962 par KECK et LAM, ce syndrome présente beaucoup d'analogie avec le syndrome du canal carpien, bien que beaucoup plus rare. Il s'agit d'une neuropathie intéressant le nerf tibial postérieur (branche terminale unique du nerf sciatique poplité interne).
    Le tunnel tarsien est représenté anatomiquement par le canal calcanéen, qui est le lieu où le nerf tibial postérieur donne ses deux branches terminales :
    - Le nerf plantaire interne ("comparable" au médian)
    - Le nerf plantaire externe ("comparable" au cubital).
    Il fait suite à la gouttière rétro-malléolaire interne et est limitée par en avant le plan osseux avec au dessous les tendons des jambier postérieur et du fléchisseur commun des orteils, en arrière le tendon du fléchisseur propre du I, en dehors de haut en bas le ligament latéral interne, la face interne du calcanéum, la chaire carrée de sylvius et en dedans le ligament annulaire interne.
     
    Les mécanismes de la neuropathie sont surtout traumatiques (séquelles de fractures malléole astragale calcanéum). Autres causes : ténosynovites, pathologie veineuse locale +++.
     
    La symptomatologie est caractérisée par des douleurs à type de brûlure et de paresthésies qui siègent au niveau du talon, de la plante du pied et des orteils. Il s'agit de douleurs souvent nocturnes et calmées par le fait de remuer le pied ou de le laisser penché en dehors du lit.
     
    Le traitement est essentiellement chirurgical par section du ligament latéral interne

    6.6 La métatarsalgie de Morton

    En 1876, MORTON décrivait une affection douloureuse particulière intéressant l'articulation métatarso-phalangienne du 4ème orteil. Cette affection porte son nom depuis. Il s'agit d'une lésion du nerf interdigital , nerf sensitif, branche des nerfs plantaires.
    Au cours de son trajet, il traverse un ligament (le ligament transverse profond du tarse) qui unit la tête des métatarsiens entre eux. C'est à ce niveau que se produit la neuropathie qui est particulière par l'existence quasi constante d'un névrome du nerf interdigital.
     
    En dehors de causes traumatiques (fracture d'une phalange, d'un métatarsien) le mécanisme principal de la neuropathie est l'hyperextension de l'articulation métatarso-phalangienne (traumatique, congénital, port de talons hauts, professions exposées (carreleur, électricien) polyarthrite rhumatoïde).
     
    Le tableau clinique est caractérisé par des épisodes de douleurs lancinantes au niveau du 3ème et du 4ème orteil avec parfois, irradiations de la douleur le long du bord externe du pied et de la jambe. Ces douleurs surviennent surtout à la marche, sont calmées par le repos et le retrait de la chaussure et peuvent également survenir spontanément la nuit.
     
    Le traitement est chirurgical : neurolyse avec quand il existe, ablation du névrome.


    Traumatismes des nerfs périphériques

    Pr. Y. Guégan

    Service de neuro-chirurgie, CHU de Rennes, 2 rue Henri Le Guilloux, 35033 Rennes Cedex
     

    mis à jour le 30  juillet 1998

    Généralités 
    1 Données anatomiques 
    2 Physiopathologie 
    3 Conséquences chirurgicales 
    3.1 Les interventions 
    3.2 Plaies vues en urgences 
    3.3 Plaies 
    4 Soins associés 
    5 Résultats

    Généralités

    Longtemps, le nerf traumatisé est demeuré le tissu le plus rebelle à la réparation et cela pour plusieurs raisons : la complexité de la structure nerveuse, l'existence de fascicules moteurs et sensitifs dont la distinction anatomique est difficile ; la vitesse de la dégénérescence wallérienne et ses répercussions sur le muscle qui s'atrophie de façon rapidement irréversible ; la sensibilité du nerf à l'ischémie, mais aussi à des facteurs mécaniques, tels que la traction ou l'écrasement qui limite l'emploi des artifices de suture utilisés pour les autres tissus.
    Mais l'obstacle majeur à tout progrès a résidé dans un conflit de compétence, ou plutôt d'incompétence, entre neurochirurgiens et orthopédistes. C'est sans doute l'utilisation chirurgicale de la magnification optique qui a permis de repenser les bases fondamentales de ce difficile problème. Le microscope chirurgical n'a pas seulement rendu possible la suture fasciculaire ou la greffe fasciculaire ; il a conduit à une révision de l'anatomie chirurgicale et de la biologie du nerf périphérique ; il a permis l'utilisation de matériaux de suture extrêmement fins et atraumatiques. Cette amélioration des performances chirurgicales en a amené une autre : celle de la rééducation. Les médecins réadaptateurs et leurs équipes de kinésithérapeutes et d'ergothérapeutes ont repris goût et intérêt à la réhabilitation de ces blessés des nerfs car il est tout de même plus exaltant de rééduquer un blessé qui a les meilleures chances de récupérer que de poursuivre une mobilisation "d'entretien" à visée essentiellement trophique chez un sujet atteint de lésions définitives.
    Le traitement chirurgical actuel des lésions nerveuses périphériques repose sur des bases anatomiques et physiopathologies ; c'est donc par ces éléments qu'il faut commencer pour bien comprendre les techniques et surtout les indications.

    1 Données anatomiques

    L'anatomie du nerf périphérique (fig. 31-1) est importante à connaître car elle conditionne les techniques actuelles de réparation nerveuse. Le nerf périphérique se compose de deux éléments : les fibres nerveuses et le tissu de soutien.
     
    Fibres nerveuses. Elles sont constituées par les axones, prolongements cylindriques conducteurs du corps cellulaire ou neurone. Certains axones se recouvrent d'une mince écorce cytoplasmatique multinucléée : ce sont les fibres de Remak ou fibres amyéliniques. Les autres sont engainés par une gaine lipidique : la myéline, ce sont les fibres à myéline ou myéliniques ; ces dernières constituent la plus grande partie du nerf périphérique où elles voisinent avec des fibres amyéliniques beaucoup moins nombreuses. Toutes les fibres nerveuses périphériques sont entourées par les cellules de Schwann dont la fonction principale est la formation de la gaine de myéline.
     
    Tissu de soutien. L'endonèvre, le périnèvre et l'épinèvre constituent ce qu'il est convenu d'appeler le tissu de soutien, le tissu conjonctif du nerf périphérique (20 à 80 p. 100 de la composition du nerf périphérique). L'endonèvre, mince couche conjonctive, constitue une membrane limitante externe autour de chaque fibre nerveuse. Il limite le tube endoneural qui comprend l'axone, la gaine de myéline et la cellule de Schwann. Le périnèvre engaine un ensemble de fibres nerveuses qui constituent un fascicule. Chaque fascicule est entouré par son propre périnèvre, manchon fin mais dense de tissu fibreux. L'épinèvre représente tout le tissu conjonctif extérieur ou périnèvre, que ce soit entre les fascicules ou à la surface du nerf, le séparant des autres éléments anatomiques de la région. A ce niveau, il est plus épais, et on le désigne parfois sous le nom de névrilemme.
     
    Vascularisation des nerfs périphériques. Elle est double : un système extrinsèque, constitué d'artères nourricières et de vaisseaux épineuraux, se distribue de façon longitudinale dans les deux sens aux différents fascicules (à la manière d'un méso : mésoneurium) ; un système intrinsèque, constitué de plexus vasculaires fasciculaires situés dans l'endonèvre, est formé de capillaires longitudinaux avec nombreuses anastomoses.
     
    De cette étude anatomique, il faut retenir que si l'unité fonctionnelle du nerf périphérique est la fibre nerveuse (l'axone), l'unité anatomique est le fascicule, particulièrement bien limité par le périnèvre au sein d'un tissu conjonctif plus ou moins lâche. Le nerf ne doit pas être considéré comme un tout, mais comme un ensemble de ces éléments fasciculaires. Il faut toutefois distinguer le fascicule "anatomique", vu par l'histologiste, du fascicule "chirurgical", créé de toutes pièces par le chirurgien. La dissection sous microscope permet en effet d'individualiser plusieurs fascicules (5 à 7 par exemple au niveau du nerf médian au poignet) engainés par un épaississement épineural constituant en fait un groupe fasciculaire ou "fascicule chirurgical".

    2 Physiopathologie

    La plaie peut être franche et provoquer une section complète et une rétraction parfois importante des deux extrémités du nerf ; ailleurs, elle est partielle ou latérale ; enfin il peut exister une contusion simple, ce qui n'exclut pas l'existence de ruptures intraneurales.
    La classification des lésions nerveuses distingue (fig. 31-2) :
    1) l'interruption des fascicules nerveux (neurotmésis) avec ou sans conservation de l'enveloppe épineurale ; aucune régénération n'est possible ; si le nerf n'est pas totalement sectionné, il se développe un névrome de continuité ;
    2) l'interruption des axones (axonotmésis) et de la gaine de myéline, mais avec conservation du périnèvre ; malgré la dégénérescence du segment distal, l'intégrité du tube nerveux favorise une régénération spontanée de bonne qualité ;
    3) la sidération fonctionnelle des axones (neuropraxie) habituellement temporaire .
     
    En cas de section complète, un névrome se constitue à l'extrémité proximale, à l'extrémité distale une dégénérescence commence très tôt, caractérisée par une involution granulo-graisseuse des axones et de leur gaine de myéline (dégénérescence wallérienne). Ces modifications s'effectuent sur toute la longueur du segment périphérique jusqu'aux ramifications terminales. Lorsque ces phénomènes de résorption sont terminés, seules persistent des gaines vides, formées par la gaine de Schwann épaissie. Cette dégénérescence finit par atteindre la jonction neuromusculaire et l'atrophie devient irréversible quand elle est complète.
    Au niveau de l'extrémité proximale, après une phase de dégénérescence rétrograde limitée (dépassant rarement 1 cm en amont de la section), survient rapidement le phénomène de régénération. La régénération des fibres nerveuses résulte de la croissance des cylindraxes appartenant à l'extrémité centrale du nerf sectionné : chaque axone donne naissance à un nombre variable de cylindraxes néoformés, très fins. En l'absence de pénétration de l'extrémité distale, cette prolifération exubérante aboutit à la constitution du névrome central. Si les gaines ne sont pas interrompues, il se produit une réhabilitation des tubes de l'extrémité distale. Les cylindraxes néoformés rencontrent les tubes de Schwann laissés vides par le processus de dégénérescence et y pénètrent. Ultérieurement, la maturescence de la fibre nerveuse reconstitue la gaine de myéline. La vitesse de régénération des fibres nerveuses est variable selon les espèces ; elle est comprise entre 1 et 3 mm par jour chez l'homme.
    La réussite du bourgeonnement des axones dépend avant tout de la rencontre des axones avec des cellules de Schwann. La probabilité de régénération est d'autant plus grande que le nombre de "tubes vides" disponibles est plus élevé. Mais lorsqu'une cicatrice conjonctive s'interpose entre les deux extrémités, les terminaisons proximales des axones se replient devant l'obstacle et donnent naissance à un épaississement nodulaire, le névrome.

    3 Conséquences chirurgicales

    Les lésions de réalisant pas d'interruption du fascicule (axonotmésis) ont plus de chance de récupération que celles qui l'interrompent (neurotmésis).
    En l'absence de rétraction, chaque fascicule peut être suturé individuellement en utilisant des microligatures. En cas de rétraction ou de perte de substance, une greffe fasciculaire est nécessaire : le transplant subit également la dégénérescence wallérienne, mais il offre ensuite son tube à la régénération axonale. L'élément chirurgical est le fascicule.

    3.1 Les interventions

    Neurolyse interfasciculaire. Ce mauvais terme (dans la mesure où il ne s'agit pas de lyse nerveuse mais fibreuse), désigne la libération des éléments nerveux du tissu fibreux ou cicatriciel qui les engaine. Autrefois limitée au tronc du nerf, la neurolyse peut être poussée aujourd'hui, grâce au microscope, jusqu'au niveau fasciculaire. Elle doit toutefois respecter la vascularisation, ce qui implique de ne pas la prolonger sur une distance supérieure à 7 cm ; il est nécessaire d'y associer une hémostase très soigneuse pour éviter une récidive fibreuse. Cette méthode s'adresse aux plaies respectant la continuité, surtout si le nerf est le siège d'un névrome de continuité. La neurolyse constitue, dans ces cas, un temps à la fois diagnostique, permettant le bilan des lésions endoneurales, et thérapeutique (fig. 31-5).
     
    Suture fasciculaire (fig. 31-3). La traditionnelle suture épineurale ayant largement fait la preuve de ses insuffisance, on réalise maintenant une suture fasciculaire chaque fois que cela est possible, en particulier quand il existe une section fraîche et franche du tronc nerveux sans traction. S'il est possible par cette technique d'affronter les fascicules entre eux, il est difficile d'affirmer avoir affronté un fascicule moteur en face de son homologue, ou un fascicule sensitif en face d'un fascicule sensitif. Ce problème de l'orientation fasciculaire est la clé de la chirurgie nerveuse périphérique . Il se pose à différents niveaux ; à la partie distale du nerf l'agencement fasciculaire est relativement programmé avec souvent des branches terminales déjà individualisées ; il en est tout autrement le long du tronc du nerf et a fortiori dans sa partie proximale. Cette disposition fasciculaire est, en effet, susceptible de varier sur une courte distance (deux coupes séparées de deux millimètres ne permettent parfois pas de retrouver la même disposition fasciculaire) mais également d'un individu à l'autre, ou même d'un côté à l'autre chez le même individu. Il est donc impossible de dresser une cartographie fiable de la disposition fasciculaire. Le "déraillement" des axones régénérés à travers la zone de suture est de gravité variable : sans conséquence, s'il s'agit du même muscle ; rattrapable, s'il s'agit de muscles synergiques ; il aboutit à une catastrophe fonctionnelle si un fascicule moteur est branché sur un fascicule sensitif.
     
    Greffe nerveuse interfasciculaire (fig. 31-6). La section totale du nerf s'accompagne pratiquement toujours d'une rétraction des extrémités. D'autre part, la nécessité de les recouper (pour supprimer le névrome de l'extrémité proximale et la fibrose de l'extrémité distale) crée une perte de substance. Rétraction et perte de substance font que la suture nerveuse, quand elle est possible, ne peut être réalisée qu'aux prix d'une tension majeure qui est une condition très défavorable pour la régénération. Pour l'éviter, on utilise des greffons fasciculaire . La greffe réalisée est de type autologue, l'opéré étant également le donneur. Mais elle se heurte à deux difficultés : d'une part, la vascularisation est précaire ; la revascularisation par les extrémités et surtout par le lit du greffon est d'autant meilleure que le greffon est plus court et surtout de calibre plus modeste ; d'autre part, un deuxième obstacle est représenté par la congruence entre le greffon (nerf sensitif cutané de 1 à 2 mm de diamètre) et le tronc nerveux dont le diamètre est de 3 à 4 fois plus grand que celui du greffon.
    En pratique, le nerf le plus souvent prélevé est le nerf saphène externe à la jambe dont la longueur utilisable est d'environ 40 cm, avec un calibre d'environ 2 mm. On peut utiliser également le nerf brachial cutané interne, et son accessoire, le rameau cutané du nerf radial ou le nerf saphène interne. Cette méthode, qui se heurte aux mêmes difficultés concernant l'orientation fasciculaire, s'adresse aux lésions nerveuses comportant une perte de substance supérieure à deux ou trois centimètres, qu'elle soit due à la rétraction ou à la recoupe nécessaire des extrémités.

    3.2 Indications

    Les progrès récents de cette chirurgie permettent actuellement de proposer une véritable conduite à tenir devant une lésion nerveuse périphérique traumatique. Encore faut-il admettre que telle attitude valable aujourd'hui ne le sera peut-être plus dans quelques années, lorsqu'auront été publiées de longues séries de résultats ; ceux-ci ne peuvent être appréciés avant des mois, voire des années.
    La fréquence des lésions traumatiques des nerfs périphériques est difficile à apprécier, car nous ne disposons que de statistiques de guerre. En pratique civile, il semble qu'elle ne dépasse pas 2 à 3 p. 100 des lésions traumatiques. Les nerfs le plus souvent atteints sont ceux du membre supérieur (nerf médian, nerf cubital, puis nerf radial) en soulignant le caractère catastrophique sur le plan fonctionnel de l'atteinte associée du nerf médian et du nerf cubital qui compromet toute la fonction de la main. Le mécanisme lésionnel le plus fréquent est la plaie par bris de verre. L'attitude thérapeutique repose sur un bilan clinique et électrique, dont le but est d'établir le diagnostic topographique et d'évaluer le pronostic.
     
    Bilan clinique. Il est fondé sur l'étude de la motricité et de la sensibilité. L'étude de la motricité consiste à étudier avec soin chaque muscle innervé par le tronc nerveux lésé (tableau 31-1), en établissant un schéma d'innervation motrice, daté, qui servira de référence pour suivre l'évolution ultérieure. Ce bilan moteur doit être complété par l'appréciation de la trophicité musculaire : amyotrophie de l'éminence thénar dans les lésions du nerf médian, des espaces interosseux et de l'éminence hypothénar dans les lésions du nerf cubital.
    L'étude de la sensibilité comporte : une écoute attentive des plaintes (paresthésies, douleurs), en notant leur siège, leurs irradiations, leur type, leur intensité, leur durée, les facteurs aggravants ou calmants ; une cartographie sensitive, indispensable pour l'évaluation comparative ultérieure ; enfin, la recherche, surtout devant une lésion ancienne, du signe de Tinel : la percussion au niveau de la lésion nerveuse entraîne des sensations désagréables (à type de décharges électriques) dans le territoire distal ; la progression de ce signe le long du trajet du nerf traduit l'avance de la repousse nerveuse et représente un bon élément d'appréciation de la régénération axonale.
     
    Bilan électrique. L'examen électrique
    est indispensable pour évaluer le siège et l'intensité des lésions. Il doit comporter une électromyographie de détection, une mesure des vitesses de conduction motrice et sensitive.
     
    Les indications chirurgicales se posent différemment selon que la lésion nerveuse périphérique est vue précocement ou secondairement.

    3.3 Plaies vues en urgence

    Il convient de rappeler d'emblée que toute plaie siégeant sur le trajet d'un nerf doit être explorée. Deuxième point important : une plaie nerveuse périphérique n'est jamais une urgence. Priorité doit être donnée aux lésions associées : tendineuses, osseuses et surtout vasculaires; on sait l'intérêt de la vascularisation dans la qualité de la régénération nerveuse : il est donc indispensable d'assurer en priorité un bon terrain vasculaire en rétablissant la ou les continuités artérielles. Ces lésions associées se rencontrent le plus souvent au niveau de la main ce qui rend compte de l'intérêt des services "SOS MAINS". Une fois traitées ces lésions associées, on réalise une approximation la plus exacte possible des extrémités nerveuses par quelques points épineuraux mis en place avec une technique grossissante (au minimum lunettes-loupe) en vue de la réparation secondaire.
     
    Réparation en urgence. Elle doit être effectuée chaque fois que possible en essayant de respecter certaines conditions : le blessé doit être vu dans les six premières heures ; la plaie nerveuse doit être nette et franche (plaie par verre ou couteau), ou partielle et nette ; la plaie ne doit pas être souillée ou susceptible de le devenir ; il ne doit pas y avoir de lésions associées majeures, tendineuses ou osseuses ; il faut réunir une équipe parfaitement entraînée à ce type de chirurgie.
     
    Réparation secondaire précoce (4e à 6e semaine). Elle est choisie par beaucoup d'auteurs : d'abord pour des raisons anatomiques car elle permet une meilleure organisation de la fibrose et une reconnaissance plus aisée des zones saines mais aussi pour des raisons biologiques car la dégénérescence s'achève, la régénération a démarré et les synthèses protéiques au sein de la cellule nerveuse sont alors optimales ; enfin pour des raisons cliniques car il est plus aisé, à ce moment, de faire le bilan clinique et électrique sans lequel la surveillance ultérieure et l'évaluation des résultats ne sont pas possibles.
    Très tôt, avec l'avis du spécialiste de médecine physique, du kinésithérapeute et de l'ergothérapeute, un protocole de rééducation est organisé, et les problèmes d'orientation professionnelle sont envisagés en fonction de la gravité de la lésion. Une plaie des nerfs médian et cubital droits, chez un travailleur manuel droitier, pose d'importants problèmes socio-professionnels dont il faut se préoccuper rapidement.
    L'intervention comporte un temps de dissection du tronc nerveux, un temps de neurolyse afin de libérer le nerf de la fibrose, un temps de recoupe des extrémités nerveuses, enfin, un temps de réparation par suture ou greffe fasciculaire.
     
    Plaie vues tardivement. Il faut ici distinguer deux situations.
    Plaie connue mais non traitée. Le problème est d'abord diagnostique : la lésion est-elle complète ou partielle ? Le bilan clinique et électrique apporte des renseignements importants mais peut se trouver en défaut : il ne faut alors pas hésiter à proposer une intervention exploratrice. Sur le plan thérapeutique, l'attitude est fonction du délai écoulé entre la date de l'accident et celle de l'intervention. Même s'il n'y a théoriquement pas de délai maximal pour la réparation nerveuse - puisque le pouvoir néoformateur de cylindraxes de la cellule nerveuse réapparaît lors d'une nouvelle section du tronc nerveux -, les limites sont, bien sûr, représentées par l'état anatomique et surtout physiologique des récepteurs périphériques. S'il n'y a pas de limite pour effectuer une neurolyse, les chances de récupération pour une suture ou une greffe fasciculaire au-delà de six mois sont inversement proportionnelles au délai qui s'est écoulé depuis l'accident. Il est en effet illusoire d'espérer réinnerver une plaque neuromusculaire dégénérée ou un muscle atrophié.
     
    Lésion inconnue. En cas de traumatisme fermé, de fracture sur un trajet nerveux, ou de plaie par projectile, il est parfois difficile de connaître le type lésionnel : neuropraxie simple (récupération spontanée rapide), axonotmésis (récupération spontanée) ou neurotmésis (pas de récupération spontanée). Le bilan clinique et électrique initial doit être effectué le plus près possible du traumatisme. Puis, on instaure une surveillance étroite en même temps qu'est mise en route la rééducation. Un nouveau bilan clinique et électrique est réalisé entre le deuxième et le troisième mois.
    Trois éventualités peuvent se présenter :
    1) il existe des signes cliniques et électriques manifestes de récupération : l'abstention chirurgicale est justifiée et la surveillance est effectuée en consultation ;
    2) il existe des signes discrets de récupération, en particulier électriques : l'abstention chirurgicale est également justifiée, mais un nouveau bilan est nécessaire au sixième mois ;
    3) une absence totale de récupération au troisième mois, ou une stagnation des petits signes de récupération au sixième mois imposent l'exploration chirurgicale.
     
    Séquelles tardives. Quand la réparation a abouti à un échec, en particulier dans les lésions vues très tardivement, le blessé peut présenter des séquelles douloureuses dues à un névrome d'amputation, fréquent au niveau des nerfs collatéraux des doigts, à un névrome de continuité ou bien à la striction du nerf dans une gangue fibro-cicatricielle ou dans un cal vicieux. Les douleurs sont spontanées ou provoquées par la pression, le moindre effleurement de la zone lésionnelle. Il s'agit de dysesthésies ou de paresthésies dans le territoire du nerf atteint mais aussi de douleurs ascendantes ou de causalgies. Ces douleurs sont justiciables d'une exploration chirurgicale quel que soit le délai : on pratique le plus souvent une neurolyse, éventuellement une résection du névrome avec greffe interfasciculaire ou greffe en anse de seau (névrome d'amputation). Il faut prévenir le malade que le but de l'intervention, ou de la réintervention, est uniquement antalgique, et qu'il ne doit pas en espérer une amélioration motrice. Sur le plan sensitif, le résultat est parfois surprenant, avec récupération d'une sensibilité de protection.

    4 Soins associés

    Immobilisation post-opératoire. Les techniques microchirurgicales et les sutures sans tension permettent une immobilisation post-opératoire de courte durée par des attelles et/ou des plâtres légers en position de fonction. Ainsi, une greffe du nerf médian ou du nerf cubital au poignet nécessite une immobilisation d'une dizaine de jours, sauf en cas de lésion osseuse ou tendineuse associée.
     
    Rééducation. Le plus rapidement possible, il faut lutter contre les troubles trophiques par la mise en élévation des membres, les massages cutanés, les bains. Lorsque la paralysie est complète, il faut préserver la fonction en prévenant les rétractions articulaires (intérêt des orthèses dynamiques), en maintenant la trophicité de la peau, en apprenant au blessé à protéger sa main des brûlures ou des traumatismes auxquels l'anesthésie le prédispose. La phase
    active de la rééducation commence lorsque des contractions réapparaissent. Ergothérapie et ludothérapie prennent alors toute leur importance, de même que la rééducation sensitive associant examen visuel et palpation simultanée des objets, puis reconnaissance les yeux bandés.
     
    Problèmes socio-professionnels. On conçoit que la fragilité de l'emploi soit particulièrement perçue par ces blessés, travailleurs manuels, chez lesquels la lésion nerveuse périphérique est une catastrophe à la fois fonctionnelle, professionnelle et familiale. Il y a quelque chose de contradictoire entre l'investissement thérapeutique souvent considérable fait pour redonner au membre touché sa capacité de travail, et les obstacles souvent insurmontables que rencontre le travailleur handicapé dans sa réhabilitation. Aussi, faute de pouvoir assurer la reprise de la même activité, la rééducation doit comprendre, à côté des mesures de kinésithérapie, un réapprentissage orienté.

    5 Résultats

    Sans méconnaître ce que les techniques de réparation nerveuse doivent au microscope opératoire, il est honnête de dire que les résultats ont été améliorés mais non transformés . Une statistique récente note pour 130 cas de sutures nerveuses : 55 p. 100 de bons ou très bons résultats, 30 p. 100 de résultats médiocres. Sur 104 greffes nerveuses, on dénombre 12 très bons résultats, 39 bons, 44 médiocres, et 19 nuls. C'est dire qu'il n'y a guère plus d'un blessé sur deux qui tire un bénéfice réel de la réparation d'une plaie nerveuse même si elle est réalisée dans les meilleures conditions.
     
     
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